"Nous offrons à chaque membre un article gratuit pour test" : la gendarmerie alerte sur une nouvelle forme d'arnaque concernant Amazon

Des escrocs envoient actuellement des lettres à l’entête d’Amazon en comptant sur l’appât du gain des victimes. L’un de ces courriers a été envoyé au domicile d’un enquêteur spécialisé dans les escroqueries en Haute-Savoie, ce qui a permis de découvrir cette nouvelle forme d’arnaque.
Article rédigé par Aurélien Thirard
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Les arnaqueurs utilisent le logo d'Amazon pour amadouer leurs victimes. (Photo d'illustration). (MARCO BERTORELLO / AFP)

Tel est pris qui croyait prendre. Croyant arnaquer une victime, des escrocs sont en fait tombés sur un gendarme spécialisé dans la traque contre ces criminels. L’adjudant-chef Nicolas Renaud, gendarme à la cellule d’appui judiciaire du groupement de gendarmerie départementale de Haute-Savoie, a récemment reçu chez lui, à Annecy, un courrier pour le moins spécial dans sa boîte aux lettres personnelle.

Sur une carte à l’entête d’Amazon et avec une mise en forme aux couleurs de l’entreprise américaine, ce gendarme lit ces mots : "Nous offrons à chaque membre un article gratuit pour test et une commission d’un certain montant. (Le montant de la commission dépend du prix de l’article, jusqu’à €40)." La carte qui l’invite à tester des produits contre rémunération est accompagnée d’un QR Code.

Pris d’un doute, Nicolas Renaud relit le courrier et s’aperçoit de plusieurs incohérences. "Ce qui m’a mis la puce à l’oreille, c’est la qualité du support, de l’impression, le mot de clôture de la lettre : ‘tous mes vœux’, et puis surtout une adresse mail qui ne correspondait pas du tout à Amazon." L’enquêteur n’en reste pas là, il montre le courrier à ses collègues et les investigations commencent.

"C’est la première fois qu’on est confronté à ça."

Nicolas Renaud, adjudant-chef

à franceinfo

Ce qui interpelle les gendarmes dans cette technique est le procédé "à l’ancienne", utilisé exprès par les escros. Ils évitent d’envoyer un mail, qui aurait pu être considéré assez vite comme un spam, et privilégient plutôt la voie postale. Ainsi, ils espèrent tromper la vigilance de leurs victimes en comptant sur le côté sérieux d’un envoi de courrier classique.

Sauf que cet enquêteur spécialisé ne s’y trompe pas, et en flashant le QR code il découvre l’escroquerie. "Les victimes doivent donner un maximum d’informations sur elles : leurs noms, prénoms, etc. (…) L’objectif c’est de récupérer des noms, des adresses mail, des numéros de carte bancaire." Une fois obtenues, ces données peuvent, soit être revendues sur le darkweb, soit servir plus tard.

Une arnaque à plusieurs milliers d'euros

Dans ce deuxième cas, la technique des escrocs est bien rodée. Ils "appellent les victimes trois ou quatre semaines après et se présentent comme leur conseiller bancaire. Les criminels disent avoir détecté des opérations atypiques sur le compte de leur victime, mentionnent les bons noms, prénoms et bonnes coordonnées bancaires pour ne pas alerter la victime", décrypte Nicolas Renaud.

"Comme celle-ci a bien évidemment oublié le formulaire qu’elle a reçu des semaines auparavant dans sa boîte aux lettres, elle est persuadée d’être en ligne avec son propre établissement bancaire." Et c’est là que les escrocs passent à l’action : ils amènent les victimes à valider en toute confiance des opérations bancaires et réussissent à soutirer de l’argent, parfois plusieurs milliers d’euros.

Cette pratique, redoutable, est, de l’aveu même de ce gendarme, très difficile à contrer. Les escrocs profitent du temps d'avance qu’ils ont pour virer l’argent volé sur différents comptes, dits "de rebond", pour faire sortir in fine l’argent de l’Union européenne et ainsi compliquer le travail des enquêteurs. "C’est de plus en plus difficile, parce que les criminels exploitent l’évolution de la société et ses faiblesses. Il y a aussi la facilité d’accès aux outils numériques par ces cyber-escrocs.

"C’est très difficile de remonter ces structures."

Nicolas Renaud

à franceinfo

Un ressenti confirmé d’ailleurs par les propres chiffres du ministère de l’Intérieur, selon lesquels le taux d’élucidation des enquêtes pour escroquerie est en baisse de 12 points en cinq ans, entre 2017 et 2022. Le ministère de l’Intérieur explique cette baisse par "les modes opératoires de plus en plus sophistiqués des criminels qui rendent les enquêtes plus compliquées", selon la récente note du Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI).

Nicolas Renaud, le gendarme spécialisé dans la lutte contre les escroqueries fait également cette analyse. "Il y a aussi une évolution du paysage bancaire, car maintenant en quelques clics, vous pouvez réaliser des virements quasiment instantanés à l’étranger, alors que nous, gendarmes, il nous faut plusieurs jours, voire plusieurs semaines pour localiser et tenter de bloquer les fonds qui seraient partis à l’étranger." À ce stade de l’enquête qui ne fait que commencer, il est impossible de savoir combien de personnes ont été arnaquées à cause de ce nouveau stratagème.

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