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Attaque contre des soldats près du Louvre : "Les militaires deviennent eux-mêmes des cibles"

Bénédicte Chéron, universitaire spécialiste des relations entre l'armée, la société et les médias, répond aux questions soulevées par l'agression, vendredi 3 février, contre des soldats de l'opération Sentinelle, au Carrousel du Louvre, à Paris.

Article rédigé par Benoît Zagdoun - propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Des policiers montent la garde devant le Louvre, le 3 février 2017 à Paris, après une attaque contre des militaires de l'opération Sentinelle. (SERGE TENANI / CITIZENSIDE / AFP)

Une attaque "à caractère terroriste" a été commise dans l'un des lieux les plus emblématiques de Paris, selon les mots du Premier ministre, Bernard Cazeneuve. Un homme a agressé à la machette des militaires en patrouille à l'entrée de la très touristique galerie du Carrousel du Louvre, avant d'être grièvement blessé par le tir d'un des soldats.

>> Attaque contre des militaires au Louvre : suivez l'enquête en direct

Cette agression soulève plusieurs questions sur l'opération Sentinelle, alors que 7 000 soldats sont déployés dans toute la France, dont 3 500 dans la capitale, pour faire face à la menace terroriste. Afin d'y répondre, franceinfo a interrogé Bénédicte Chéron, professeure à l'Institut catholique de Paris, spécialiste des relations entre l'armée, la société et les médias.

L'opération Sentinelle a-t-elle démontré son efficacité en permettant de neutraliser cet assaillant ?

Bénédicte Chéron : En l'état actuel des informations dont nous disposons sur cette attaque, c'est-à-dire des informations encore très partielles, on ne sait pas si cet agresseur avait pour cible d'autres personnes que les militaires de Sentinelle, s'il voulait pénétrer dans le musée du Louvre et s'attaquer à des touristes, par exemple.

Si ce qui est finalement avéré, c'est qu'il s'en est pris directement aux militaires de Sentinelle, on ne peut pas dire que l'opération Sentinelle a rempli son rôle de protection des Français contre une menace terroriste. A moins de considérer que les soldats jouent le rôle d'un aimant pour attirer des terroristes à eux et empêcher que ces terroristes ne s'attaquent à d'autres personnes que les militaires. C'est quand même un concept un peu bizarre, puisque cela veut dire qu'on développerait l'idée qu'ils sont des cibles et qu'on l'assume. Ce n'est pas du tout la fonction officielle de l'opération Sentinelle.

Les patrouilles militaires dans les lieux publics ne seraient donc pas efficaces ?

Dans les moments qui ont suivi les attentats de 2015, on pouvait comprendre cette réaction qui consistait à mobiliser des militaires sur le territoire national. Cette réaction d'urgence avait une légitimité. Mais la perpétuation de cette opération massive pose des questions parce que, pour l'instant, aucun fait ne vient nous démontrer que cette opération Sentinelle est effectivement une bonne réponse à la menace terroriste. Et ce qui semble pour l'heure plutôt être démontré, c'est que les militaires deviennent eux-mêmes des cibles.

Sentinelle ne serait donc qu'une opération d'affichage ?

On peut se poser la question vis-à-vis de la population française de la perception de cette action et de ce décalage très important qu'il y a entre un discours affiché sur l'opération Sentinelle et la réalité des faits et de ce qui est en train de se passer. 

Lors de l'attentat au Bataclan, les Français ont appris, a posteriori, que des militaires étaient sur place et qu'ils n'avaient pas pu agir et réagir dans le contexte dans lequel ils se trouvaient mobilisés, et qu'ils n'avaient donc servi à rien. Et là, on voit maintenant des militaires qui sont des cibles. On est dans une contradiction totale avec ce que les politiques tiennent comme discours sur l'opération Sentinelle.

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