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Comment le droit a évolué pour éviter les erreurs judiciaires

Alors que Marc Machin a été acquitté jeudi lors du huitième procès en révision de l’histoire française, francetv info revient sur les avancées législatives pour limiter le risque d’erreur.

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Dans la salle d'audience du palais de justice de Montpellier (Hérault), le 10 février 2011. (DAMOURETTE / SIPA)

Si Marc Machin avait bénéficié d’un avocat dès la première heure de sa garde à vue, aurait-il échappé à l’une des plus grandes erreurs judiciaires françaises ? Alors que l'homme de 30 ans a été acquitté en révision, jeudi 20 décembre, du meurtre de Marie-Agnès Bedot sur le pont de Neuilly, francetv info revient sur ces réformes qui ont fait avancer le droit depuis une vingtaine d’années. Très souvent, elles sont consécutives à une affaire judiciaire.

Le motif de la révision d’une condamnation est moins exigeant

L’affaire Seznec : Guillaume Seznec a été condamné au bagne en 1924 pour le meurtre du conseiller général du Finistère Pierre Quéméneur. L’homme a vainement tenté de faire réviser son procès en 1926. Après sa mort, sa famille a déposé une douzaine de demandes de révision, toutes rejetées.

La loi de 1989 : La procédure de révision d’une condamnation pénale en France n’existe que depuis 1945. Mais jusqu’en 1989, les conditions étaient très strictes, puisqu’il fallait un "élément nouveau" de nature à établir l’innocence. Depuis la loi du 23 juin 1989, le fait nouveau doit être "de nature faire naître un doute sur la culpabilité". Cela n’a pas suffi, toutefois, à innocenter Seznec, malgré la saisine de la commission de révision par la ministre de la Justice Elisabeth Guigou en 2001.

La présomption d’innocence puis la possibilité de faire appel aux assises

L’Affaire Urba :  En 1990, la chute d'une dalle de béton sur deux ouvriers révèle par hasard l'affaire Urba, un système de financement occulte via des attributions de marchés publics pour alimenter les fonds de campagne du Parti socialiste. 

Deux lois, en 1993 puis 2000 : Comme le souligne Dominique Inchauspé dans L’Innocence judiciaire, la majorité socialiste fait voter en 1993 une loi qui pourrait bien lui servir dans cette affaire. Celle-ci remplace dans le Code pénal le verbe "inculper" par "mettre en examen". Et elle ôte au juge d’instruction le pouvoir de placer en détention pour le confier à un juge délégué.

Supprimé par la droite, le juge des libertés et de la détention est réinstauré dans la loi de présomption d’innocence d’Elisabeth Guigou en 2000. Cette loi instaure aussi la possibilité de faire appel d’un verdict de cour d’assises. Auparavant, au motif que le jury populaire était considéré comme infaillible, seul le pourvoi en cassation était autorisé. Mais il ne permettait pas de débattre sur le fond de la procédure, seulement sur la forme.

La création du fichier national des empreintes génétiques 

L’affaire Guy George : La journaliste Valérie Mahaud le rappelle dans son livre sur Marc Machin, Une Erreur judiciaire presque parfaite : sans le "sens de l’archivage" du docteur Pascal, qui "conservait dans ses tiroirs les profils génétiques étudiés et comparés au fil des enquêtes criminelles", le tueur de l’Est parisien, Guy Georges, n’aurait jamais pu être confondu en mars 1998. 


La loi de 1998 : "La pertinence d’un tel fichier apparut si clairement", écrit la journaliste, qu’après cette affaire, le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg) a été créé par une loi de juin 1998. Il a permis, par exemple, d’identifier les véritables auteurs du meurtre d’un jeune dealer à Lunel en 1997 et de disculper Abderrahim El-Jabri et Kader Azzimani, condamnés deux fois à tort dans cette affaire.

La saisine de plusieurs juges d’instruction et la réforme de la garde à vue 

L’affaire Outreau : En 2001, plusieurs personnes sont mises en garde à vue et placées en détention provisoire sur la base d’accusations de pédophilie portées par des enfants à Outreau. Sept d’entre elles sont acquittées en première instance en 2004, six autres en appel en 2005. C’est l’un des fiascos judiciaires les plus retentissants de ces dernières années.

Les loi de 2007, 2008 et 2011 : Ce scandale a entraîné plusieurs réformes judiciaires. La première concerne le juge d’instruction, accusé d’avoir enquêté uniquement à charge dans cette affaire. En 2007, une loi prévoit que trois juges d’instruction soient désignés dans chaque dossier. Dans les faits, seules les affaires complexes ou graves font l’objet d’une saisine de plusieurs magistrats. C’est aussi dans la lignée d’Outreau que les gardes à vue (GAV) sont filmées depuis le 1er juin 2008. La loi du 14 avril 2011 a par ailleurs rendu possible la présence d’un avocat dès la première heure de la GAV, et non plus au bout de la 24e.

Autre évolution du droit, qui ne résulte pas d’une affaire en particulier, mais d’une injonction de la Cour européenne des droits de l'homme : la motivation des verdicts de cour d’assises. Elle est obligatoire depuis le 1er janvier 2012. Avant, juges et jurés ne se prononçaient que sur "leur intime conviction". Comme l’expliquait France Info, ce verdict écrit et motivé constitue une base de travail précieuse pour les avocats de la défense en vue d’un procès en appel.


Grâce à ces réformes, les erreurs judiciaires devraient diminuer dans le domaine des crimes de sang, mais moins en matière de mœurs, estime Dominique Inschauspé dans La Croix. Dans ce domaine, "nous ne disposons souvent que de la parole de l’un contre celle de l’autre". En outre, la réforme de la garde à vue n’a pas empêché une nouvelle affaire d'aveux controversés dans les meurtres de l’Essonne fin 2011. Un ouvrier a avoué, avant de se rétracter, avoir tué sa compagne dans un parking, alors que trois autres meurtres ont été commis avec la même arme pendant sa détention provisoire. Une présidente de cour d’assises interrogée par le quotidien prévient : "Les juges doivent absolument continuer à être habités par le doute et ne négliger aucun détail susceptible de questionner la culpabilité d’un accusé."

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