Que se passe-t-il à Dijon, où des affrontements ont eu lieu ce week-end ?
La préfecture de Côte-d'Or a connu trois soirées particulièrement agitées, ces derniers jours. De violents affrontements ont notamment impliqué des Tchétchènes venus de toute la France, a indiqué le procureur de Dijon.
Plusieurs blessés dont un grave après un week-end d'affrontements : la ville de Dijon a été le théâtre de confrontations violentes, vendredi 12, samedi 13 et dimanche 14 juin, sur la place de la République, ainsi que dans le quartier des Grésilles. "Ce n’est pas la guerre, mais ce sont des événements graves, un peu inédits pour Dijon, et même ailleurs sous cette forme", a expliqué le procureur de la République de Dijon, Eric Mathais, lundi matin, sur France Bleu Bourgogne. Franceinfo résume ce que l'on sait.
Trois soirs d'affrontements
Le premier face-à-face a eu lieu dans la nuit de vendredi à samedi, place de la République, en plein centre-ville.. "On a vu des mouvements de foule vers 23h", se rappelle un restaurateur installé sur place. "Cela a été la surprise, on n'a pas vu les choses arriver. Sur le coup, on a pensé que c'était une manifestation anti-raciste", confie-t-il à franceinfo. Les personnes ont rapidement été dispersées par les forces de l'ordre, et le centre-ville a retrouvé son calme, rapporte-t-il. "Il n'y a pas eu de psychose surdimensionnée."
Le maire socialiste, François Rebsamen, a lui-même remarqué, alors qu'il rentrait chez lui, une centaine de personnes, certaines armées de battes de baseball et encagoulées."Ces faits sont inacceptables et totalement inédits", a déclaré à l'AFP l'élu qui brigue un quatrième mandat.
Une cinquantaine de Tchétchènes, selon la police citée par l'AFP, sont revenus dans la nuit de samedi à dimanche à Dijon, cette fois dans le quartier sensible des Grésilles. "On a entendu des coups de feu. Au début, je croyais que c'était des pétards", raconte Jean-Claude, gardien d'une résidence étudiante, à franceinfo, à propos des faits qui sont déroulés en bas de chez lui. Il a alors fermé ses volets et ses fenêtres, et n'a appris que plus tard, grâce aux vidéos qui circulaient sur les réseaux sociaux, que les tirs étaient bien réels. Le gérant d'une pizzeria a été grièvement blessé par balle, selon une source policière, après un tir dans le dos précise France Bleu Bourgogne. Ses jours ne sont plus en danger.
Une troisième expédition punitive, également aux Grésilles, a encore réuni, dans la soirée de dimanche à lundi, plus d'une centaine de personnes. Cette fois, le conducteur d'une voiture a été grièvement blessé, après un accident lié à ces affrontements, vers 21h30. La scène a été filmée et publiée sur les réseaux sociaux.
"Nous étions en direct au centre de commandement de la police, on voyait sur les caméras ces 140 personnes de la communauté tchétchène rassemblées sur la place du marché aux Grésilles. Et il y a un véhicule qui est venu à proximité, qui a d'ailleurs à un moment donné esquissé un mouvement pour foncer dans la foule. Ensuite il y a eu cet accident", a expliqué le procureur de la République de Dijon sur France Bleu.
Des Tchétchènes mis en cause
"Le week-end qui vient de s’achever a été marqué par des violences commises dans l’agglomération dijonnaise, semble-t-il dans le cadre d’un règlement de comptes entre des membres de la communauté tchétchène de France et des résidents du quartier des Grésilles et d'autres quartiers de la métropole dijonnaise", indique le préfet de Côte-d'Or, Bernard Schmeltz, dans un communiqué, consulté par franceinfo. De son côté, le procureur de la République de Dijon évoque une "dérive communautaire sur fond de racisme". Il affirme que ces Tchétchènes ont appelé sur les réseaux sociaux à se venger des "Maghrébins", après l’agression, quelques jours plus tôt, d’un jeune homme de 16 ans issu de la communauté tchétchène.
Dans une interview au quotidien local Le Bien public, un homme se présentant comme un Tchétchène et disant avoir participé à l'expédition punitive a confirmé que l'opération visait à venger un "jeune de 16 ans", tchétchène, qui aurait été "agressé" par des dealers. "Nous étions une centaine, venus de toute la France, mais aussi de Belgique et d'Allemagne (...) Nous n'avons jamais eu l'intention de saccager la ville ni de nous en prendre à la population", raconte-t-il. "Ils nous ont insultés, ils ont frappé l'un des nôtres, on est là pour les tabasser", a indiqué un autre participant à France 3 Bourgogne Franche-Comté, ajoutant qu'il ne voulait pas "embêter les Dijonnais".
Une enquête ouverte mais aucune interpellation
Malgré ce déchaînement de violences, aucune interpellation n’avait encore eu lieu lundi à Dijon. "Dans un cas comme ça, a expliqué Eric Mathais, la priorité, c'est avant tout la sécurisation, éviter que le pire ne se produise." Par ailleurs, une enquête a été ouverte, "en particulier pour tentative de meurtre en bande organisée, dégradations, incitation à la violence", en cosaisine entre la police judiciaire et la sécurité publique.
"Je m'attendais à entendre des sirènes de gendarmes ou de pompiers, mais on n'a rien entendu", se souvient encore Jean-Claude. Ce dernier reste préoccupé, alors que les étudiants de la résidence dont il s'occupe continuent depuis samedi soir leurs allées et venues. "Je ne suis pas rassuré et ma femme non plus. On aurait pu se prendre une balle perdue, s'inquiète-t-il. Puis on fait passer des visites en ce moment, et cela ne fait pas une très bonne pub. Quand les parents nous demandent si le quartier est calme, on dit 'oui', mais voilà..."
Des forces de l'ordre appelées en renfort
Un renfort composé d'une centaine de forces de l'ordre a été dépêché lundi à Dijon. La préfecture a précisé qu'une demi-section de CRS (37 policiers) et des membres de la brigade anticriminalité étaient déjà arrivés dimanche. Un escadron de gendarmes mobiles, soit 110 militaires, doit être déployé lundi soir. Néanmoins, selon le procureur, la plupart des membres de la communauté tchétchène venus d’autres villes ont désormais quitté Dijon.
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