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Mort de Nahel à Nanterre : "Ces phénomènes se sont multipliés très récemment et c'est très inquiétant", estime un chercheur, spécialiste du maintien de l’ordre

Pour Simon Varaine, chercheur en sciences politiques au laboratoire PACTE de Grenoble, l'augmentation du nombre de personnes tuées après un refus d'obtempérer est à relier avec la loi de 2017 sur l'utilisation des armes à feu pour la police.
Article rédigé par franceinfo
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Le 14 juin 2023, un policier a tué un automobiliste à Saint-Yrieix (Charente) après un refus d'obtempérer. (QUENTIN PETIT / MAXPPP)

"Ces phénomènes se sont multipliés très récemment et c'est très inquiétant", alerte mercredi 28 juin sur franceinfo Simon Varaine, chercheur en sciences politiques au laboratoire PACTE de Grenoble, spécialiste du maintien de l’ordre. Treize personnes ont été tuées par les forces de l’ordre l’année dernière pour un refus d’obtempérer. Pour le chercheur, la mort de Nahel, mineur de 17 ans, tué par un policier dans les mêmes conditions mardi à Nanterre est le résultat "d’un changement de loi en 2017, qui a dérégulé les conditions d'utilisation des armes à feu pour la police", a-t-il expliqué. Depuis la modification de la loi, "les policiers peuvent tirer sur des individus en fuite qui sont susceptibles, au cours de leur fuite, de mettre en danger la vie d’autrui", a-t-il poursuivi. Ce "qui ouvre à toute une série d'interprétations", dit-il.

franceinfo : Quelle analyse vous inspire la vidéo des faits ?

Simon Varaine : Ces phénomènes se sont multipliés très récemment et c'est très inquiétant. On fait le lien avec un changement de loi qui a eu lieu en 2017, qui a dérégulé en fait les conditions d'utilisation des armes à feu pour la police. On voit très clairement un effet de cette loi. Au-delà de ces situations individuelles, on voit en fait un effet général de multiplication de ces situations. Donc ce n'est pas simple. C'est un phénomène plus global et plus systémique qui doit être mis en cause.

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Treize décès enregistrés l'année dernière après des refus d'obtempérer lors de contrôles routiers. Ce record est-il à mettre au compte justement de cette loi qui a changé beaucoup de choses dans l'appréciation de la légitime défense ?

Tout à fait. On a fait un recensement de ces personnes tuées à la suite de tirs policiers.

"On voit qu'il y a eu une multiplication par cinq du nombre de personnes tuées dans des situations de tir sur des véhicules en mouvement, donc de refus d'obtempérer, après février 2017."

Simon Varaine

à franceinfo

Ce qu'on n’observe pas du tout dans d'autres pays européens et ce qu'on observe uniquement pour la police nationale. On ne l'observe pas pour la gendarmerie où la loi n'a pas apporté de changement par rapport à la doctrine qui était en vigueur. Très clairement, on en conclut que c'est un effet de la loi.

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Qu’est-ce qui a changé dans la loi en 2017 ?

Pour la police nationale, avant cette loi, le droit qui s'appliquait était le même que pour les citoyens qui était un droit de légitime défense, de riposte simultanée, nécessaire et proportionnée. Avec cette loi, il y a eu l'introduction de l'idée que les policiers peuvent tirer sur des individus en fuite qui sont susceptibles, au cours de leur fuite, de mettre en danger la vie d'autrui. Donc, il y a une notion de susceptibilité qui ouvre à toute une série d'interprétations par rapport à la version plus stricte qui préexistait avant. Ce qu'on note aussi, c'est que l'interprétation qui a été donnée suite à la loi par les directions de police et de la gendarmerie diffère. On a pu voir que dans le cas de la police nationale, les directives qui ont été données ont mis en avant le fait qu'il n'y avait plus besoin d'une menace immédiate contre les agents pour qu'ils puissent ouvrir le feu.

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