Attentat de Nice : le procureur pointe les "négligences" de la sécurité et demande la requalification des faits en "homicides et blessures involontaires"
"Des défaillances, voire une suite de manquements susceptibles d'avoir directement contribué à la réalisation" de l'attentat de Nice. Les mots du procureur de la République de Nice, Xavier Bonhomme, sont univoques. Il demande aux juges enquêtant sur les failles du dispositif de sécurité mis en place pour les festivités du 14 juillet 2016 sur la Promenade des Anglais, de requalifier les faits en "homicides et blessures involontaires", selon le réquisitoire supplétif du parquet que franceinfo a pu consulter mercredi 19 juillet, confirmant une information du journal Le Parisien.
Car l'enquête autour de l'attentat du 14-Juillet se poursuit. L'an passé, c'est le volet terroriste de l'enquête qui a été jugé devant la cour d'assises spéciale de Paris, qui avait alors examiné le déroulement des faits et jugé huit personnes, entre autres, pour association de malfaiteurs terroriste. Tous avaient été condamnés à des peines allant de deux à dix-huit ans de prison. Mais une autre enquête est toujours en cours, pour tenter de comprendre comment l'attentat en lui-même a pu se produire.
Un dispositif de sécurité sous-dimensionné
En 2017, une enquête avait été ouverte pour "mise en danger de la vie d’autrui par violation délibérée d’une obligation réglementaire de sécurité ou de prudence" après la plainte déposée par plusieurs parties civiles. Elles pointaient des dysfonctionnements dans l’organisation de la sécurité de la Prom-Party 2016 de la Fête nationale. 30 000 personnes étaient attendues. Ce soir-là, un camion bélier a foncé sur la foule sur la Promenade des Anglais faisant 86 morts et plus de 400 blessés. Dans cette enquête, indépendante donc du volet terroriste, quatre personnes sont placées sous le statut de témoin assisté : Christian Estrosi, actuel maire de Nice qui occupait le poste de premier adjoint en 2016, Philippe Pradal, maire en 2016 et actuel député des Alpes-Maritimes, ainsi que l’ancien préfet des Alpes-Maritimes et son ex-directeur de cabinet.
Il y a deux mois, Me Virginie Le Roy, l'avocate de l’association Promenade des Anges et de plusieurs parties civiles, avait déposé une demande d'actes pour requalifier les faits. "Depuis plus de six ans, les investigations diligentées par les magistrats instructeurs révélaient des défaillances, voire une suite de manquements susceptibles d’avoir directement contribué à la réalisation des faits", estime le procureur de Nice dans son réquisitoire supplétif. L'examen des pièces de l'information judiciaire "et des éléments nouveaux communiqués par l'association Promenade des Anges" pousse le procureur à demander la requalification des faits. Selon lui, le dispositif était sous-dimensionné le soir du 14 juillet.
Pour Xavier Bonhomme, "les manquements constatés apparaissent pouvoir être plus exactement appréciés comme relevant de fautes caractérisées d’imprudence ou de négligence, susceptibles d’avoir exposé autrui à un risque d’une particulière gravité". Il demande des investigations sur "la réalité de ces éléments nouveaux" qui relèvent des délits d'"homicides et de blessures involontaires par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi".
Le procureur de la République de Nice estime également important "de déterminer avec plus de précisions la nature du dispositif de sécurité" mis en place sur la Promenade des Anglais le soir du 14 juillet, alors que la menace terroriste était connue "ou redoutée", et notamment la possibilité d’une d’attaque au véhicule bélier.
Un réquisitoire supplétif "qui répond au besoin de vérité des victimes"
Xavier Bonhomme répond aussi aux demandes de Promenades des Anges et requiert de multiples actes d’investigation comme les auditions de 60 policiers nationaux et municipaux, et d’équipages postés sur certains carrefours de la ville. Il demande enfin que soient versés au dossier des annexes du rapport de l'IGPN, le rapport d’analyse des risques terroristes 2016 commandé par la Ville de Nice, ou encore la copie de l’intégralité des images de vidéosurveillance du 14 juillet 2016 à Nice.
Contactée par franceinfo, Virginie Le Roy, l’avocate de l’association Promenade des Anges, salue un réquisitoire supplétif du procureur "qui répond au besoin de vérité des victimes". Elle pointe "l’insuffisance criante des moyens de sécurité logistiques, matériels et humains déployés sur la Prom-Party". Virginie Le Roy attend de la part des juges d’instruction "plusieurs actes d’enquête complémentaires, qui devront enfin permettre, plus de sept ans après l’attentat, d’obtenir des réponses précises et concrètes, des mises en examen et la tenue d’un procès désormais inéluctable".
Ce sont désormais aux trois juges d’instruction de trancher.
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