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Récit "Je suis là pour mourir par Allah" : comment Ziyed Ben Belgacem a semé la panique dans l'aéroport d'Orly

De Garges-lès-Gonesse (Val-d'Oise) à l'aéroport d'Orly, franceinfo revient sur le parcours de ce Français de 39 ans, connu des services de police et de renseignement.

Article rédigé par Louis San, Mathieu Dehlinger
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Un homme du Raid à l'aéroport d'Orly (Val-de-Marne), le 18 mars 2017. (BENJAMIN CREMEL / AFP)

Une grève des stewards et des hôtesses d'Air France était bien prévue, mais peu de perturbations étaient annoncées dans le ciel de l'aéroport d'Orly. En ce matin du samedi 18 mars, les voyageurs s'enregistrent comme d'habitude. En salle d'embarquement, Pascal s'apprête à prendre l'avion pour Berlin. "On avait franchi les contrôles, raconte ce passager à franceinfo. On devait embarquer quand soudain on a vu un mouvement de foule, des gens courir dans le couloir, l'air grave, et des commerces baisser leurs grilles."

A ce moment-là, dans le hall A du terminal sud d'Orly, Ziyed Ben Belgacem vient de se faire abattre. L'homme de 39 ans, un temps soupçonné de radicalisation et connu de la justice pour des vols ou des affaires de stupéfiants, a tenté de dérober l'arme d'une militaire de l'opération Sentinelle. La fin d'un "parcours violent et destructeur", d'après François Molins, procureur de la République de Paris.

Un banal contrôle routier qui tourne mal

La matinée de Ziyed Ben Belgacem a commencé par ce qui devait être un banal contrôle routier. Il est 6h55. Le soleil se lève à peine à Garges-lès-Gonesse (Val-d'Oise), dans la banlieue nord de Paris. L'homme est arrêté au volant de sa Renault Clio par la police. Il roule à vive allure, tous feux éteints, ce qui attire l'attention de ces agents du commissariat de Stains (Seine-Saint-Denis), la ville voisine. Le conducteur présente bien ses papiers aux agents, selon le récit de François Molins. Mais en attendant la vérification de son identité, il s'empare d'une arme, un revolver à grenaille, et tire au niveau de la tête d'un policier.

Ziyed Ben Belgacem prend la fuite. Il s'arrête dans un bar de Vitry-sur-Seine qu'il a l'habitude de fréquenter et où il était encore présent quelques heures plus tôt avec son cousin. Arrivé dans le débit de boissons, il menace les clients et tire avec son arme, sans faire de blessé. Une fois sorti de l'établissement, il roule pendant encore cinq kilomètres avant d'abandonner sa voiture. Il commet alors un car-jacking et repart au volant d'une Citroën C4.

Des militaires attaqués dans le hall de l'aéroport

Quelques minutes plus tard, à 8h06, ce véhicule volé est laissé dans un parking de l'aéroport d'Orly. Ziyed Ben Belgacem pénètre alors dans le terminal sud et s'approche de trois soldats, deux hommes et une femme membres des bases aériennes de Tours, Nancy et Saint-Dizier, qui patrouillent dans l'aéroport dans le cadre de l'opération Sentinelle. L'homme jette au sol un sac contenant un bidon rempli d'hydrocarbures, avant de s'en prendre à la militaire.

Arme de poing à la main droite, sacoche en bandoulière, il attrape la jeune femme avec son bras gauche et l'emmène en arrière, en l'usant comme bouclier humain. Il pointe alors son revolver sur la tempe de la militaire et menace ses collègues.

Posez vos armes ! Mains sur la tête ! Je suis là pour mourir par Allah. De toute façon, il va y avoir des morts.

Ziyed Ben Belgacem

Dominique se trouve porte A, au premier étage, devant la porte d'embarquement. Il est à une dizaine de mètres de la scène. "J'ai entendu du bruit, je me suis avancé, raconte-t-il à France 2. J'ai vu un sac par terre et là j'ai vu les militaires qui tenaient en joue une personne. Et là, il y a une personne qui tenait la militaire. (...) Il la tenait par le cou, et il menaçait les deux autres soldats avec le fusil de la femme."

D'après ce témoin, les militaires tentent brièvement de parlementer avec l'assaillant. "Ils essayaient de le raisonner, de calmer le jeu, de discuter un peu avec lui", précise-t-il à franceinfo. "Baissez votre arme, monsieur. Lâchez votre arme", lui ordonnent-ils, selon le récit de Dominique. Mais le dialogue est vain : Ziyed Ben Belgacem tente de désarmer la jeune femme qu'il retient pour récupérer son fusil d'assaut, un Famas. La lutte est intense dans le hall de l'aéroport. Les deux autres militaires tirent. Une première fois, puis une deuxième. Le troisième coup est fatal et l'assaillant est abattu.

Coups de feu et "panique générale" à Orly

Les coups de feu sèment la pagaille dans l'aéroport. C'est à ce moment-là que Salim entre dans le grand hall des départs. Il travaille depuis 7 ans à l'aéroport. "Je me dis qu'il y a un attentat, mais à ce moment-là, on se demande s'ils sont plusieurs ou pas, explique-t-il à franceinfo. C'est la panique générale, je vois tout le monde courir et j'ai entendu des policiers dire 'baissez-vous, baissez-vous'. Y en a qui étaient par terre, ça courrait partout, c'était vraiment le bordel total."

"Tout le monde criait et il y a eu un mouvement de foule, confirme une voyageuse à France 3. Les hôtesses, tout le monde courait vers la porte et j'ai fait pareil qu'eux." "Les messieurs de la sécurité nous ont dit 'Sortez, laissez les valises, partez !'" raconte une autre femme.

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Au total, quelque 3 000 voyageurs sont évacués de l'aéroport. D'autres y restent confinés. Sur le tarmac, des passagers sont bloqués à l'intérieur de leur appareil. "Interdiction de débarquer tant que la situation n'est pas sous contrôle", témoigne sur son compte Twitter Fabien Lévêque, journaliste au service des sports de France Télévisions, de retour d'un tournage à Monaco. Trente-deux vols à l'approche d'Orly sont déroutés, obligés d'atterrir à Roissy-Charles de Gaulle, l'autre grand aéroport francilien, ou à Beauvais.

A l'intérieur de l'aérogare, les démineurs sont au travail, pour déterminer si Ziyed Ben Belgacem portait ou non des explosifs. Une fois leur opération terminée, le ratissage se poursuit pendant plusieurs heures, au cours desquelles l'aéroport reste à l'arrêt. Le terminal ouest finit par rouvrir à la mi-journée. Là où il a été abattu, dans le terminal sud, le trafic aérien ne reprend, progressivement, qu'aux alentours de 15 heures.

Des hommes du Raid à l'aéroport d'Orly (Val-de-Marne), le 18 mars 2017. (MUSTAFA YALCIN / ANADOLU AGENCY / AFP)

Ziyed Ben Belgacem comptait-il frapper Orly dès le départ ? Quelles étaient ses motivations ? Avait-il des complices ? Les enquêteurs vont désormais tenter de comprendre ce qui a poussé cet homme, en moins d'1h30, à blesser un policier à la tête, à menacer les clients d'un bar et à attaquer une patrouille de militaires. A 7h16, samedi matin, Ziyed Ben Belgacem a appelé son père et son frère : à ces deux proches, il aurait simplement confié "avoir fait une bêtise".

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