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Comment Hasna Aït Boulahcen est passée d'adolescente délurée à jihadiste acharnée

Cette femme de 26 ans est présentée comme la cousine du commanditaire présumé des attentats de Paris, Abdelhamid Abaaoud. 

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Hasna Aït Boulahcen, la kamikaze présumée de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), photo non datée. (FRANCE 2)

"Il est où ton copain ?" Un policier hurle. Une voix haut perchée s'égosille : "C'est pas mon copain !" Une forte explosion retentit. Il est environ 5 heures, mercredi 18 novembre, dans le centre-ville de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Une ceinture d'explosifs vient d'être déclenchée.

Dans un premier temps, les enquêteurs ont cru qu'il s'agissait d'Hasna Aït Boulahcen, une femme de 26 ans. Finalement, il s'agissait d'un homme. Mais la jeune femme était bien présente dans l'appartement et a été tuée dans l'assaut mené par le Raid. Elle est présentée comme la cousine - il pourrait s'agir d'un titre affectueux, et non d'un lien familial - du commanditaire présumé des attentats de Paris, Abdelhamid Abaaoud, également mort à Saint-Denis. Des vérifications sont en cours.

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Placée en famille d'accueil jusqu'à 15 ans

Hasna Aït Boulahcen naît en août 1989, à Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine). Elle est toute petite lorsque sa famille s'installe dans la cité de la Rose-des-Vents, dite des "3 000", à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), raconte Le Parisienvendredi 20 novembre. Ses parents se séparent rapidement. Sa mère reste à Aulnay. Son père quitte le foyer familial pour travailler chez PSA en Lorraine. 

Elle vit une enfance maltraitée. Elle est placée dans une famille d'accueil entre 8 et 15 ans. "Au début, ça se passait bien. C'était une gamine comme les autres", mais sans jamais aucun geste de tendresse, témoigne sous couvert d'anonymat sa mère d'accueil auprès de l'AFP.

Puis les choses se dégradent. "Pour moi, ça venait de chez elle", des visites une fois par mois chez ses parents, poursuit sa mère d'accueil. Elle se rappelle le 11 septembre 2001, quand la fillette "applaudissait devant la télé". Peu à peu, l'adolescente ne fait "que ce qui lui plaît", hurle parfois, fait le mur. "En grandissant, elle a manqué de repères et a choisi la fin de l'insouciance, en multipliant les fugues, les mauvaises fréquentations", résume son frère à l'AFP.

Hasna Aït Boulahcen quitte cette famille d'un coup, à 15 ans. "Quand elle est partie, je me suis dit : 'elle est perdue'", raconte la mère d'accueil, qui a eu un dernier contact avec elle en 2008. Jeudi, elle a pleuré en découvrant sa photo à la télévision.

Une jeune femme surnommée "Chapeau de paille" qui fumait et buvait 

C'est à cette période qu'elle gagne son surnom : "Chapeau de paille". Elle a aussi une réputation de "fille fofolle" et fragile, "qui fumait du shit", capable de "danser toute seule dans la rue", "en mode rappeuse ou cowboy, avec ses santiags", selon Le Parisien. "Elle avait la joie de vivre, elle profitait de la vie. Elle était dans une mauvaise passe, elle s'est fait influencer", explique au quotidien Khemissa, qui se présente comme l'une de ses plus proches amies.

"Elle buvait dans les soirées", raconte un ancien ami, Jérôme, à l'AFP. "Pendant le ramadan, elle buvait à l'ivresse. La vodka, c'était son péché mignon", renchérissent des personnes interrogées par Le Bien public, qui l'ont connue à Creutzwald, ville ouvrière de Moselle. "Elle était un peu extravertie", raconte une voisine à France 2.

La jeune femme allait à Creutzwald pour rendre visite à son père, un musulman pratiquant de 74 ans, qui se trouve au Maroc depuis six mois.

"Hasna, on ne pouvait pas passer à côté. C'était la seule fille dans une bande de dix mecs. Elle avait le contact facile, quand elle avait quelque chose à dire, elle le disait", déclare un autre habitant du quartier de Creutzwald. Il se souvient de l'avoir vue pour la dernière fois à l'été 2011. "Cet été-là, on est beaucoup sortis ensemble avec tout un groupe de potes." 

Métamorphosée depuis peu

Et puis, il y a six mois, ou un an, la jeune femme s'est transformée. Elle "avait commencé par porter le jilbab [tenue recouvrant l'intégralité du corps excepté le visage] puis, un mois après, elle était passée au niqab : elle s'était fabriqué sa propre bulle, elle ne cherchait aucunement à étudier sa religion, je ne l'ai jamais vue ouvrir un Coran", explique à l'AFP un homme qui se présente comme son frère et demande l'anonymat.

Le journal belge Dernière heure a consulté son profil Facebook. Elle y aurait publié des photos d'elle vêtue d'un niqab et tenant des armes. La jeune femme aurait également écrit des messages à la gloire d'Hayat Boumeddiene, compagne d'Amedy Coulibaly, le terroriste de l'Hyper Cacher. "Jver biento aller en syrie inchallah biento depart pour la turkie" (sic), aurait commenté sur sa page Hasna Aït Boulahcen. Elle avait aussi confié cette envie à son amie Khemissa. "Elle me disait : 'Je vais aller en Syrie, faire le jihad'. Mais comme elle était un peu fofolle, je ne l'ai pas prise au sérieux", assure-t-elle.

Des informations laissées sur internet permettent aussi de remonter jusqu'à une entreprise de BTP, Beko Construction, désormais en liquidation judiciaire, enregistrée à Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis). Elle y aurait tenu la gérance de cette société durant sept mois, jusqu'en décembre 2013, selon L'ExpressFrance Bleu précise que Beko Construction était auparavant basée à Creutzwald.

Après sa "métamorphose", "un lavage de cerveau", la jeune femme "passait son temps à tout critiquer, elle n'acceptait aucun conseil, elle entretenait des relations plus que douteuses", selon sa mère, 58 ans, que l'AFP a rencontrée. Les enquêteurs ont perquisitionné l'appartement de cette femme, situé à Aulnay-sous-Bois, jeudi soir, tout comme celui du père, en Moselle. Devant leur télévision, des voisins de l'immeuble d'Aulnay-sous-Bois où elle a encore été aperçue il y a dix jours, affirme avoir reconnu sa voix au cours de l'échange avec les forces de l'ordre, mercredi matin.

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