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Présidentielle 2022 : sur la sécurité, les politiques "sont à la remorque des syndicats" de policiers, analyse un sociologue

"Cela dit beaucoup de la faiblesse du leadership politique et d'une absence de vision", estime sur franceinfo Sebastian Roché, alors que le syndicat de policiers Alliance a convié ce mercredi les candidats à la présidentielle à un "grand oral" sur les questions de sécurité.

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La candidate LR à l'élection présidentielle, Valérie Pecresse, prononce un discours lors du "grand oral" organisé par le syndicat de police Alliance, à Paris, le 2 février 2022. (JULIEN DE ROSA / AFP)

Les politiques "sont à la remorque des syndicats" de policiers sur le thème de la sécurité, a analysé mercredi 2 février sur franceinfo Sebastian Roché, sociologue, directeur de recherche au CNRS et professeur à Sciences-po Grenoble, spécialiste des questions policières et de sécurité, alors que le syndicat de policiers Alliance a convié ce mercredi les candidats à la présidentielle à un "grand oral" sur les questions de sécurité. Seuls les candidats de droite et d'extrême droite ont accepté d'y participer, ainsi que le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin.

"Ce ne sont pas des leaders, ce sont des suiveurs politiques", insiste Sebastian Roché. Cela démontre selon lui "la faiblesse du leadership politique et une absence de vision". Rappelant que "la très grande majorité des policiers sont à droite et probablement la majorité d'entre eux à l'extrême droite", il estime que "le discours des différents partis politiques s'est aligné sur le discours de l'extrême droite". Cette situation est "nuisible" pour l'élection présidentielle, et les syndicats "nous entraînent dans une direction qui est dangereuse pour nous", ajoute Sebastian Roché.

À chaque campagne électorale, les candidats se positionnent sur les thèmes de la sécurité et discutent avec les syndicats. Mais est-il habituel qu'ils soient reçus par un syndicat ?

Sébastian Roché : C'est très inhabituel. Là, on se prépare à choisir la tête de l'Etat. Et en démocratie, on appelle la tête de l'Etat le leader politique. Le leader, c'est celui qui conduit. Et là, nos politiques sont à la remorque. Ce ne sont pas des leaders, ce sont des suiveurs politiques. Ils sont à la remorque des syndicats. Les syndicats sont des organisations qui défendent les intérêts de leurs membres.

"Ce que l'on attend du président, c'est de défendre l'intérêt des Français et non pas d'un groupe particulier, d'une corporation particulière. C'est ça qui est extrêmement troublant."

Sebastian Roché, sociologue

à franceinfo

Qu'est-ce que cela dit du poids que prend le thème de la sécurité dans cette campagne ou du poids que les policiers veulent qu'ils prennent ?

Cela dit beaucoup de la faiblesse du leadership politique et d'une absence de vision. Qu'est-ce que l'on fait faire à la police ? Pour faire quoi ? Le président Macron a pensé que la police était un instrument de la cohésion sociale, comme l'armée. Il fait jouer à la police, et donc aux syndicats qui la représentent, un rôle qu'elle n'a pas. La police n'est pas un outil de cohésion sociale. Malheureusement, elle n'a pas du tout cet effet dans les études qui sont réalisées.

Comment analysez-vous cette faiblesse du leadership politique ?

Le gouvernement a beaucoup imaginé que l'on allait obtenir la cohésion sociale, la cohésion nationale, à travers un renforcement de la police et même peut-être une présence de l'armée. Donc, je pense qu'il y a une préparation. Comment expliquer qu'un syndicat puisse à un moment donné faire passer des auditions aux candidats ? Parce que le gouvernement a placé les syndicats dans cette posture. Et d'autre part, parce que le discours des différents partis politiques s'est aligné sur le discours de l'extrême droite.

L'enjeu, c'est l'électorat que représentent les policiers, les forces de l'ordre au sens large. Quand est-ce que les politiques de droite et d'extrême droite ont pris conscience de cet électorat-là ?

Il y a un certain nombre de travaux qui ont été faits, notamment par le Cevipof, sur plusieurs élections. La très grande majorité des policiers sont à droite et probablement la majorité d'entre eux à l'extrême droite. Donc, pour les partis politiques de droite, c'est un électorat sensible. C'est une petite partie de l'électorat – il y a 150 000 policiers, 100 000 gendarmes, donc un total de 250 000 – mais c'est un électorat qui est acquis à droite. Mais on ne sait pas à quelle droite il est acquis. Est-ce qu'il va plutôt pencher vers madame Pécresse, vers monsieur Macron, vers monsieur Zemmour ? C'est la mise en scène de cette dispute de préférence des policiers que l'on a en ce moment sous les yeux.

Est-ce que cela nuit, selon vous, à la démocratie aujourd'hui et à cette campagne présidentielle ?

Pour moi, oui, c'est nuisible. Parce ce que l'on fait croire que la police sait comment résoudre les problèmes de sécurité.

"Les policiers ne savent pas comment résoudre les problèmes de sécurité. Les propositions qui sont faites dans le cadre de cette rencontre sont des contrevérités."

Sebastian Roché, sociologue

à franceinfo

Plus de policiers ne garantit pas la sécurité. Plus de places de prison – cela qualifie le régime chinois ou le régime des Etats-Unis, qui ont beaucoup hypertrophié la prison – mais plus de places de prison n'est pas du tout une équivalence à plus de sécurité pour les citoyens. Donc, je crois que les syndicats, en faisant passer ce discours et en essayant de l'imposer aux candidats, faussent le jeu et nous entraînent dans une direction qui est dangereuse pour nous.

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