Karl Rose, jugé pour trois meurtres à la kalachnikov à Istres : "C'est parce que mes parents m'avaient traité comme une bête"
Le procès de ce jeune homme de 23 ans s'est ouvert jeudi devant les assises des Bouches-du-Rhône.
Karl Rose livre un long monologue, rapide et saccadé, au premier jour de son procès devant les assises des Bouches-du-Rhône, jeudi 5 janvier. Debout dans son box, face aux parties civiles, le jeune homme de 23 ans tente d'expliquer à la cour pourquoi il a abattu à la kalachnikov trois personnes au hasard dans les rues d'Istres un jour de printemps. Il avait alors 19 ans. Le procès doit durer jusqu'au vendredi 13 janvier.
"C'est moi, j'ai pété un câble"
Le 25 avril 2013, en début d'après-midi, Karl Rose se dispute avec son père, qui lui reproche de ne pas avoir fait la vaisselle, raconte France 3 Provence-Alpes. Le fils quitte la maison et se rend dans un bois. Deux mois plus tôt, il y a enterré une kalachnikov qu'il a achetée sur internet et remilitarisée lui-même. Fusil d'assaut en main, il erre sans but dans les rues d'Istres. Il voit deux hommes qui bricolent devant leur garage dans une impasse. Il tire à onze reprises avec son arme en mode semi-automatique. Il tue Patrice, 36 ans, et Serge, 45 ans.
Karl Rose revient sur ses pas. Cette fois, il vise une voiture : celle de Louisa. Le pare-brise vole en éclats. Les bris de verre blessent cette employée de collectivité locale, qui a travaillé "vingt ans dans le social". Une balle fuse à quelques centimètres de sa tête. "J'ai vu comme tombé du ciel un individu droit devant moi avec un fusil, raconte-t-elle à la barre. Il m'a tiré dessus (...), je saignais de la bouche (..), il est monté dans la voiture et m'a dit 'roule, on va à Paris'." Elle refuse. "Arrête de m'embrouiller le cerveau, je suis en pleine crise de schizophrénie", rétorque Karl Rose. Louisa tique : "Ces mots-là, ça sonnait faux pour moi. Les vrais schizophrènes, c'est pas pareil, (...) ils ne peuvent pas s'analyser en pleine crise." Elle dit avoir perçu "une crise, pas de démence" mais "de rage" chez l'accusé.
Le jeune homme épargne Louisa et sort de la voiture. Il arrête une seconde voiture, ouvre la portière, parle quelques instants au conducteur, Pierre, un sexagénaire, avant de l'abattre de plusieurs balles.
Karl Rose recharge son arme et s'éloigne. Il jette le fusil dans un fourré et s'assied sur un banc. Dix minutes s'écoulent. Une voiture de police passe, le jeune homme fait de grands signes dans sa direction et se rend. "C'est moi, j'ai pété un câble", lâche-t-il aux policiers, selon le récit fait par l'un d'eux aux assises. Lors des premières auditions, le suspect n'exprime "aucune émotion", ajoute le fonctionnaire. "Ce n'est que le lendemain qu'il a craqué et éclaté en sanglots." Mais "sans explications logiques ni rationnelles", précise le président de la cour. En garde à vue, Karl Rose qualifie son passage à l'acte de "blague qui a dérapé".
Seul avec ses armes, ses jeux vidéo et internet
L'accusé est un jeune homme désocialisé qui passe l'essentiel de son temps dans sa chambre sur internet. Il surfe parfois sur des sites d'extrême droite et joue à des jeux vidéo de guerre. Il n'a pratiquement que des contacts virtuels. "J'ai jamais eu d'amis de ma vie, explique-t-il. La seule personne avec qui j'ai parlé depuis mes 14 ans, c'est Nicolas Mallet", un Parisien de cinq ans son aîné. "Nos seules obsessions, c'étaient les crimes, la mort, tuer : deux retardés mentaux derrière leurs ordinateurs."
Passionné d'armes, l'adolescent trouve sur internet le moyen d'assouvir sa passion, se procure du matériel et acquiert des connaissances pointues. "J'ai fait des années de stand de tir, raconte-t-il aux assises. J'étais le meilleur du département."
Après avoir acheté, remis en état et revendu sur internet plusieurs armes de poing neutralisées, il tente de faire de même avec une kalachnikov. Son premier achat, en août 2012, lui vaut des poursuites. Il écope de quatre mois de prison avec sursis. Il ne renonce pas pour autant et fait l'acquisition de deux autres kalachnikovs. Le deuxième fusil d'assaut, Karl Rose le casse en tentant de le remettre en service. La troisième tentative est la bonne. Il parvient à changer la culasse et le canon de l'arme. Cela lui a pris une semaine, à raison de 16 à 18 heures de travail par jour, selon ses dires.
"Je me vengerai des adultes"
Les expertises judiciaires ne décèlent aucune maladie psychiatrique, mais un trouble psychique au moment des faits qui a altéré le discernement du jeune homme. Elles concluent aussi que Karl Rose a "une personnalité pathologique de nature schizoïde". A la prison de Luynes (Bouches-du-Rhône), où il est incarcéré, le meurtrier présumé est placé à l'isolement. Il fait aussi l'objet d'un suivi psychologique.
"Je suis coupable, j'avais la haine. J'ai fait quatre ans de psychothérapie pour comprendre que c'est parce que mes parents m'avaient traité comme une bête, plaide Karl Rose à l'ouverture de son procès. J'avais la haine des adultes." Une haine que ce fils unique a développée à cause de ses parents, assure-t-il. A son père, il reproche "les saloperies" qu'il lui a faites. A sa mère, "les séquestrations".
"'Je me vengerai des adultes', ça a tourné en boucle dans ma tête pendant quatre ans, poursuit-il. J'étais en train de développer une pathologie mentale." Il le reconnaît : "Il n'est pas normal de se trimballer à 17 ans avec un pistolet chargé à l'école", ajoutant : "Depuis que j'avais 16 ans, je dormais avec une arme dans mon lit."
Peu avant, il avait demandé à voir un psychiatre
Avant le procès, les avocats de Karl Rose ont souligné un "contexte familial extrêmement lourd". Une mère alcoolique, dépressive et décrite comme tyrannique, avec qui l'adolescent entretenait des relations exécrables. Elle a élevé l'enfant jusqu'à ses 14 ans, avant qu'il ne s'installe chez son père. A 15 ans, Karl Rose bénéficie d'une assistance éducative et d'un suivi psychologique qui constate "une personnalité névrotique". Quelques mois avant le triple homicide, il parle de ses intentions meurtrières à ses parents et à quelques personnes. Il demande à voir un psychiatre. Une demande qu'il réitère auprès de sa mère deux jours avant de passer à l'acte.
"Ces gens-là, ils ne m'avaient pas fait de mal. Tous les adultes ne sont pas des tortionnaires d'enfants, explique-t-il en évoquant ses victimes. J'ai dû attendre d'aller en prison pour voir un psychiatre (...), c'est cher payé la psychothérapie."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.