Reportage "Ma mère va devoir venir me chercher" : entre soulagement et incompréhension, la première nuit sous couvre-feu à Pointe-à-Pitre

Le couvre-feu pour les mineurs est entré en vigueur dans la nuit du lundi 22 au mardi 23 avril en Guadeloupe. La mesure, destinée à lutter contre la délinquance juvénile, est prévue pour un mois renouvelable.
Article rédigé par Boris Loumagne
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Une voiture de police dans les rues de Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe (illustration). (YANNICK MONDELO / AFP)

"Allez, on y va…" Cet adolescent de 14 ans n’a pas vraiment compris ce qui lui arrivait : installé, un sandwich à la main, sur la grande place de Pointe-à-Pitre, il s'est fait contrôler par la brigade anticriminalité (Bac). Or, il est 21h, il est mineur : il s'agit donc d'une infraction au couvre-feu pour tous les mineurs de la ville entré en vigueur lundi 22 avril, ordonné lors d'une visite en Guadeloupe par le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, pour une durée d'un mois renouvelable dans certaines zones des Abymes et de Pointe-à-Pitre. "Ce jeune homme n'était pas au courant, sa maman arrive. On n'a pas de raison de l'embêter, et il va rentrer chez lui", précise le préfet Xavier Lefort, qui surveille l'opération.

L'adolescent n'écopera pas de l'amende de 750 euros prévue en cas de non-respect de ce couvre-feu effectif entre 20h et 5h du matin pour les moins de 18 ans dans toute l'agglomération : les forces de l'ordre font preuve de pédagogie, pour ce premier soir, mais avec fermeté.

Cet arrêté - qui permet le déploiement de 35 policiers et une quinzaine de gendarmes - est destiné à "la mise en sécurité des mineurs" dans un contexte d'"augmentation de la délinquance, et notamment des vols à main armée" et afin de "restreindre et limiter cette délinquance juvénile qui est en augmentation extrêmement marquée sur ces communes", selon le préfet. Avant de préciser que "40% des faits de délinquance commis par des mineurs le sont par des mineurs âgés de 15 à 17 ans".

"Je pense que les parents ont pris leurs responsabilités"

Les policiers auront ainsi sillonné les rues de la sous-préfecture pendant deux heures. Bilan : un seul mineur identifié. "L'information a été entendue : je pense que les parents ont pris leurs responsabilités de ne pas laisser leurs mineurs traîner dehors. Donc si on ne trouve pas de mineurs, c'est forcément parce que les gens n'ont pas défié l'arrêté, qu'ils ont tenu à le respecter", se félicite le patron de la Bac.

Cette satisfaction de la police est partagée par certains habitants : "C'est bien, c'est une bonne chose parce qu'il y a trop, vraiment trop de jeunes qui sont dans la rue. Des petits enfants de 8 ou 9 ans dans la rue à 23h, parfois après… Ce n'est pas normal", se réjouit cette mère de famille.

En revanche, chez beaucoup de mineurs, le couvre-feu est vécu comme une injustice, comme ces deux adolescents croisés juste avant 20h et l'entrée en vigueur du couvre-feu. Ils venaient tout juste de débuter leur entraînement de basket.

"On s'entraîne de 19h30 à 20h30, mais on est limités. Par exemple, là, l'entrainement commmence à 20h, alors on y va, mais ma mère travaille et va devoir sortir pour venir me chercher parce que je ne peux pas sortir..."

Un adolescent de Pointe-à-Pitre

à franceinfo

Pendant deux mois, la mère de l’adolescent devra donc venir le chercher à l’entraînement alors qu’il n’habite qu’à quelques centaines de mètres du terrain de basket.

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