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Enseignante braquée avec une arme factice à Créteil : "L’école est un lieu où beaucoup de choses peuvent exploser", réagit un syndicat de l'éducation nationale

Jean-Rémi Girard, président du SNALC, le Syndicat national des lycées et collèges, était l'invité de franceinfo dimanche 21 octobre.

Article rédigé par franceinfo
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Un élève du lycée Edouard-Branly de Créteil (Val-de-Marne) pointe une arme factice sur une professeure, le 18 octobre 2018. (SNAPCHAT)

"L’école qui réunit tout un tas de jeunes au même endroit au même moment est un lieu où beaucoup de choses peuvent exploser", a déclaré sur franceinfo Jean-Rémi Girard, président du SNALC (Syndicat national des lycées et collèges), représentant les personnels de l'éducation nationale, dimanche 21 octobre, alors qu’un lycéen a été mis en examen pour avoir menacé, jeudi, sa professeure avec une arme factice au lycée Édouard-Branly de Créteil, dans le Val-de-Marne.

"On arrive en bout de chaîne et on est en train de se prendre dans la figure des problèmes économiques, sociaux, familiaux", a poursuivi l'enseignant qui estime que "quand on a un métier dévalorisé aux yeux de la société, aux yeux de beaucoup de parents, forcément, on est aussi dévalorisés aux yeux de beaucoup d’élèves".

franceinfo : Quelles sont les solutions ?

Jean-Rémi Girard : Il n’y aura pas de solutions miracles. Le ministre n’a pas dit qu’il allait mettre des portiques partout. Il a dit qu’on envisageait des solutions très différentes selon les établissements. On a des problèmes de fond qui dépassent très largement le cadre de l’ éducation nationale. On arrive en bout de chaîne et on est en train de se prendre dans la figure des problèmes économiques, sociaux, familiaux. Bien sûr on peut mettre des choses en place dans nos établissements, mais le risque zéro n’existe jamais. On ne va pas fouiller les 1 500 ou 2 000 élèves de certains lycées à 8h.

Ce type d’agression est fréquent dans les établissements scolaires ?

Ce type d’agression précis n’est pas fréquent heureusement. Ce qui est fréquent, ce sont les agressions verbales. Les statistiques du ministère montrent que les incidents ont lieu dans 80% des collèges et lycées de France, donc des incidents peuvent se produire n’importe où. Moi-même je suis en lycée en Ile-de-France et j’ai une collègue qui a été agressée par des élèves l’an dernier dans mon lycée.

La faute à qui ?

On ne peut pas accuser quelqu’un en disant voilà, c’est ta faute. Mais c’est assez peu la faute de l’éducation nationale. Régulièrement j’entends des choses du style, cet élève vous a insulté mais qu’avez-vous fait pour qu’il vous insulte. Un élève est suffisamment intelligent pour savoir qu’on n’insulte pas un représentant de l’Etat. Tous les élèves le savent. Il y a des responsabilités qui peuvent être très diverses : ça peut être des questions éducatives, ça peut être l’influence de camarades, ça peut être des phénomènes de groupes, de bandes. L’école qui réunit tout un tas de jeunes au même endroit au même moment est un lieu où beaucoup de choses peuvent exploser.

L’autorité des enseignants n’est plus respectée ?

C’est un phénomène de fond, il y a des difficultés avec le respect des enseignants, des surveillants et même des chefs d’établissements. Enseignant n’est plus un métier aujourd’hui qui est considéré dans la société, pour des raisons même salariales. Donc de ce point de vue-là, quand on a un métier dévalorisé aux yeux de la société, aux yeux de beaucoup de parents et bien forcément, on est aussi dévalorisé aux yeux de beaucoup d’élèves.

Comment réagissent vos jeunes collègues. Y a-t-il une forme de crainte pour affronter les élèves ?

Il y a une forme de crainte qui existe mais qui n’est pas propre aux jeunes collègues. Le jeune collègue se retrouve plus souvent confronté parce qu’on commence sa carrière dans des établissements plus difficiles, il y a un phénomène de soutien entre les collègues. Mais il y a aussi un phénomène d’usure dans ce métier. Des collègues qui arrivent en deuxième partie ou fin de carrière, peuvent se trouver usés, fragilisés, affaiblis et peuvent se retrouver dans une attitude de crainte ou de peur vis-à-vis de leur métier parce qu’ils n’ont plus parfois l’énergie d’affronter tout ce qui peut se passer dans les établissements. On n'arrive plus à recruter aujourd’hui suffisamment d’enseignant. On a ce phénomène de dégradation du métier et maintenant cela gagne aussi le primaire où on a de plus en plus de mal à trouver des professeurs des écoles.

Qu'auriez-vous à dire au ministre, Jean-Michel Blanquer ?

Le ministre ne peut pas tout. Mais, il faut que le message passe à tous les échelons hiérarchiques. Il y a beaucoup de situations où des personnels vont hésiter à parler de leurs problèmes parce qu’ils savent très bien qu’ils risquent d’être jugés sur leur professionnalisme s’ils se mettent à expliquer qu’ils ont des soucis dans leur classe.

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