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Cinq choses à savoir sur le procès aux assises de l'assassin présumé de Sophie Toscan du Plantier

Le procès pour "homicide volontaire" de Sophie Toscan du Plantier s'ouvre lundi 27 mai à Paris en l'absence de l'accusé, le Britannique Ian Bailey, qui vit en Irlande. Dublin a refusé son extradition.

Article rédigé par franceinfo
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Une photo non datée de Sophie Toscan du Plantier, assassinée en Irlande en 1996. (PATRICK ZIMMERMANN / AFP)

Le mystère sera-t-il entièrement levé, vingt-deux ans plus tard ? Il est permis d'en douter. Le procès de l'assassin présumé de la productrice de télévision Sophie Toscan du Plantier, tuée une nuit de décembre 1996 en Irlande, dans le comté de Cork, s'ouvre lundi 27 mai devant la cour d'assises de Paris. Il se tiendra en l'absence du prévenu, le Britannique Ian Bailey, et de ses avocats, qui parlent de "parodie de procès".

Retour en cinq points sur une affaire hors normes où la personnalité du prévenu, un journaliste pigiste de 62 ans, décrit comme "alcoolique et violent", est centrale.

La victime retrouvée dans une mare de sang

Productrice d'émission de télévision, Sophie Toscan du Plantier, 39 ans, est la troisième épouse du producteur français et ancien patron de la société Gaumont, Daniel Toscan du Plantier (1941-2003). En cette fin d'année 1996, elle passe quelques jours avant Noël dans sa maison de vacances du petit village de Schull, dans le comté de Cork, sur la côte Sud-Ouest de l'Irlande.

Au matin du 23 décembre 1996, la jeune femme est retrouvée en contrebas de la bâtisse blanche, le crâne fracassé, gisant dans une mare de sang, massacrée à coups de pierre et de parpaing. Alors qu'elle était en vêtements de nuit, en t-shirt et caleçons long, elle portait aussi de grosses chaussures aux pieds. Selon l'autopsie, Sophie Toscan du Plantier a succombé à de multiples coups portés à la tête. Des blessures aux mains démontrent qu'elle s'est défendue autant qu'elle a pu.

"Ma mère a pris beaucoup de coups. Elle était déjà morte qu'elle continuait à se prendre des coups dans la figure et sur le corps", souligne sur Europe 1 son fils, Pierre-Louis Baudey-Vignaud. Aucun ADN étranger à la victime n'est relevé sur place par la police irlandaise. Le cadavre étant resté dehors, recouvert d'une simple bâche, pendant 36 heures avant l'arrivée du médecin légiste, l'heure exacte de la mort n'a pu être déterminée et aucune preuve scientifique n'a été relevée sur la scène de crime.

Le prévenu, un "Citizen Kane raté et alcoolique"

Le meurtrier présumé, Ian Bailey, un journaliste pigiste britannique, clame depuis 22 ans son innocence. Laissé en liberté dans son pays, il vit toujours avec sa compagne à une dizaine de kilomètres du lieu du meurtre, et vend des pizzas sur les marchés. Ce "colosse britannique de près de deux mètres" est "tantôt journaliste, tantôt vendeur de légumes", selon Le Figaro. L'avocat de Ian Bailey parle de son client comme d'un "Citizen Kane raté et alcoolique" et l'agence Reuters le décrit comme "un poète et journaliste anglais raté, affabulateur, alcoolique et violent, installé dans ce coin d'Irlande avec sa compagne, une artiste-peintre galloise". 

"C'est quelqu'un qui a battu sa femme, ce ne sont pas des choses anodines", a déclaré Pierre-Louis Baudey-Vignaud à France 3. Un homme qui a fréquenté Ian Bailey avant le meurtre témoigne, d'ailleurs, dans ce reportage de France 2, de son comportement violent envers sa compagne : "Ils rentraient en voiture d'une fête. Sa compagne était jalouse car il avait flirté avec une autre femme. Elle l'a attaqué et il l'a violemment repoussée en la tirant par les cheveux. Elle avait un œil complètement tuméfié, des griffures sur tout le visage et ses lèvres étaient en sang".

Ian Bailey aurait avoué le meurtre à plusieurs reprises

En décembre 1996, Ian Bailey fait immédiatement figure de suspect, d'autant qu'il arrive parmi les premiers sur les lieux du crime. Il porte alors sur le front et les avant-bras des égratignures qu'il dit avoir eu en découpant des dindes et un arbre de Noël. Les soupçons sont renforcés par le fait qu'il évoque dans ses articles des éléments de l’enquête censés être connus uniquement du meurtrier et des enquêteurs. 

Plus déconcertant encore, plusieurs témoins affirment, par la suite, que le Britannique leur a avoué le meurtre ou a reconnu indirectement celui-ci, notamment sous l'emprise de l'alcool. "C'était une des premières personnes à dire qu'il y avait eu un meurtre. Il a dit qu'il l'avait fait, à deux reprises", affirme Pierre-Louis Baudey-Vignaud à France 3.

Ian Bailey est placé une première fois en garde à vue le 10 février 1997 en Irlande, puis relâché, avant d'être de nouveau interpellé en janvier 1998. En décembre 2001, un magistrat irlandais informe la justice française qu'il n'envisage pas, faute de preuves, de poursuivre le Britannique. Celui-ci est toutefois de nouveau mis en cause par six journaux britanniques et irlandais qui l'accusent du meurtre, et il perd son procès en diffamation contre ces différents médias en février 2014. Lors de l'audience à Cork, plusieurs témoins affirment que le journaliste a avoué en leur présence le meurtre de Sophie Toscan du Plantier.

L'Irlande n'a pas voulu l'extrader

Si la famille de Sophie Toscan du Plantier a déposé à Paris une plainte avec constitution de partie civile dès le 17 janvier 1997, la justice française n'a pris véritablement le relais qu'en 2008. Mais elle n'a pu obtenir l'extradition de Ian Bailey, constamment refusée par l'Irlande, malgré deux mandats d'arrêt délivrés par la France. Pour Dublin, il n'existe ni preuve ni indice matériel permettant de poursuivre le Britannique.

"Nous pensons qu'une erreur judiciaire est en train de se commettre. Ian Bailey est présumé coupable depuis 22 ans", déclare aujourd'hui l'un de ses avocats, Me Dominique Tricaud. Jugeant que son client n'a "aucune chance" devant la cour d'assises de Paris, il a annoncé que son client ne viendrait pas à son procès, où il ne sera pas non plus représenté. Une erreur ? "En cas de condamnation, Paris pourrait ensuite pousser Dublin à accorder l'extradition par deux fois refusée", avance Le Figaro.

Ian Bailey sera jugé par trois magistrats, sans jurés

En son absence et en application des dispositions prévues par le code de procédure pénale, Ian Bailey sera donc jugé à la cour d'assises de Paris par trois magistrats professionnels, sans l'assistance des jurés. Instaurée par la loi du 9 mars 2004, la procédure dite de "défaut criminel" s'est substituée à la contumace pour permettre une audience plus conforme aux exigences du procès équitable.

A la différence de la contumace, l'accusé, bien qu'absent, peut lors d'un procès "par défaut" être défendu par un avocat. La cour peut entendre des témoins et des experts, comme lors d'une audience ordinaire. L'accusé condamné par défaut ne peut pas faire appel du verdict. S'il se constitue prisonnier ou s'il est arrêté avant que la peine prononcée ne soit éteinte par la prescription, l'arrêt de la cour d'assises est annulé et l'accusé est rejugé, en sa présence.

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