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Au procès de Francis Heaulme, Chantal Beining revit la dernière journée de son "petit Cyril", tué à l'âge de 8 ans en 1986

La mère de Cyril Beining a témoigné devant la cour d'assises de Metz, vendredi après-midi. 

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Lors de son procès à Metz, Francis Heaulme fait face à la mère de Cyril Beining, l'un des deux enfants assassinés à Montigny-les-Metz.  (ELISABETH DE POURQUERY / FRANCEINFO)

Elle s'avance à la barre, dans son tailleur gris élégant, ses courts cheveux blonds toujours soigneusements arrangés. Chantal Beining est prête à témoigner. Pendant ces trois semaines de procès, cette petite femme de 73 ans a regardé et écouté les témoins défiler depuis sa chaise, quittant de temps en temps la salle quand les auditions s'annonçaient trop dures. Elle a entendu les dénégations de l'accusé, Francis Heaulme. Maintenant, c'est à son tour de parler. La mère de Cyril, 8 ans, tué à coups de pierre avec Alexandre il y a trente ans à Montigny-les-Metz, s'élance, ce vendredi 12 mai, en milieu d'après-midi.

Je veux maintenant vous parler de mon petit Cyril, il m’appelait Bibiche.

Chantal Beining

devant la cour d'assises de Metz

La cour n'est plus à Metz, dans le decorum de la salle d'assises, mais à Montigny, ce dimanche 28 septembre 1986. Cyril "dit 'bon, je vais faire un tour de vélo. Puis il revient au goûter et il me dit, 'j’ai faim'. Alors je lui ai fait son sandwich. Il me dit 'j’ai soif ', alors je lui ai dit 'Qu’est ce que tu veux ?' Je lui ai dit donné du coca." Dominique Beining fond en larmes. Elle continue :

"Où tu étais?

- J’étais au bord de l’eau, sur une barque.

- Et si tu étais tombé ?! 

- Tu me feras un bon souper, je voudrais des pâtes au gratin."

"Elles sont restées trois jours dans le four." Le chagrin la submerge. "C’était un bon gosse, il aimait bien aller aux courses avec moi car il avait ce qu’il voulait. Il me disait 'Bibiche, prends-moi le cadeau là, prends moi ce livre'. Et puis : "Il allait à l’école, il aimait pas trop l’école." Le petit Cyril faisait parfois des détours sur le chemin du retour : "Bah, alors Bibiche, t’en as mis du temps pour rentrer de l’école ? Bibiche, je t’ai ramené des fleurs, tiens Bibiche, c’est pour toi, je t’aime." Ses pleurs sont contagieux dans la salle. 

"Ça fait 30 ans mon Cyril. Voilà"

Ce 28 septembre 1986, en fin de journée, "ça sonne à la porte. Je vais ouvrir la fenêtre, y a un monsieur qui frappe". C’est le père d’Alexandre Beckrich, 8 ans également. "On se connaissait pas avec la famille Beckrich, Alexandre et Cyril, c’était pas des copains", souligne Chantal Beining. Ils jouaient ensemble pour la première fois ce jour-là. "J’ouvre la fenêtre et je dis 'oui c’est pourquoi ?'. 'Votre fils est là ?', je dis 'non'". "Je prends la voiture, je vais le chercher, je vais au bord de l’eau, je crie 'bibiche, Cyril !'. Pas de Cyril.

"Je suis repartie à la maison, le papa de Cyril m’attendait." Entre-temps, les deux petits vélos ont été retrouvés en bas du talus, rue Venizelos. "Je vois passer les pompiers. Je dis 'mon gosse, le train, le train !'"

Un policier arrive. "Il me dit 'vous voulez venir ?' J’ai fait trois maisons, j’ai même pas fait 50 mètres…" Chantal Beining repart vers chez elle. C'est le vertige. Le bord du précipice. "Le médecin m’a fait monter me coucher, il m'a fait trois piqûres, m’a bordée. J’ai attendu, attendu. Le papa de Cyril est rentré, il m’a rien dit." 

Le soir, il y a un policier qui vient, je lui ai dit : 'Il est mort mon gosse ?' Il m'a dit : 'Oui, il est mort.'

Chantal Beining

devant la cour d'assises de Metz

Elle prend un journal posé devant elle sur le pupitre. "Alors voilà comment j’ai appris comment mon fils était mort, vous voyez ?" Elle déplie l'édition jaunie du 29 septembre 1986 du Républicain lorrain et marche au-devant des jurés. L'article, on le sait, mentionne la cause de la mort. "Je suis montée en criant 'Jean-Claude, Jean-Claude' et lui, il m’a rien dit, rien dit du tout.""Après ça, il y a eu un divorce." Le père de Cyril n'est pas dans la salle ce vendredi.

Sur l’écran fixé en hauteur apparaît le visage d'un petit garçon souriant et à l'air malicieux. Sa maman le regarde : "Voilà ma bibiche. Ça fait 30 ans mon Cyril. Voilà." Le président, délicatement : "Vous voulez arrêter madame ?" "Oui, c’est bon." Elle retourne s'asseoir. Son avocate lui passe un bras autour du cou. L’audience est suspendue. Francis Heaulme, jugé pour le double meurtre, sera fixé sur son sort le 18 mai. 

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