Bébés échangés à Cannes : vingt ans après les faits, la maternité condamnée
Les familles vont être indemnisées à hauteur de 1,88 million d'euros.
Les deux jeunes filles n'ont connu que tardivement leur famille biologique. Une clinique de Cannes (Alpes-Maritimes) a été reconnue responsable, mardi 10 février, de l'échange par mégarde de deux bébés placés en couveuse en juillet 1994. Le tribunal de Grasse a condamné solidairement la clinique et la société d'assurances de l'établissement à verser 1,88 million d'euros aux deux familles "en réparation des préjudices consécutifs au manquement à cette obligation de résultat".
Dans le détail, la clinique doit indemniser à hauteur de 400 000 euros chaque jeune fille échangée, Mathilde et Manon, de 300 000 euros chacun des trois parents concernés et de 60 000 euros chaque frère et sœur, indique Nice Matin. Francetv info revient sur cette histoire hors du commun.
1994 : l'échange à la maternité
En juillet 1994, Manon et Mathilde naissent à la maternité de Cannes-La-Bocca. Quelques jours plus tard, les 8 et 9 juillet, les deux petites filles, qui souffrent d'une jaunisse, sont placées dans la même couveuse, bien qu'aucun bracelet ne permette de les identifier.
Lorsque les fillettes sont restituées à leurs mamans, ces dernières émettent des doutes, chacune de leur côté. La toute jeune mère de Manon, Sophie, alors âgée de 19 ans, trouve que son nouveau-né a bien plus de cheveux qu'à la naissance. Mais le personnel attribue cette chevelure fournie à un effet secondaire de l'exposition sous les lampes de la couveuse.
2004 : un test génétique répond aux doutes du "père" de Manon
Les parents de la petite Manon sont à l'origine du test biologique qui a amené à la découverte de l'échange, dix ans après les faits. Car, au fil des années, la peau de la fillette est devenue mate, alors qu'aucun des deux parents n'est noir ou métis. Au fur et à mesure, explique Le Figaro, " la dissemblance entre elle et ses parents devient frappante. La petite subit des moqueries, se fait surnommer 'la fille du facteur'".
Le couple se déchire. Le père, qui soupçonne sa compagne d'infidélité, exige un test ADN. Surprise : s'il n'est pas le papa, Sophie n'est pas davantage la mère de Manon. La petite fille apprend, à 10 ans, qu'elle n'a pas de lien biologique avec ses parents.
2005 : la plainte est classée
Le couple porte alors plainte au pénal pour substitution d'enfant, relève France 3 Côte d'Azur. Cela permet de retrouver la trace de la petite Mathilde et de sa famille, les autres victimes de l'échange. Des tests prouvent la filiation croisée.
Mais les nourrissons n'ont pas été volontairement intervertis, démontre l'enquête à l'époque. La plainte est alors classée sans suite, en 2005. Sophie, la maman de Manon, est désemparée. En 2008, elle se confie à France 3 Côte d'Azur. "Le sentiment qu'on m'a volé mon bébé. (...) Ca fait culpabiliser, ça m'a fait perdre confiance en moi, vraiment, profondément", explique-t-elle. "Tant qu'on ne me dira pas 'c'est eux les responsables', comment je fais moi, pour ne pas me sentir responsable. On nous a fait du mal et on ne punit pas les responsables. On a volé l'identité de ces enfants", déplore-t-elle alors.
2010 : les deux familles assignent la maternité au civil
Après cette découverte, les deux familles se rencontrent mais ne tissent pas de liens particuliers. Pourtant, ensemble, elles assignent en responsabilité la maternité, les deux médecins accoucheurs, deux pédiatres et une auxiliaire puéricultrice devant le tribunal civil de Grasse, en 2010. Chacune réclame six millions d'euros.
2015 : la clinique condamnée, pas les médecins
Les deux familles privées de leur enfant biologique voici vingt ans ont obtenu mardi 1,88 million d'euros en réparation du préjudice subi. Si l'établissement et son assureur sont condamnés, les familles ont en revanche été déboutées de leurs demandes formées contre les médecins.
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