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Evasion de Redoine Faïd : "Il n'a fait que la moitié du chemin car l'évasion est compliquée à réaliser mais derrière il faut tenir"

Le braqueur récidiviste, Redoine Faïd, est actuellement en fuite après s'être évadé du centre pénitentiaire de Réau en Seine-et-Marne. Jérôme Pierrat, journaliste spécialiste de grand banditisme, revient sur le profil de ce prisonnier.

Article rédigé par franceinfo
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Le braqueur récidiviste, Redoine Faïd, est actuellement en fuite après s'être évadé du centre pénitentiaire de Réau en Seine-et-Marne. (MAXPPP)

Redoine Faïd, 46 ans, braqueur récidiviste, s'est évadé par hélicoptère dimanche 1er juillet vers 11h20 du centre pénitentiaire de Réau en Seine-et-Marne, selon les informations de franceinfo. Un commando armé s’est posé en hélicoptère dans la cour d’honneur alors que le détenu se trouvait au parloir. L’évasion a duré quelques minutes seulement. "Il n’y a pas de blessé ni d’otage", précise le ministère de la Justice dans un communiqué.

Jérôme Pierrat, journaliste spécialiste de grand banditisme était invité dimanche 1er juillet sur franceinfo. C'est avec lui que Redoine Faïd a écrit en 2010 "Braqueur : des cités au grand banditisme". Il explique avoir été "surpris" en apprenant l'évasion et admet qu'il faut "une certaine logistique et des complices aussi déterminés que lui." Jérôme Pierrat confie également que Redoine Faïd "a bâti sa carrière de braqueur par rapport aux films, [...] à ses héros de cinéma." Enfin, le journaliste ajoute que le fugitif "n'a fait que la moitié du chemin car l'évasion est assez compliquée à réaliser mais derrière il va falloir tenir."

franceinfo : Redoine Faïd est un homme que vous connaissez bien puisque vous avez écrit un livre avec lui. Avez-vous été surpris ce matin lorsque vous avez appris qu'il s'était une nouvelle fois évadé ?

Jérôme Pierrat : Oui, j'étais surpris. Pas par sa volonté de s'évader parce que ça il en avait fait part et depuis 2013 on a vu qu'il était bien déterminé à le faire [Redoine Faïd s'était évadé en avril 2013 en moins d'une demi-heure de la prison de Lille-Sequedin, en prenant quatre surveillants en otages, qu'il avait utilisés ensuite comme boucliers humains]. J'ai été surpris en revanche qu'il ait eu la possibilité de le faire et qu'il ait réussi à le faire parce qu'il faisait quand même l'objet d'une attention particulière de l'administration pénitentiaire vu son profil. Donc oui, je suis un peu tombé de ma chaise ce dimanche matin.

Peut-on improviser une évasion pareille ? Peut-on imaginer une complicité intérieure ?

Là, on n'est plus dans une évasion artisanale où il suffit d'écarter les barreaux pour sauter le mur. Il y a un commando qui vient et de toute façon une évasion vous avez intérêt à la préparer avant parce que sinon elle risque d'être vite écourtée. Ça demande une certaine logistique et des complices aussi déterminés que lui. Concernant une éventuelle complicité intérieure, on peut tout imaginer dans ce genre d'affaire. Là, si c'est le cas, elle se résumerait à une éventuelle description des lieux, des portes à franchir, des grilles à couper avec leur disqueuse ou alors une observation particulière du détenu, mais effectivement c'est assez troublant qu'ils aient réussi à connaître par où il fallait passer et combien de portes il fallait faire sauter pour arriver jusqu'à lui. Tout ça est très troublant.

Quel type d'homme est Rédoine Faïd ? On dit que c'est quelqu'un de très influencé par le cinéma...

Il a bâti sa carrière de braqueur, si j'ose dire, par rapport aux films. Il avait commencé par braquer à la façon de 'Point Break', un film qui racontait l'épopée de braqueurs-surfeurs. Il a continué avec le film 'Mesrine' donc effectivement il était assez fasciné par le cinéma et il essayait de modéliser ses coups sur ses héros de cinéma et puis c'était un garçon plutôt charmant, c'était l'antithèse du gangster sociopathe comme on peut l'imaginer. Ce n'était pas du tout le profil des gens qu'on va trouver à Marseille et qui s'entre-tuent à coups de kalachnikov pour du haschich, lui c'était plutôt un type affable, poli, bien mis comme on dit et portant un costume bien coupé. Il n'avait pas du tout le profil d'un caïd de banlieue comme on pourrait l'imaginer et ça n'était d'ailleurs pas un caïd de banlieue, il s'est bien gardé de frayer dans cette mouvance et dans ces territoires. Il était totalement lisse comme garçon, il aurait pu être directeur de banque à La Défense.

La prison de Seine-et-Marne est une prison moderne mais il n'y a pas de filet de sécurité au-dessus de la cour d'honneur, contrairement à celle de promenade, ça aussi c'est forcément un élément qui a été communiqué à l'extérieur ?

Je connais bien cette prison parce que j'y ai visité des détenus. Quand on rentre dans cet établissement pour accéder au quartier de maison centrale - parce que c'est un établissement qui comporte une maison d'arrêt, un centre de détention en fonction de la peine à laquelle vous êtes condamné, et une maison centrale, assez petite, un bâtiment où il y a peut-être une trentaine de détenus - les familles, les surveillants (c'est aussi l'entrée du personnel de la prison) traversent une petite cour dénuée de filet. Les syndicats avaient dénoncé ça il y a quelques années en disant qu'il fallait en mettre ici aussi, visiblement ils n'ont pas été écoutés et ça lui a profité.

Ce dimanche soir, Redoine Faïd est un fugitif, est-ce que c'est compliqué une cavale ?

C'est compliqué, ça coûte cher et c'est dur à tenir. Il n'a fait que la moitié du chemin car l'évasion est assez compliquée à réaliser mais derrière il va falloir tenir maintenant pour lui donc ça veut dire des appartements relais, ça veut dire beaucoup d'argent, ça veut dire des faux papiers, ça veut dire des gens qui viennent le nourrir etc. Ça demande une organisation et une structure assez professionnelle et assez étendue.

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