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Menaces de l'EI : "Nos moyens de surveillance sont notoirement insuffisants", s'inquiètent les enseignants

Depuis que le groupe Etat islamique a appelé à attaquer les écoles françaises, les professeurs affichent leurs inquiétudes.

Article rédigé par Marie-Violette Bernard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Un policier monte la garde devant l'école maternelle Jean-Perrin à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), le 14 décembre 2015. (ALPHA CIT / CITIZENSIDE.COM / AFP)

Ils craignent d'être la nouvelle cible des jihadistes de l'Etat islamique (EI). De nombreux professeurs ont exprimé leurs inquiétudes après les menaces du groupe terroriste lancées dans le numéro de novembre de sa revue francophone où il souhaite s'en prendre aux "ennemis d'Allah" qui "enseignent la laïcité". 

Lundi 14 décembre à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) un instituteur a affirmé avoir été victime d'une agression par un homme se revendiquant de l'Etat islamique. Même s'il a reconnu par la suite avoir inventé son agression, cela ne remet pas en cause la nécessité d'améliorer la sécurité dans les établissements scolaires après les attentats de Paris.

"Nous recevons de nombreux messages d'enseignants qui voudraient plus de mesures de sécurité à l'entrée des établissements, indique Jean-Rémi Girard, vice-président du Syndicat national des lycées et collèges (SNALC), contacté par francetv info. Ce sentiment est particulièrement présent à Paris et en proche banlieue, car ces villes semblent être des cibles privilégiées."

"Il n'y a pas assez de personnel à l'entrée"

Le syndicaliste, professeur de français dans un collège de Saint-Arnoult (Yvelines), avoue ne pas se sentir menacé. "Je travaille dans un établissement assez rural et mon collège est entouré d'une grille, il possède un interphone, explique Jean-Rémi Girard. Mais dans d'autres établissements, il n'y a pas de personnel à l'entrée, pas de portail qui ferme."

Amélie Hart-Hutasse, professeure d'histoire-géographie dans un lycée d'Athis-Mons (Essonne) et militante du Syndicat national des enseignements de second degré (Snes), confirme. "Nos moyens de contrôle sont notoirement insuffisants, estime-t-elle, contactée par francetv info. Il y a, au maximum, quatre à cinq surveillants au même moment dans l'établissement, pour 1 200 élèves."

Des caméras et des heures d'ouverture limitées

La sécurité a toutefois été renforcée après les attentats de janvier. Les portails ne restent désormais ouverts qu'à l'entrée et la sortie des classes, ainsi que 10 minutes entre chaque heure de cours. "Si une classe se termine en retard, les élèves doivent attendre l'heure suivante pour pouvoir sortir de l'établissement", précise Amélie Hart-Hutasse.

"Nous avons aussi des caméras à l'entrée, poursuit-elle. Mais si un déséquilibré débarque avec une arme, ça ne l'empêchera pas de passer." Si la professeure avoue que cette possibilité n'est que rarement abordée avec ses collègues, elle affirme que la tension est palpable dans l'établissement. "Une de mes collègues a envoyé un e-mail au proviseur, pour l'informer que les portails étaient grands ouverts ce matin et à midi, sans aucun adulte pour filtrer", révèle-t-elle.

"Nous ne devons pas céder à la phobie collective"

Isabelle Guigon, secrétaire départementale du syndicat enseignant SE-Unsa en Seine-Saint-Denis, ressent cette inquiétude jusque dans son école maternelle. "Le sujet revient fréquemment parmi les instituteurs, confie-t-elle à francetv info. La semaine dernière, nous devions participer à une animation pédagogique avec tous les professeurs réunis au même endroit. Certains collègues avaient peur, se posaient même la question d'annuler le rendez-vous."

L'institutrice en maternelle réclame plus de moyens humains pour assurer la sécurité dans son établissement et dans les autres de Seine-Saint-Denis. "Pas forcément la police ou des militaires", déjà déployés dans le cadre du plan Vigipirate renforcé. "Il faudrait, par exemple, avoir à nouveau recours aux gardiens d'école, estime Isabelle Guigon. Ce sont des yeux et des oreilles qui assurent une présence en journée, une sécurisation supplémentaire."

La secrétaire départementale du SE-Unsa souhaite toutefois éviter toute forme de panique. "Nous ne devons pas céder à la phobie collective, insiste Isabelle Guigon. Il faut, au contraire, faire preuve de professionnalisme et surmonter cette peur."

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