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Marseille : "On est à 13%" (de logements insalubres) contre "6% au niveau national", révèle l'urbaniste Philippe Méjean

Spécialiste des politiques de la Ville, Philippe Méjean a rappelé, samedi sur franceinfo, que la quantité de logements insalubres à Marseille est supérieure à la moyenne nationale.

Article rédigé par franceinfo
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Une vue du quartier où des immeubles se sont effondrés à Marseille le 5 novembre 2018. (EMIN AKYEL/AFP)

Philippe Méjean, urbaniste, spécialiste des politiques de la Ville, a rappelé, samedi 10 novembre sur franceinfo, que la quantité de logements insalubres à Marseille est supérieure à la moyenne nationale : 13% dans la cité phocéenne contre 6% sur le territoire national. Après la chute lundi dernier de trois immeubles dans le quartier de Noailles à Marseille, qui a fait huit morts, plusieurs questions demeurent sur la politique d'urbanisation de la municipalité. Selon Philippe Méjean, la vétusté de certains immeubles dans le centre-ville de Marseille s'explique par le fait que des "propriétaires peu scrupuleux" ont logé depuis le XIXe siècle des vagues d'immigration successives dans "un parc vieillot". Mais la vraie question est, selon lui, "est-ce que l'électorat de monsieur Gaudin est prêt a accepter qu'on mette beaucoup d'énergie et beaucoup d'argent dans un logement qui est destiné à des catégories populaires".

Franceinfo : L'habitat est-il particulièrement vétuste à Marseille ?

Philippe Méjean : Oui, on peut le dire. On est sur une estimation nationale qui est de 400 000 logements, le parc privé potentiellement indigne, des logements insalubres et inhabitables. Cela représente 6% au niveau national. À Marseille, on est à 13% et dans le centre-ville, on peut monter jusqu'à 35%.

Pour quelles raisons Marseille est-elle la mauvaise élève ?

Marseille a accueilli depuis le XIXe siècle des vagues d'immigration successives. Beaucoup de ménages pauvres sont arrivés venant de différents pays. Il fallait les loger et ils n'étaient pas regardant sur la qualité des logements et ils n'avaient pas beaucoup de moyens. Ils ont trouvé à se loger dans un parc vieillot, pas complètement insalubre à l'époque, mais vieillot, pas cher, avec des propriétaires assez peu regardants. Cela arrangeait bien des propriétaires peu scrupuleux. Ils ont gagné beaucoup d'argent. Ca arrangeait tout le monde. Le parc HLM n'était pas capable de les recevoir, il n'était pas assez important.

Le maire de Marseille se défend en évoquant la lenteur des procédures. Est-ce un bon argument ?

La polémique qui enfle sur les procédures est une mauvaise polémique. Les procédures, ce sont des outils au service de quelque chose. Elles ne sont ni bêtes ni intelligentes. C'est vrai, les procédures sont compliquées mais elles sont d'autant plus compliquées quand on ne sait pas au service de quoi on veut les mettre. Ce centre-ville accueille, dans des pans entiers, des ménages pauvres et précaires. La question est : accepte-t-on dans un centre-ville comme Marseille que vivent, dans des conditions normales, des ménages pauvres et précaires ? La question est posée. Depuis 23 ans Jean-Claude Gaudin est au pouvoir [à la mairie]. (...) Dans un premier temps, ils ont cru en 1995 qu'il fallait changer radicalement la population du centre-ville, faire partir les pauvres et requalifier les logements au profit des classes plus aisées. Cette politique n'a pas réussi. Dans une certaine mesure, c'est une chance parce que les ménages ont pu rester mais c'est en même temps préoccupant dans la mesure où ils restent dans des conditions d'inconfort voire de dangerosité.

Est-il possible de rénover ces immeubles vétustes dans le centre-ville de Marseille ?

Bien sûr que c'est possible. Cela s'inscrit dans une opération d'ensemble. En urbanisme, on a l'habitude de faire des opérations compliquées sur du tissu ancien qui, selon la qualité des immeubles, est appelé à être démoli ou requalifié. Ce sont des choses qu'on sait faire. La question est : est-ce que l'électorat de monsieur Gaudin est prêt a accepter qu'on mette beaucoup d'énergie et beaucoup d'argent dans un logement qui est destiné à des catégories populaires, voire des ménages précaires ? Ce débat n'a pas démarré à Marseille et il est temps qu'il démarre.

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