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Ce que l'on sait sur les abus de policiers au dépôt du tribunal de grande instance de Paris

Le brigadier-chef Amar Benmohamed a dénoncé dans la presse des insultes et des actes de maltraitances commis par des collègues travaillant au sein du dépôt du tribunal de grande instance de Paris. Le parquet de Paris annonce l'ouverture d'une enquête.

Article rédigé par franceinfo
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Un policier dans l’enceinte du nouveau tribunal judiciaire de Paris, le 27 février 2020. (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

Le brigadier-chef Amar Benmohamed accuse certains de ses collègues de propos et actes inappropriés envers les personnes retenues au dépôt du tribunal de grande instance de Paris, des faits qui seraient devenus réguliers depuis 2018. L'Inspection générale de la police nationale [IGPN] a mené l'enquête, cinq policiers ont reçu des sanctions administratives, un autre doit passer en conseil de discipline. Le parquet de Paris a annoncé mardi 28 juillet l'ouverture d'une enquête.

Les accusations : insultes racistes, maltraitance, vols

Le brigadier-chef dénonce une série d'insultes racistes ou homophobes, des actes de maltraitance et des vols commis par des collègues policiers travaillant au sein du dépôt du tribunal de grande instance de Paris, ces cellules dans lesquelles patientent les personnes en attente d'un jugement ou d'une présentation devant un magistrat. En 2018 et 2019, il a, à plusieurs reprises, alerté sa hiérarchie sur les agissements de plusieurs membres de l'équipe de nuit. Il a également témoigné auprès de l'IGPN (la police des polices) dans le cadre d'une enquête pour "mauvais traitements, propos à caractère discriminatoire et propos injurieux susceptibles d'avoir été infligés à des personnes déférées au tribunal de grande instance de Paris".

Dans un de ses rapports à la hiérarchie, datant de mars 2019, le brigadier-chef dénonce la tenue "de façon régulière" de "propos racistes à l'égard des déférés d'origine étrangère, qu'il s'agisse de personnes de type maghrébin ou africain". Des insultes racistes et homophobes, comme "ferme ta gueule sale bougnoule", "sale race", "négro" ou "sale PD", étaient fréquemment employées devant les autres fonctionnaires et même dans les hauts-parleurs du dépôt, détaille Amar Benmohamed. Il cite également plusieurs collègues qui ont "pris l'habitude de traiter régulièrement de 'bâtards" tous les déférés qui arrivaient dans nos locaux". Le brigadier-chef raconte par ailleurs qu'ils refusaient la "remise d'un gobelet plastique permettant au déféré de boire dans un verre".

Des déférés étaient privés de nourriture durant plusieurs heures voire durant la nuit entière.

Amar Benmohamed 

Des policiers ont également enterré des demandes d'examens médicaux formulées par les personnes retenues, affirme le brigadier-chef. Dans un précédent rapport datant de janvier 2019, Amar Benmohamed dénonce une série de vols d'objets électroniques et de liquidités appartenant à des personnes maintenues au dépôt. Il relate notamment le vol d'une tablette par un policier, ce dernier déclarant avoir "l'habitude, c'est la parole d'un bâtard contre la nôtre et je ne prends que des mecs qui ne parlent pas un mot de Français".

Des sanctions disciplinaires tardives

Plusieurs mails de la hiérarchie policière, sous forme de rappels déontologiques, avaient été envoyés aux équipes en mars et en août 2019, rappelant que les "propos à caractère raciste/injurieux/discriminatoire constituent des manquements graves susceptibles de poursuites judiciaires et administratives" et que les détenus devaient "bénéficier de l'ensemble de leurs droits, en particulier les repas, la boisson, le médecin ainsi qu'une couverture".

Achevée en février 2020, l'enquête de l'IGPN a conclu à des faits de racisme répétés, et possiblement de maltraitance. Elle n'a pas donné lieu à un signalement au procureur, d'après l'avocat du brigadier-chef Arié Alimi. En revanche, les services de la préfecture de police de Paris indiquent à franceinfo que le préfet a récemment pris des sanctions administratives contre cinq policiers, allant du blâme à l’avertissement, et a décidé de saisir le conseil disciplinaire pour le policier le plus incriminé. Le conseil de discipline doit avoir lieu en septembre prochain.

Si les faits dénoncés sont matérialisés, il est nécessaire que des suites disciplinaires soient déclenchées. La police républicaine ne pourrait accepter de telles déviances en son sein.

Le syndicat Unité SGP-Police

"Ce que l'on attend, c'est qu'enfin les autorités judiciaires se saisissent de ces faits d'une gravité extrême, et fassent le ménage dans ces écuries d'Augias que constitue le dépôt du palais de justice de Paris", a déclaré sur franceinfo l'avocat du brigadier-chef Arié Alimi.

Les suites pour le lanceur d'alerte

Depuis ses accusations envers ses collègues, Amar Benmohamed estime être la cible d'un harcèlement de la part de certains supérieurs hiérarchiques, qui lui refusent notamment des participations à des stages et des déplacements sur le terrain, et de collègues qui le désignent comme une "balance".

Amar Benmohamed a déposé, lundi 27 juillet, une plainte contre X pour harcèlement. Dans sa plainte auprès du procureur de la République de Paris, il se décrit dans un état de détresse psychologique grave et réclame le statut de lanceur d'alerte. Il estime que "sa direction n’a pas fait preuve de la stricte confidentialité que lui impose la loi". De plus, Amar Benmohamed vient d'effectuer un signalement sur l'ensemble de ces faits auprès du Défenseur des droits. "Je ne vous le cache pas que ma carrière est foutue. On me le dit clairement 't'es grillé, t'es carbonisé, t'es mort, ils t'auront tôt ou tard'", a affirmé sur franceinfo Amar Benmohamed.

La justice ouvre une enquête 

Le parquet de Paris a annoncé mardi 28 juillet l'ouverture une enquête pour "violences volontaires par personnes dépositaires de l'autorité publique", "injures publiques en raison de l'origine, l'ethnie, la nation, la race ou la religion" et "injures publiques à raison du sexe ou de l'orientation sexuelle", après le témoignage d'Amar Benmohamed, a appris franceinfo auprès du parquet. Les investigations sont confiées à la branche judiciaire de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN). Dans la foulée, la nouvelle Défenseure des droits Claire Hédon a par ailleurs annoncé dans un communiqué l'ouverture d'une enquête par son institution indépendante.

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