Au procès du meurtre d'Aurélie Fouquet, Redoine Faïd met en avant son changement de vie pour se dédouaner
L'accusé a été longuement entendu pour l'interrogatoire de personnalité, au deuxième jour des débats. Il a de nouveau clamé son innocence, malgré les charges qui pèsent contre lui.
"Redoine Faïd trompe-t-il son monde ?" Parfois, une simple question, posée à un témoin en toute fin journée d'audience, devant une assistance fatiguée, résume à elle seule la teneur des débats. Celle-ci a été posée par l'avocat de Redoine Faïd, au deuxième jour du procès du meurtre d'Aurélie Fouquet, mercredi 2 mars, devant la cour d'assises de Paris. Me Christian Saint-Palais s'attendait à la réponse. "Non. J'ai vu un homme heureux, épanoui, qui était en train de refaire sa vie", a glissé le visiteur de prison, qui a suivi le braqueur multi-récidiviste pendant cinq ans de sa détention et à sa sortie de prison, en 2009.
Les charges, pourtant, sont là, matérialisées par les cartons entreposés au fond de la salle, qui contiennent les 36 tomes de procédure. Contrairement à trois des huit autres accusés, Redoine Faïd n'est pas poursuivi pour le meurtre de cette policière municipale tuée en mai 2010 à Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne). Mais il est renvoyé devant la justice pour association de malfaiteurs en bande organisée. Il est soupçonné d'être le cerveau de cette tentative de braquage de fourgon blindé qui a mal tourné et dont le mode opératoire ressemble à s'y méprendre aux précédents coups de Redoine Faïd.
Un autre homme à sa sortie de prison ?
Parmi les éléments dont dispose la justice : des images de vidéosurveillance qui le montrent à bord d'une voiture en tête de ce qui ressemble à un convoi, composé des fourgons impliqués dans la terrible équipée, à la veille de la fusillade. Cette même voiture, une Renault Mégane, a été vue sur l'itinéraire de fuite du convoi le jour des faits.
Devant la cour, Redoine Faïd, chemise bleue sur jean gris, s'en est tenu à sa ligne de défense, la même depuis le début de l'instruction : il jure n'avoir joué aucun rôle dans cette affaire, de près ou de loin. Longuement entendu à la faveur de l'interrogatoire de personnalité, l'accusé l'a martelé, répété : ses dix ans de prison, dont une majorité passée dans les quartiers de haute sécurité et à l'isolement, l'ont transformé. "Quand je suis tombé fin 98, j'étais en bout de course, ça a plus été une libération qu'autre chose", explique-t-il à la cour, estimant que la prison et sa dureté avaient arrêté "ce cercle infernal" des braquages.
Avec le débit rapide et maîtrisé d'un accusé habitué à ce genre d'exercice, Redoine Faïd s'adresse directement aux jurés : "Cette vie-là, c'était une vie de merde. Il n'y a rien de grand dans le banditisme."
En 2009, j'étais déterminé à réussir ma vie, j'avais totalement tourné la page.
Le repentir de ce caïd originaire de Creil (Oise), qui se disait accro aux braquages, était-il sincère, voire même possible ? Son grand frère, appelé à la barre, en est intimement convaincu : "C'est comme si une parenthèse s'était refermée. J'ai retrouvé mon jeune frère."
Il devait reprendre le cours d'un autre destin. Ce destin lui a été refusé.
Son grand frère va même jusqu'à parler de "résurrection". Il y aurait donc deux Redoine Faïd, celui de la période des années 90, qui multipliait les casses de banques, de bijouterie et les vols de matériel informatique, et celui des années 2010, qui s'installe avec femme et enfant et enchaîne les plateaux de télévision pour faire la promotion de son livre de braqueur repenti, co-écrit avec le journaliste Jérôme Pierrat.
Une lettre aux parties civiles
Pour certains de ses proches, les deux Redoine cohabitent toujours. Son ex-compagne le décrit comme un homme aux deux visages. L'un attentionné, l'autre capable de "s'énerver pour un rien".
La mère d'Aurélie Fouquet a, elle aussi, vu deux facettes d'un même personnage à l'ouverture des débats. Celui qu'elle trouvait "méprisant", "arrogant" et trop "détendu" au premier jour du procès s'est présenté avec une lettre d'excuses qui été lue par le président lors du deuxième jour d'audience. "Jamais il ne me viendrait à l'idée d'avoir un comportement inapproprié. Mes parents ne m'ont pas élevé dans le mépris de l'autre. (...) Je suis loin d'être à l'aise, et je reste indigné d'être poursuivi pour ces faits que je n'ai pas commis", écrit Redoine Faïd dans cette missive lue par le président Philippe Roux.
"L'écrivain", comme le surnommaient les policiers, a fait mouche, la mère de la victime confiant en marge de l'audience que cette démarche, toute "stratégique" soit-elle, l'avait apaisée et permettrait des débats plus "sereins". Les jurés ont-ils eu la même impression ?
Une évasion "un peu spectaculaire"
Se montrant tour à tour ému, péremptoire, vindicatif, Redoine Faïd a tenté de les convaincre que sa fuite dans le cadre de cette affaire, en janvier 2011, n'était pas un aveu de culpabilité, mais de panique à l'idée de retourner en prison. "Mon visage apparaissait partout dans les médias, on disait que j'étais un assassin, le cerveau du braquage... J'ai pris peur, je me suis retrouvé dans la clandestinité."
Idem pour son évasion en 2013 de la prison de Sequedin (Nord), qualifiée avec euphémisme d'"un peu spectaculaire" par le président de la cour.
Oui je me suis évadé, moi j'aime la liberté, j'aime pas être dans un QHS [quartier de haute sécurité], pour des choses que j'ai pas faites.
A la barre, son frère, qui a décidément fait office d'avocat en ce deuxième jour d'audience, fait part de son incrédulité quant à l'implication de son jeune frère, neuvième d'une fratrie de dix, dans cette fusillade mortelle. Lui qui n'a jamais versé de sang. "C'est totalement incompréhensible."
"Je ne récidive pas par plaisir"
Dans la matinée, un autre accusé a esquissé une réponse à cette question de la récidive dans les affaires de grand banditisme. "Je ne récidive pas par plaisir, c'est toujours la tentation, la facilité. Même moi, j'ai du mal à comprendre ce qui fait qu'on recommence", a lâché Malek Khider, le seul à avoir reconnu sa participation au projet de braquage.
On était tellement aveuglé par l'appât du gain. Sur le moment, on ne pense pas à nos enfants, à nos familles, au mal qu'on peut engendrer.
Tout comme Redoine Faïd, Malek Khider n'est pas renvoyé pour le meurtre d'Aurélie Fouquet. Les deux hommes se sont connus en prison. Parce qu'ils partageaient la même passion pour le foot et les mêmes cours d'informatique, assurent-ils. "Redoine Faïd n'était pas mon mentor", souligne Malek Khider, qui prend ses distances avec la figure centrale de ce procès :
Moi, je n'ai pas fait ça pour avoir un nom, pour avoir une image. Je ne suis pas un acteur, un héros. Ce que j'ai fait, c'est pas bien.
La médiatisation de Redoine Faïd s'est-elle retournée contre lui ? "Son passage à la télévision a été, à mon avis, une erreur, c'était une sorte de suicide social, une façon d'attiser des jalousies, des haines. C'est peut-être pour ça qu'il est ici", suggère le visiteur de prison.
Dans la lumière ou dans l'ombre, Redoine Faïd et Malek Khider se retrouvent aujourd'hui sur le même banc des accusés. Ils risquent tout deux la perpétuité.
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