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Alpes-Maritimes : interné de force par le préfet, un fonctionnaire est relâché par la justice, le parquet fait appel de la décision

L'homme de 56 ans, qui a "agressé et menacé de mort" plusieurs autres fonctionnaires, selon la préfecture, a été hospitalisé pour des soins psychiatriques pendant douze jours. Il a été libéré le 16 août. 

Article rédigé par franceinfo
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La préfecture de Nice où travaille Eric D., le fonctionnaire interné de force par le préfet des Alpes-Maritimes entre le 9 et le 16 août 2019.  (CAPTURE D'ECRAN GOOGLE MAPS)

Abus de pouvoir ou décision nécessaire pour éviter un drame ? A Nice, un fonctionnaire de la Direction des territoires des Alpes-Maritimes, rattaché au ministère de l'Agriculture, a été interné de force en soins psychiatriques, à la demande de son supérieur, en l'occurence le préfet du département, comme le révélait Le Point lundi 19 août. A la demande de l'avocate du fonctionnaire, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Grasse a finalement ordonné la mainlevée de l'hospitalisation le 16 août. L'homme a été libéré après douze jours de détention. 

Le parquet de Grasse a ensuite fait appel de cette décision jeudi 22 août et la cour d'appel d'Aix-en-Provence devrait statuer, le 27 août, dans ce dossier. "Le délai théorique dans ce genre de dossier est de douze jours, mais s'il n'y a pas de nouveaux faits, il ne peut pas être réinterné", explique Géraldine Bouzard, substitut général de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

"Il a retourné le bureau de la secrétaire"

Depuis près de trois ans, Eric D. est en conflit ouvert avec sa hiérarchie, s'estimant victime de rétrogradations injustifiées dans son travail. En 2018, il est mis en cause pour avoir haussé le ton dans une pièce où plusieurs personnes étaient présentes. En janvier 2019, il s'en serait pris à un autre employé de la préfecture de Nice, où il travaille. "L'individu dont il est question a agressé et menacé de mort plusieurs personnes de son service, retournant notamment le bureau de la secrétaire", affirme la sous-préfète de Grasse, Anne Frackowiak-Jacobs, interrogée par Le Point. Le fonctionnaire est convoqué pour un conseil de discipline qui doit se tenir le 7 août, mais dont le report au 5 septembre est demandé par son avocate. Entre-temps, le 5 juin, Eric D. avait de son côté déposé une plainte pour harcèlement moral visant son employeur. 

Selon la sous-préfète, citée par Le Point, la situation atteint un point de non-retour durant l'été : le procureur de la République demande au préfet une évaluation psychiatrique. "Eric D. a été convoqué par la police le 2 août pour voir un psychiatre au commissariat d'Antibes", confirme Anne-Catherine Colin-Chauley, son avocate, à franceinfo. Un rendez-vous où il se rend.

Le 8 août, à son retour d'un déplacement à Paris, il reçoit un appel de la police lui demandant de se présenter à nouveau au commissariat le lendemain, ce qu'il ne fait pas. Des policiers viennent alors chez lui et l'accompagnent à sa voiture pour récupérer ses papiers d'identité. "Ils m'ont foutu à terre, le visage sur le sol, m'ont menotté, je me suis débattu, ne comprenant pas ce qui se passait et, à l'hôpital, ils m'ont dit que j'étais énervé, m'ont fait trois ou quatre piqûres et m'ont mis en cellule d'isolement, entravé, sauf un bras pour uriner. J'ai failli faire un arrêt cardiaque", explique-t-il à l'AFP. 

Un arrêté pour que le fonctionnaire reste interné

Sans nouvelle de son mari, la femme d'Eric D., inquiète de son absence, a contacté son avocate, qui à ce moment-là n'était pas au courant de son hospitalisation forcée. Son épouse a finalement appris qu'il avait été interné car l'hôpital l'a appelée pour obtenir des informations sur sa mutuelle de santé. Le bulletin de son admission précise qu'il fait l'objet d'un arrêté d'admission en soins sans consentement pour une durée d'un mois, à la demande du "représentant de l'Etat", rapporte Le Point

Le 14 août, l'avocate d'Eric D. émet une requête auprès du juge des libertés de la détention du tribunal de grande instance de Grasse. De son côté dans la même journée, le préfet fait publier un arrêté pour demander la poursuite de l'internement du fonctionnaire. Finalement, le 16 août, le juge des libertés et de la détention demande sa libération.

"Mon client est très choqué, il a peur de rentrer chez lui", explique son avocate, qui a demandé à voir le dossier médical de sa période d'internement.  "Je ne comprends pas comment une telle situation a pu arriver. Je compte saisir les juridictions compétentes pour carence fautive du ministre de l'Agriculture." Le 27 août, la cour d'appel de Grasse statuera sur l'appel interjeté par le parquet. Eric D. pourrait à nouveau être interné si la justice décidait finalement de donner raison à son employeur, la préfecture. 

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