Reportage "Les promesses n'ont jamais été tenues" : la Corse partagée entre l'attente et la résignation avant le discours d'Emmanuel Macron sur l'autonomie de l'île

Emmanuel Macron doit s'exprimer ce jeudi matin devant l'Assemblée de Corse pour préciser les contours d'un accord sur l'autonomie de l'île.
Article rédigé par Victoria Koussa
Radio France
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Temps de lecture : 3 min
Emmanuel Macron dans la cour de la préfecture d'Ajaccio mercredi 28 septembre. (VICTORIA KOUSSA / FRANCEINFO / RADIOFRANCE)

C'est un discours très attendu. Emmanuel Macron prendra la parole ce jeudi 28 septembre à 10 heures dans l'Assemblée de Corse, à Ajaccio, où il est arrivé mercredi soir, pour évoquer les avancées sur le statut de l'île, plus d'un an après son engagement à aller "jusqu'à l'autonomie".

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C'est en quelque sorte l'heure de vérité après les derniers accords conclus au cœur d'un été de négociations. Après un an de discussions engagées après l'assassinat d'Yvan Colonna, d'allers-retours entre la Corse et le continent pour les élus et le ministre de l'Intérieur, Emmanuel Macron doit dire ce que signifie pour l'Etat le mot "autonomie". Les Corses veulent plus de compétences, fiscales notamment, et pouvoir voter des lois en fonction des particularités de l'île. Le chef de l'Etat, de son côté, a déjà imposé ses limites : pas question de créer deux types de citoyens, c'est-à-dire qu'il ne devrait pas y avoir de statut de résident, réclamé par les nationalistes pour privilégier le logement et l'emploi pour ceux qui vivent ici.

Les autonomistes restent prudents, les indépendantistes veulent plus

Les élus corses attendent de pied ferme le discours présidentiel. Côté autonomistes, confiance et prudence restent les maîtres-mots. "On n'a pas le droit d'être déçus. Pour l'avenir de la Corse, pour nos enfants, c'est une étape très importante. C'est plusieurs mois de discussion et ça ne peut pas se terminer en queue de poisson", estime le député Paul-André Colombani.

"On est d'ccord sur le terme autonomie. Dans une autonomie, il y a un pouvoir législatif et on attend des annonces claires à ce sujet-là."

Paul-André Colombani, député de Corse

à franceinfo

Les indépendandistes, eux, s'agacent, car ils aimeraient aller beaucoup plus loin. Ils réclament par exemple que le corse devienne la deuxième langue officielle sur l'île. Un "en même temps", c'est pour eux hors de question. Pourtant, il faut bien que l'exécutif trouve un point d'équilibre, car, si un accord est trouvé aujourd'hui, il faudra l'inscrire dans une révision constitutionnelle. Et celle-ci devra être validée par les Assemblées, et notamment par le Sénat, où la droite, majoritaire, est réticente à toute avancée institutionnelle sur la Corse.

"Les gens ne s'attendent à rien et ils vont quand même être déçus" 

Du côté des habitants, c'est moins clair. Certains craignent que les tensions reprennent sur l'île notamment contre l'Etat, si Emmanuel Macron n'est pas au rendez-vous de l'attente. On sent surtout chez les Corses beaucoup de résignation. "Quand il y aura des faits concrets, on pourra en parler. Pour l'instant, ce ne sont que des paroles", confie ainsi un habitant. "On va bien voir ce qu'il propose, mais, malheureusement, ça fait un petit moment qu'on attend", poursuit un autre.

Un discours similaire chez les moins politisés comme chez les plus engagés. "Nous ce qu'on attend franchement de lui, c'est au moins qu'il parle d'autonomie financière, ou de quelque chose comme ça", dit Tiare, une jeune indépendantiste qui a participé aux manifestations après l'assassinat d'Yvan Colonna en prison.

"Plus de pouvoir législatif, on peut pas dire non, bien sûr qu'on l'acceptera, après ça va dépendre de ce qui est dit. On ne peut pas dire 'si ça a été dit, on peut fermer les yeux'. On verra dans la globalité."

Tiare, militante indépendantiste corse

à franceinfo

"Je crois que les gens ne s'attendent à rien de particulier, ajoute Jade, une amie de Tiare. Ça a toujours été pareil : il y a des promesses et elles n'ont jamais été tenues. Je pense que les gens ne s'attendent à rien et qu'ils vont quand même être déçus", dit-elle, désabusée. Mais les deux amies suivront pourtant le discours du président de la République, avec cette once d'espoir : que la Corse bascule enfin vers l'autonomie, désirée depuis des décennies par leurs parents et leurs grands-parents.

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