: Vidéo Attentat des Rosiers : "Un hommage national c'est bien, mais ce serait mieux si la justice était passée", déplore un rescapé
"Imaginez qu'un cancérologue reçoive un patient et fête avec lui sa rémission, il faut faire les choses dans l'ordre", ironise Guy Benarousse qui a eu la jambe pulvérisée à 16 ans dans l'attentat des Rosiers de 1982. Pour lui, il faut rendre justice avant tout.
"C'est une affaire d'État qui ne dit pas son nom", clame Guy Benarousse, victime de l'attentat de la rue des Rosiers il y a 40 ans. Alors qu'un hommage national est rendu mardi 9 août pour la première fois, ce rescapé réclame la tenue d'un procès, estimant "qu'un hommage national c'est bien, mais c'est mieux si la justice était passée". Le 9 août 1982, un commando avait attaqué le restaurant casher "Jo Goldenberg", en plein quartier juif de Paris, rue des Rosiers faisant six morts et vingt-deux blessés. Une cinquantaine de personnes étaient présentes dans le restaurant, situé dans une petite rue très passante du vieux quartier juif de Paris, dans le IVe arrondissement.
>> Attentat de la rue des Rosiers à Paris : 40 ans après, où en est l'enquête ?
franceinfo : Quel souvenir avez-vous de l'attentat ?
Guy Benarousse : Une journée d'horreur. Parce que quand vous avez 16 ans, vous n'êtes pas préparé à ce que vous allez vivre. Vous êtes propulsé dans la guerre, dans l'horreur et quoi qu'il arrive, votre vie est complètement changée à ce moment-là. J'ai reçu une balle et ma jambe a été pulvérisée. À partir de là, il a fallu se reconstruire d'abord physiquement, et puis après, vous avez un mal plus profond qui s'appelle un mal psychologique.
"À l'époque, être victime d'un attentat, ça n'existe pas."
Guy Benarousse, victime de l'attentat de la rue des Rosierà franceinfo
Ça n'existe pas dans les contrats d'assurance ou dans la nomenclature de la Sécurité sociale. Vous devez donc payer vos soins. Vous devez en fait apprendre à vivre avec ce handicap physique et avec ce handicap psychologique, c'est votre mode de vie complet qui va basculer.
40 ans plus tard, l'enquête n'est toujours pas terminée. Quatre auteurs sont identifiés : deux sont en Jordanie et un en Cisjordanie, pas d'extradition pour le moment. Le dernier, d'origine palestinienne, résidait en Norvège et a été extradé en France, mis en examen pour assassinat et incarcéré. Mais pour l'instant, toujours pas de date de procès. Vous vous sentez oublié ?
Dire qu'on se sent oublié, quarante ans après, c'est un faible mot. C'est une affaire d'État qui ne donne pas son nom. Les questions restent ouvertes, aujourd'hui. Je n'en veux pas à la justice, on est dans un état de droit, la justice doit passer, ce n'est pas à moi de décider qui est coupable et qui ne l'est pas : c'est au juge de faire son travail. J'en veux au fait que c'était trop long. Une victime ne peut se reconstruire que si la justice est rendue. On ne peut pas imaginer que des gens se lèvent le matin et qui se disent 'aujourd'hui : "Je vais aller tuer, je vais aller jeter des grenades sur des gens et je trouverai des sanctuaires où la justice ne passera pas".
Allez-vous vous rendre à la cérémonie organisée mardi rue des Rosiers ?
Oui, et j'y prendrai la parole. Néanmoins, un hommage national c'est bien, mais ce serait mieux si la justice était passée. Imaginez qu'un cancérologue reçoive un patient et fête avec lui sa rémission, il faut faire les choses dans l'ordre. On fait venir les personnes qui sont incriminées dans ce dossier, on les entend, on les juge et puis après, vous faites un hommage national.
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