Attentat de Nice : un an après, deux policiers qui ont stoppé le camion témoignent
Deux policiers niçois, Christophe et Patrick, sont intervenus pour stopper le camion qui a tué 86 personnes sur la promenade des Anglais. Un an après l'attentat, ils se confients sur les faits et leurs conséquences.
Il y a un an à Nice, Mohamed Lahouaiej Bouhlel fonçait avec son camion sur la promenade des Anglais, faisant 86 morts et 450 blessés. Un hommage aux victimes de l'attentat et à leurs proches est organisé vendredi 14 juillet, à Nice, en présence d'Emmanuel Macron. Deux policiers seront notamment décorés pour leur action ce soir-là : Christophe, un policier municipal et Patrick, fonctionnaire de la Police nationale. Ils ont tenté de stopper le camion, lors de la soirée meurtrière.
Quand le mot "attentat" est prononcé
Ce soir-là, le feu d'artifices vient de se terminer quand Christophe repère un poids-lourd qui fonce sur les passants sur la promenade des Anglais. "J'entends un énorme bruit et je vois ce camion qui circule à très vive allure sur le trottoir. Il renverse tous les passants et fracasse tout le mobilier urbain", se souvient-il. Le policier municipal de 45 ans avertit immédiatement ses collègues : "J'annonce à mon poste de contrôle radio la présence de ce camion en direction du centre-ville." Sa communication avec ses collègues se termine par ces mots : "Risque d'attentat". Christophe remonte dans sa voiture et prend en chasse le camion qui roule tous feux éteints, mais sans succès. La foule est trop dense et le poids-lourd va trop vite.
Les policiers persuadés de mourir ce soir-là
Patrick est lui positionné deux kilomètres plus loin, à l'autre extrémité de la scène de crime. Ce fonctionnaire de police assiste au comportement héroïque d'un Niçois. "J'ai pu constater la présence d'un civil qui monte au contact du chauffeur, se bat avec lui et tente de le maîtriser", raconte Patrick. Le Niçois prend un coup et tombe du camion. "Le chauffeur du camion sort la tête et essaie de braquer son arme vers cette personne", détaille le policier, qui est alors face au terroriste avec un de ses collègues. "Il nous prend pour cible et nous tire chacun une fois dessus." Les deux fonctionnaires de police ripostent et sont rapidement rejoints par leurs collègues qui arrivent en renfort par l'arrière. "Il y a eu de nombreux tirs qui ont conduit à la neutralisation du terroriste."
À ce moment-là, les policiers ne sont pas convaincus que l'attaque est terminée : des rumeurs font état de tirs dans le centre-ville, de prise d'otages dans un restaurant, etc. Les policiers s'attendent au pire et, selon Christophe, tous les fonctionnaires présents sur place sont "persuadés de mourir ce soir-là". Ils sont convaincus qu'ils encourent d'autres risques. "On était persuadés que soit le camion était chargé d'explosifs soit que des individus armés allaient en sortir. Et on sait que généralement ils ont des armes qui sont plus puissantes que les nôtres." Pendant de longues minutes, Christophe met en joue avec son arme les portes arrière du camion.
On a eu cette sensation d'être au milieu d'un nid de guêpes et de devoir gérer quelque chose qui allait nous dépasser
Christophe, policier municipal à Niceà franceinfo
De son côté, Patrick demande très vite à quitter le dispositif policier : il est aussi jeune pompier volontaire et, pendant deux heures, il évacue les blessés. S'il tient le coup ce soir-là, c'est grâce à des gestes automatiques, lui a expliqué un psychiatre par la suite. "On a des choses à faire et on les fait sans y réfléchir parce qu'on est entraîné à ça. C'est ce qui nous permet de nous protéger psychologiquement de l'événement par rapport à tous les civils." Il se souvient d'ailleurs de la réaction de ces civils, très choqués le soir du drame. "On a pu voir des gens qui étaient complètement sidérés : ils se baladaient au milieu [de la promenade] sans vraiment comprendre pourquoi, sans savoir ce qui se passait. C'était assez troublant." Selon lui, les gestes automatiques qu'il a pu acquérir dans sa formation de pompier volontaire l'ont protégé.
La reconstruction est très difficile
Un an après, les policiers tentent de poursuivre leur vie. Ni Patrick ni Christophe ne se sont arrêtés après l'attentat. Christophe dirige toujours les équipes de nuit de la police municipale. Quant à Patrick, il a craqué au mois de mai : impossible de remettre sa tenue de gardien de la paix. Le stress post-traumatique a pris le dessus : "L'anxiété, le stress, la colère, les cauchemars font repenser à l'événement beaucoup plus souvent qu'à l'accoutumée", détaille le policier. Au quotidien, il ressent des difficultés à s'endormir le soir et de l'irritabilité.
Christophe, lui, se souvient d'une séance très difficile avec des psychologues. Ils n'ont pas tenu le choc face aux témoignages des policiers. "Quand on leur racontait les faits avec précisions, c'est-à-dire quand on détaillait ce qu'on avait réellement vu et qu'on précisait les odeurs et les images, certains d'entre eux n'ont pas réussi à tenir et c'était des paroles insoutenables donc ils ont dû quitter la séance." Entre le policier municipal et le policier national, on perçoit une grande marque de respect mutuel, bien loin de la polémique sans fin sur le dispositif de sécurité le soir de l'attentat.
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