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Kurdes tués à Paris : dans le cortège de la marche blanche, on croit plus au "crime politique" qu'au "crime raciste"

Plusieurs centaines de personnes se sont réunies lundi rue d'Enghien, dans le 10e arrondissement de Paris, pour une marche en hommage aux trois Kurdes tués par balle vendredi. Dans le rassemblement, la tristesse se mêle à la colère : impossible de croire à la seule thèse raciste.
Article rédigé par franceinfo - Sophie Constanzer
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Le cortège de la marche blanche en hommage aux trois Kurdes tués par balles vendredi, lundi 26 décembre 2022 à Paris (10e arrondissement). (LP/OLIVIER ARANDEL / MAXPPP)

Plusieurs centaines de personnes se sont réuni lundi 26 décembre à Paris pour rendre hommage aux trois Kurdes tués par balles vendredi. Ce rassemblement est parti du 16 rue d'Enghien à Paris, devenu depuis l'attaque une sorte de refuge pour la communauté kurde. Avec un mot d'ordre de départ : pas de débordements, pas de dégradations comme il y en a eu samedi. Et dans le cortège, plusieurs slogans. "Les manifestants scandent 'Jin, jiyan, azadî' en kurde, ce qui veut dire la femme, la vie, la liberté, explique Gunduz Baran est l'un des porte-parole du Conseil démocratique kurde. C'est un slogan kurde à l'origine, qui a été beaucoup repris ces derniers temps en Iran. Il y en a un autre aussi, c'est 'Şehîdên namirin', les martyrs sont éternels."

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Gunduz Baran estime que le centre culturel kurde Ahmet Kaya devant lequel l'attaque a eu lieu vendredi doit être désormais protégé par l'Etat. "Ce lieu devient un sanctuaire pour le peuple kurde, et la communauté kurde de France. Ce lieu est à sanctuariser à partir de maintenant. On reçoit des messages, des mails de solidarité, de compréhension, de tristesse aussi. Le rôle de la France est de protéger ses citoyens et ses concitoyens." Une demande de protection qui revient beaucoup dans le cortège. "On nous entend, mais on ne nous prend pas au sérieux, estime cet homme dans le cortège. On a combattu Daech pour la France, pour l'Europe, pour le monde entier et on ne nous remercie jamais pour tout ce qu'on fait ! Aujourd'hui, il y a encore trois personnes qui sont décédées et des personnes très importantes, kurdes. On ne peut pas laisser passer ça, on est obligés d'agir. Et il faut qu'on entende la voix des Kurdes maintenant."

"L'assassin savait"

Il y a de la tristesse et de la colère dans cette marche blanche, un peu moins de dix ans après une autre attaque à Paris qui a visé des militantes kurdes au 147, rue Lafayette, là où s'est arrêté le cortège. Sur les drapeaux violets que tiennent les manifestants, il y a les visages des trois militantes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) tués le 9 janvier 2013. Une femme, une des rares qui s'exprime dans le cortège, résume le sentiment d'insécurité. "C'est la deuxième fois en dix ans !" Impossible de ne pas faire le lien, selon Yekbun Eksen, l'un des porte-parole du conseil démocratique kurde. "Nous sommes victimes d'attentats terroristes en France, deux fois, sur dix ans. Ce qui est énorme pour la communauté !"

Rue d'Enghien, dans le voisinage du centre culturel kurde, on s'interroge aussi. "J'ai tout de suite fait le lien avec le dixième anniversaire", lance Gérard. Selon Jean-Jacques, un voisin, l'auteur de l'attaque de vendredi ne pouvait l'ignorer et la communauté kurde était spécifiquement visée. "L'assassinat de vendredi, c'était le jour de la réunion préparatoire de l'anniversaire du 9 janvier. Il est évident que l'assassin savait ça. Il savait. Et si la réunion n'avait pas été décalée d'une demi-heure pour cause de RER, ça aurait été un massacre !" Dans le cortège, beaucoup, sinon tous, n'acceptent pas cette qualification de "crime raciste". Ils appellent ça un "crime politique". Une information judiciaire a été ouverte pour assassinat et tentative d'assassinat en raison de la race, l'ethnie, la nation ou la religion. L'homme de 69 ans soupçonné d'avoir tué les trois Kurdes a été mis en examen.

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