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"On les invite à venir au Père-Lachaise" : les auditions des parties civiles commencent au procès du crash du vol Rio-Paris

Air France et Airbus sont jugés pour "homicides involontaires" après l’accident qui a coûté la vie à 228 personnes le 1er juin 2009.

Article rédigé par Aurélien Thirard
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
La salle d'audience du procès du crash du vol Air France Rio-Paris au palais de justice de Paris, le 10 octobre 2022. (THOMAS SAMSON / AFP)

Après sept semaines d'audience, les auditions des parties civiles commencent mercredi 23 novembre au procès de la pire catastrophe aérienne française, le crash du vol Rio-Paris. Dans ce procès, Air France et Airbus sont jugés pour "homicide involontaire" après l'accident qui a coûté la vie à 228 personnes, 216 passagers et 12 membres d'équipage, le 1er juin 2009.

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Pendant une semaine, jusqu'au 30 novembre, les proches des victimes vont venir à la barre pour témoigner au tribunal correctionnel de Paris. Entre quarante et cinquante témoignages sont prévus. C'est un moment qu'ils attendent avec impatience, tant jusque-là le procès a été très technique, parsemé de jargon aéronautique. Leur parole est d'autant plus attendue que sur les 500 personnes constituées parties civiles, seules une vingtaine assistent tous les jours à l'audience.

Le défi d'assister au procès

On les repère vite, assis aux premiers rangs, ils écoutent de longues heures les experts, et cela du lundi au jeudi. Parmi eux, il y a ce couple d'Allemands, âgés de 87 et 88 ans. Ils entendent que justice passe pour leur fils, une des victimes du crash. Et à chaque audience, tous deux viennent à pied depuis leur hôtel en déambulateur, et puis retournent à Berlin tous les week-ends.

L'âge avancé de beaucoup de ces proches de victimes, c'est ce qui frappe et c'est ce qui explique aussi que peu d'entre eux font le déplacement, répartis dans toute la France et à l'étranger. Jean-Luc Marroig, lui, n'est pas retraité. Il a perdu sa femme dans le crash mais venir au procès est tout autant difficile. "Je devais prendre l'avion et j'ai laissé ma place à une de ses amies parce que ma femme voulait partir avec elle", nous explique-t-il, ému aux larmes. Venir quatre jours par semaine, pendant neuf semaines, c'est pour lui une nécessité autant qu'un défi.

"C'est archi difficile, surtout que moi, je travaille en même temps. J'ai un employeur qui est quand même très complaisant. Je travaille des fois le matin, des fois des nuits. J'ai des congés sans solde. On dort quatre, cinq heures par nuit…"

Jean-Luc Marroig, proche de victimes

à franceinfo

Tous apprécient la façon dont la présidente du tribunal correctionnel, Sylvie Daunis mène les débats. Une habituée des dossiers complexes : elle a présidé le procès du Mediator et récemment de la Yemenia Airlines. Dans ce procès du vol Rio-Paris, les parties civiles, aussi, connaissent le dossier presque par cœur. Ces proches de victimes vivent avec la perte d'un frère, d'une fille, d'un petit-fils depuis plus de 13 ans.

La responsabilité d'Air France et d'Airbus en question

Michel Pieraerts a perdu sa sœur, Christine. "Elle avait 28 ans, indique Michel. C'était une ingénieure brillante qui avait une vie professionnelle déjà bien remplie, qui sortait d'un événement de santé, qui faisait qu'on était content pour elle, que ça aille mieux. Et vraisemblablement, elle allait constituer un foyer et avoir un projet de vie avec des enfants. Et tout ça s'est arrêté." Aujourd'hui, après ces semaines de procès il a une satisfaction, que le procès suive son cours sereinement. Et aussi qu'Air France et Airbus soient poussés dans leurs retranchements par les questions des magistrats et des avocats des parties civiles.

"Il y a quand même beaucoup une phrase qui revient souvent, c'est : 'Je ne sais pas, je ne sais plus, je ne suis pas expert.' Donc on voit beaucoup de capacité à oublier les choses. C'est bien facile de nous expliquer ça, alors que nous avons perdu un proche".

Michel Pieraerts, proche de victime

à franceinfo

"Et puis, on parle quand même d'une somme infime qui pourrait être la condamnation, au maximum de 225 000 euros, poursuit Michel, ce qui n'est strictement rien du tout quand on voit les milliers d'euros ou les centaines de milliers d'euros dépensés en conseil depuis treize ans par ces deux sociétés."

"Un moment de vérité"

Ainsi, les auditions des parties civiles s'annoncent comme un moment fort de ce procès fleuve. Gilles Lamy a perdu son fils, il va témoigner avec sa femme, Danièle Lamy la présidente de l'association "Entraide et Solidarité AF447". Il a décidé de regarder les représentants d'Airbus et Air France, droit dans les yeux : "Je leur dirais déjà que la rigueur d'Airbus a été mise très à mal et que justement, on les invite à venir au Père-Lachaise voir où les a conduits leur rigueur. C'est-à-dire mon fils d'une part, et à côté, 228 compagnons qui attendent là aussi un moment de vérité."

Il s'agira d'un moment de vérité qui va durer environ une semaine, les proches d'une des familles de l'équipage ont prévu également de venir à la barre. Ce sera sans doute très difficile pour eux, tant le comportement et les compétences des pilotes ont été scrutées depuis le début du procès.

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