Sarkozy pourrait-il punir "les voyages d'endoctrinement" ?
Le chef de l'Etat a annoncé des mesures pour réprimer "l'apologie du terrorisme". Pourront-elles être appliquées ? Trois questions à Didier Maus, professeur de droit constitutionnel.
"Désormais, toute personne qui consultera de manière habituelle des sites internet qui font l'apologie du terrorisme (...), ou se rendant à l'étranger pour y suivre des travaux d'endoctrinement à des idéologies conduisant au terrorisme, sera punie pénalement." Dans une allocution télévisée, Nicolas Sarkozy a annoncé de nouvelles mesures pour réprimer "l'apologie du terrorisme" ou "l'appel à la haine et à la violence". Entretien avec Didier Maus, professeur de droit constitutionnel à l'université Aix-Marseille.
Nicolas Sarkozy vient de faire trois annonces alors que le Parlement ne siège plus, comment est-ce possible ?
Didier Maus : Cela m'a un peu étonné en effet. On n'a évidement plus le temps de changer quoi que ce soit en matière législative, le Parlement ne siège plus, il est là mais il ne travaille plus. Ce n'est pas possible. Donc la formulation est un peu curieuse, mais je pense qu'elle vient du fait que Nicolas Sarkozy ne pouvait adopter une posture de candidat et dire "si je suis réélu", dans un moment pareil.
Il parle de créer de nouveaux délits, en cas de consultations de certains sites internet, est-ce envisageable ?
On ne peut pas se prononcer si vite sur cette proposition car il manque plusieurs données. Une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel permet de créer de nouveaux délits, donc il n'y a pas d'obstacle en tant que tel. Mais ces nouveaux délits doivent être précisément identifiés. Concrètement, il faut définir ce qu'est un site internet incitant au terrorisme, définir ce qu'est une "consultation régulière", et aussi garantir que les sanctions soient proportionnelles. Il faut enfin être vigilant à ce que ce ne soit pas contraire à la liberté d'expression, mais il me semble que ce type de délit existe déjà, notamment en ce qui concerne les sites pédophiles.
Et la proposition de punir les voyages d'endoctrinement à l'étranger ?
Cela me semble bien plus compliqué à mettre en œuvre. On ne peut pas porter atteinte à la liberté d'aller et venir, c'est une liberté constitutionnelle. On peut aller dans tel ou tel pays tous les quinze jours sans que ça puisse être puni. Donc ça n'est pas évident de punir de tels voyages. Et puis, comment définir et qualifier en droit français un délit qui ne se passe pas en France ? Certes, l'imagination des juristes existe, mais elle a des limites. J'attends de voir quels contours sont envisagés concrètement.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.