Des enfants de 6 ans convoqués par les gendarmes : est-ce efficace ?
Cinq écoliers ont été auditionnés par les gendarmes à cause d'une bagarre dans la cour de récréation. Un procédé étonnant, et dont l'efficacité ne convainc pas.
Ces derniers jours ont été agités dans le village de Gespunsart (Ardennes). Cinq garçons, âgés de 6 et 7 ans, ont été convoqués, mercredi 14 mai, à la gendarmerie de Charleville-Mézières, à une quinzaine de kilomètres de chez eux. Ils ont dû s'y expliquer sur leur participation à une bagarre, dans la cour de récréation de leur école, au cours de laquelle une fillette a été frappée au sol.
Le substitut du procureur de la République à Charleville-Mézières, François Fournié, a annoncé vendredi avoir "classé l’affaire, en considérant que le discernement des enfants n’était pas suffisant pour qu’ils soient bien conscients de la portée de leurs agissements". Surprenantes, ces auditions n’ont pourtant "rien d’exceptionnel", selon le magistrat.
Pas d’âge minimum pour être convoqué
Un enfant de 6 ans peut effectivement être convoqué devant la justice. Ici, cette mesure fait suite à une enquête ouverte par la gendarmerie de Charleville-Mézières après la plainte de la mère de la fillette. A L’Ardennais, elle raconte que sa fille "était au sol" quand cinq garçons lui ont donné "des coups de pied". "Ce n’est pas la première fois, ça dure depuis la rentrée", ajoute-t-elle.
"Il n’y a pas d’âge minimum pour être entendu dans le cadre d’une enquête", indique Etienne Lesage, avocat et membre du Conseil de l’ordre. "Mais il ne peut y avoir de poursuites pénales à l'encontre d'un enfant de moins de 10 ans", ajoute-t-il. Pendant leur audition, les enfants sont "mis en condition par les gendarmes, selon Etienne Lesage. On leur pose des questions sur l’école, sur leurs jeux préférés… Puis on passe aux faits."
L’éducatif avant le pénal
Comment un enfant de 6 ans vit-il cette confrontation ? D’après L’Ardennais, l’audition de mercredi "n’a guère impressionné le jeune Lucas", dont les parents témoignent dans le journal. Un autre garçon, en revanche, "n’aurait pas pu être entendu car il s’est mis à pleurer". Pour Michel Jollivet, pédopsychiatre, les pleurs peuvent avoir plusieurs significations : "Ils peuvent être une stratégie pour l’enfant, mais peuvent aussi trahir une inquiétude. Peut-être qu’il se rend compte de ce qu’il a fait ? Peut-être a-t-il honte par rapport à ses parents ?"
L’audition n’est pas en soi une source de traumatisme pour l’enfant. "S’il a agi avec tant de violence, c’est peut-être que le traumatisme est antérieur", affirme le pédopsychiatre. Mais la procédure n’en est pas pour autant une punition efficace.
Le retour aux institutions traditionnelles
"Je ne vois pas bien ce que l’enfant peut comprendre à ce qui se passe", juge Michel Jollivet. "Les gendarmes n’ont rien à faire là-dedans. Ils sont dans la mise en scène, et ne peuvent pas interdire. Ils peuvent seulement dire : 'C’était interdit'", poursuit-il. Comme lui, l’avocate spécialisée en droit des mineurs Migueline Rosset n’y voit pas une solution : "Il n’y a pas de réponse judiciaire à tout, même si les conséquences sont importantes. Cela relève plus de l’éducatif que du pénal."
D’après Michel Jollivet, la réponse se trouve dans les institutions traditionnelles : "C’est auprès des parents, à l’école, et dans le lieu de vie dans lequel l’enfant est en rapport avec d’autres êtres humains que tous les interdits fondamentaux sont intégrés", analyse-t-il. A Gespunsart, un psychologue scolaire a pris les enfants en charge, pour "dédramatiser la situation et expliquer que la réalité était différente des jeux vidéo". La directrice de l’école, elle, a réuni à plusieurs reprises les familles concernées pour leur rappeler "les règles du vivre ensemble".
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