La mobilisation s'organise pour aider "Charlie Hebdo" à continuer
L'avocat du journal confirme qu'un nouveau numéro sortira mercredi 14 janvier. Il sera tiré à un million d'exemplaires, contre 60 000 habituellement.
"On va continuer, on a décidé de sortir la semaine prochaine. On est tous d'accord", a déclaré jeudi 8 janvier, vers midi, Patrick Pelloux, médecin urgentiste et chroniqueur à Charlie Hebdo, au lendemain de l'attentat qui a visé le siège de l'hebdomadaire satirique. A l'issue d'une réunion de l'équipe autour de l'avocat du titre, Richard Malka, qui rassemblait une trentaine de personnes, dont les "survivants" du journal, il a confirmé que "Charlie Hebdo sortirait mercredi prochain et serait tiré à un million d'exemplaires", contre 60 000 habituellement.
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Ce sera un "numéro de survivants", a souligné Richard Malka, limité à 8 pages au lieu de 16 habituellement. La rédaction se mettra à l'œuvre dès vendredi matin dans les locaux de Libération, a précisé Laurent Joffrin, le patron du quotidien, pour montrer que "ça continue" malgré la mort de cinq dessinateurs parmi les douze victimes.
L'Etat débloque un million d'euros
La ministre de la Culture Fleur Pellerin a annoncé jeudi, dans l'émission "C à Vous", sur France 5, qu'elle comptait "débloquer en urgence" environ un million d'euros pour Charlie Hebdo, afin "d'assurer sa pérennité". La ministre fait travailler ses équipes pour "changer les textes", afin que Charlie Hebdo puisse bénéficier "d'aides structurelles" auxquelles un hebdomadaire satirique n'a pas droit, selon les règles actuelles des aides à la presse, a-t-elle précisé.
Ils soutiennent "Charlie"
Après une offre de soutien lancée mercredi par France Télévisions, Radio France et Le Monde, la plupart des grands médias hexagonaux se sont joints à cette initiative, de RTL à Lagardère Active (Europe 1, JDD, Elle), en passant par l'AFP, les groupes Amaury (Le Parisien, L'Equipe), France Médias Monde (RFI, France 24) ou NextRadioTV (BFMTV, RMC). Ces médias doivent se réunir jeudi après-midi avec les responsables de Charlie Hebdo pour mettre en forme leur appui. "L'idée, c'est que l'équipe de Charlie décide et nous dise ce dont elle a besoin", a déclaré Louis Dreyfus, le président du directoire du groupe Le Monde.
Depuis l'attentat, le journal a reçu de multiples propositions, sous forme d'aide financière, d'abonnements ou d'appui matériel. La Banque publique d'investissement Bpifrance a décidé de prendre 50 abonnements pour ses 42 directions régionales et son siège, en signe de solidarité. Pour l'heure, il est impossible de s'abonner directement sur le site du journal. De son côté, le quotidien britannique The Guardian verse 100 000 livres (127 921 euros), a annoncé l'un de ses responsables. LeFonds Google/éditeurs pour "l'innovation numérique de la presse" va "s'associer à l'initiative générale", et aider Charlie Hebdo à hauteur de 300 000 dollars (254 381 euros).
Guardian Media Group has pledged £100k donation to Charlie Hebdo to help ensure it's not silenced. Google giving $300k
— alan rusbridger (@arusbridger) January 8, 2015
Par ailleurs, le fonds "Presse et pluralisme", qui permet de faire des dons défiscalisés aux médias, pourrait débloquer dans un premier temps une somme de 100 000 euros puis être le réceptacle des dons destinés à Charlie Hebdo. Le soutien s'organise aussi chez les distributeurs. Pour le dernier numéro avant l'attaque, vendu en kiosque (3 euros), toute la filière, du dépositaire au kiosquier, se mobilise pour que "l'intégralité de la recette aille directement à Charlie et aux victimes", expliquent les Messageries lyonnaises de presse.
L'ancien patron de Charlie Hebdo, Philippe Val, invité jeudi sur France Inter, a souligné que "beaucoup de gens, beaucoup d'intellectuels, d'artistes" étaient prêts à aider le journal.
La rédaction veut "survivre"
"C’est un journal qui a été décapité, comme en Syrie, en Irak. C’est unique au monde qu’un journal soit tué comme ça", a déploré jeudi Willem, dessinateur de Charlie Hebdo et Libération. Sous le choc, Antonio Fischetti, journaliste à la rédaction de Charlie Hebdo, témoigne dans Libération. Il doute des chances de survie du magazine car ce sont essentiellement des caricaturistes célèbres qui ont été décimés lors de l'attaque. "Charlie portait une parole, soutenue par certains, combattue par d’autres. Je me rends d’autant plus compte aujourd’hui combien son combat était important. On était tous d’accord sur le fait qu’il ne fallait pas céder. Mais qu’ils décident d’éradiquer ce symbole de la liberté qu’était Charlie…", explique-t-il.
Le journaliste ajoute : "J’en parle au passé, car je ne vois pas comment le journal pourrait survivre à ça. Charlie, c’était un journal de dessinateurs. Les rédacteurs comme moi sont interchangeables. Eux, non. Des Charb, des Tignous, des Wolinski, il n’y en a pas cinquante. Et si en plus il y a Cabu…" Toutefois, il nuance son pessimisme auprès de Radio Canada. Antonio Fischetti déplore certes la perte de "l'âme, l'essence de cet hebdo", mais il ajoute : "En même temps, j'ai envie de dire qu'il faut continuer d'une façon ou d'une autre pour répondre et dire à ces gens-là qu'ils n'auront pas raison de cette liberté d'expression que représente Charlie Hebdo. (…) Il ne faut pas leur donner raison."
Une position partagée par Patrick Pelloux. Emu aux larmes, sur France Inter jeudi matin, il déclarait : "On va pas s'arrêter. (...) Il faut qu'on sorte un journal encore meilleur, je sais pas comment. Mais on va le faire, on va l'écrire avec nos larmes, mais on va l'écrire. (...) On n'a pas le droit de céder."
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