Mort de Bénédicte Belair dans l'Oise : une enquête ouverte contre un gendarme pour "non assistance à personne en péril"
C'est un rebondissement dans l'affaire Bénédicte Belair, cette femme de 55 ans retrouvée morte à son domicile le 4 avril 2017. Une enquête préliminaire pour "non-assistance à personne en péril" a été ouverte, mardi 14 mars, à l'encontre d'un gendarme qui s'est déplacé chez elle "dans le cadre de suspicions de violences intrafamiliales", dix jours avant sa mort, a appris franceinfo auprès du procureur de Senlis (Oise), Loïc Abrial. Le magistrat, à l'origine de l'ouverture de l'enquête, a précisé que les investigations avaient été confiées à la section de recherches de la gendarmerie d'Amiens (Somme). Cette enquête a été ouverte à la suite de la plainte de Sylvaine Grévin, la sœur de la victime, adressée le 8 mars au procureur.
Dans cette plainte, que franceinfo a pu consulter, Sylvaine Grévin explique que c'est elle qui a alerté la gendarmerie, le 25 mars 2017, sur le danger encouru par Bénédicte Belair. "Elle m'avait dit qu'elle avait été violentée par son compagnon : c'était un appel à l'aide", relate-t-elle à franceinfo. En réaction, deux gendarmes sont dépêchés au domicile de sa cadette, à Pont-Sainte-Maxence, dans l'Oise. Ils constatent qu'elle est en "état d'ébriété" mais parviennent à confirmer que la veille, la quinquagénaire s'est disputée avec son compagnon et que celui-ci l'a "frappée". Son compagnon reconnaît avoir déjà été condamné pour des violences conjugales, mais affirme ne pas avoir porté de nouveaux coups.
"Le comportement de la gendarmerie pose question"
Pourtant, d'après Sylvaine Grévin, sa sœur présente alors des traces de violences. "Les gendarmes constatent une ecchymose sous l'un de ses yeux et la prennent en photo", souligne son avocate Célia Chauffray. Néanmoins, ils quittent les lieux sans dresser aucun procès-verbal. "On considère qu'ils avaient tous les éléments, et qu'ils auraient dû séparer le couple. Le comportement de la gendarmerie est de nature à poser question dans ce dossier", insiste Célia Chauffray. "Ce que nous ne voudrions pas c'est que la justice, pour essayer de se couvrir de tout cela, n'ose pas mettre en cause ceux qui sont à l'origine de ce crime. Il faut désormais que la justice ait le courage de reconnaître qu'elle s'est trompée, à l'origine, dans cette affaire", abonde son confrère Olivier Morice, qui représente lui aussi Sylvaine Grévin.
D'autant plus que "ce gendarme officiait alors qu'il avait lui-même été condamné pour des violences conjugales en 2012", dénonce Sylvaine Grévin, qui déclare avoir appris cet élément par la suite. Elle assure également qu'il a été radié de la gendarmerie en juin 2022 pour plusieurs autres motifs, dont "faux en écriture publique" et "détention non autorisée d'arme". La sœur de la victime affirme enfin que ce même gendarme l'a prise à partie "violemment" sur Twitter, sous le pseudonyme "Le Major", ce que des investigations ont, selon elle, confirmé. Contactée au sujet de ces éléments, la gendarmerie n'était pas en mesure de répondre aux demandes de précisions de franceinfo.
Le compagnon mis en examen près de six ans plus tard
Dix jours après le déplacement des deux gendarmes, le corps de Bénédicte Belair est retrouvé sans vie à son domicile. "En tout, elle avait 12 fractures de côtes, 50 hématomes et des mutilations", précise Sylvaine Grévin. Comme le rapporte France 3 Hauts de France, "son compagnon aurait retrouvé la quinquagénaire morte dans le salon". L'enquête, d'abord orientée vers la piste d'une chute accidentelle, a été classée sans suite un peu plus de quatre mois après les faits.
Depuis, Sylvaine Grévin se bat pour faire reconnaître la mort de sa sœur comme un féminicide, et a fondé en 2020 la Fédération nationale des victimes de féminicides (FNVF). Elle a porté plainte avec constitution de partie civile, et une information judiciaire pour "homicide volontaire" et "violence habituelle sur conjoint" a été ouverte. C'est dans ce cadre qu'elle a appris que les gendarmes de Pont-Sainte-Maxence avaient détruit les scellés, avec l'accord du parquet, mais pas celui du magistrat instructeur. "Ils ne pouvaient pourtant pas ignorer que l'instruction continuait", assure Célia Chauffray. Pour la destruction de ces scellés, Sylvaine Grévin a assigné l'Etat en justice et celui-ci a été condamné, en mai 2021, pour "faute lourde".
En parallèle, l'enquête sur la mort de Bénédicte Belair se poursuit. Son compagnon a été mis en examen pour violences aggravées à son encontre et placé sous le statut de témoin assisté pour meurtre, le 10 janvier. "Les faits de violences volontaires concernent la période du 1er janvier 2015 au 4 avril 2017", date à laquelle Bénédicte Belair a été retrouvée morte, avait alors précisé à l'AFP le procureur de la République de Senlis. Depuis près d'un an, l'instruction est désormais dans les mains de deux nouveaux juges, après le dessaisissement du précédent.
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