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ProcÚs du Carlton : "Relaxez DSK et ce sera justice", réclament ses avocats

Le trio de conseils de l'ancien patron du FMI a ouvert le bal des plaidoiries de la défense, en demandant la relaxe de son client.

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Henri Leclerc, avocat de Dominique Strauss-Kahn, au tribunal correctionnel de Lille (Nord), le 18 février 2015. (ELISABETH DE POURQUERY / FRANCETV INFO)

Honneur aux dames. C'est Frédérique Baulieu, seule femme du trio d'avocats de Dominique Strauss-Kahn au procÚs dit du Carlton, qui plaide la premiÚre, mercredi 18 février, pour la défense de l'ancien directeur général du FMI. Et justement, elle commence par s'attaquer à une femme : Jade. La quadragénaire, partie civile, a décrit, pendant l'audience, les conditions dans lesquelles elle s'est prostituée, des maisons closes de Dodo la Saumure au voyage à Washington avec DSK.

"Jade réinvente tout"

"Jade et ses certitudes, Jade et sa colÚre, sa rédemption, sa croisade. Elle a le droit. Mais moi aussi, j'ai le droit de vous dire ce qu'on peut retenir factuellement des certitudes de Jade", attaque Frédérique Baulieu, alors qu'un courant d'air venu de nulle part agite ses cheveux bruns. "J'ai pour elle de l'estime. Mais aussi beaucoup d'incompréhension, devant cette volonté de dire des choses pas vraies", avance-t-elle.

"Jade réinvente tout. Elle a, je crois, réécrit l'histoire", poursuit Frédérique Baulieu. L'avocate revient sur les soirées, les sorties et les voyages étudiés pendant les débats, les uns aprÚs les autres. 

Je n'ai pas de compassion pour Jade. Souffrir avec ? Je ne me permettrais pas. Mais ce n'est pas Ă  elle que j'en veux. J'en veux Ă  ceux qui ont fait d'elle ce symbole.

Frédérique Baulieu, avocate de DSK

Plaidoirie au tribunal de Lille

Dans sa plaidoirie, l'avocate cherche aussi à atteindre ceux qu'elle ne peut directement nommer : les juges d'instruction. 

Elle s'adresse au prĂ©sident du tribunal, donne les rĂ©fĂ©rences des cotes, relit les auditions versĂ©es au dossier et reprend les dĂ©clarations de chacun pendant l'audience. Une maniĂšre, pour elle, de mieux relever les contradictions. Elle cherche ainsi Ă  prouver que de proxĂ©nĂ©tisme, il n'a jamais Ă©tĂ© question pour Dominique Strauss-Kahn. "OĂč voyez-vous qu'il ait pu aider la prostitution ?" Les bras croisĂ©s, l'ex-directeur du Fonds monĂ©taire international regarde son avocate et Ă©coute avec attention, les sourcils lĂ©gĂšrement froncĂ©s.

L'avocate lùche sa "colÚre", "pour ce qu'on a fait à Jade pendant l'instruction". "Le droit a été tordu, détourné de sa finalité, tout autant que les faits" dans cette affaire, ajoute-t-elle, avant de demander la relaxe pour son client. "Elle sera juste et elle sera belle", précise-t-elle avec le souci de rééquilibrer la balance.

"La bulle médiatique éclate"

Richard Malka, qui succĂšde Ă  FrĂ©dĂ©rique Baulieu, s'attaque lui aussi Ă  la façon dont l'instruction a Ă©tĂ© menĂ©e. "Quelle est la dĂ©finition du libertinage ? Cette mĂȘme question a Ă©tĂ© posĂ©e Ă  bien des reprises au cours de l'instruction. Cette question est un paradigme moral, pas juridique. C'est impossible de dĂ©finir le libertinage, on ne le peut pas, car les notions sont beaucoup trop subjectives, relatives, Ă©volutives", soulĂšve-t-il. Et de citer Henry Miller, Ă©crivain amĂ©ricain dont les romans ont Ă©tĂ© censurĂ©s aux Etats-Unis pour obscĂ©nitĂ© : "Ce serait aussi difficile que parler de dieu."

L'avocat barbu au crĂąne rasĂ©, qui est aussi le conseil de Charlie Hebdo, s'appuie des deux mains sur le pupitre. Le col de sa chemise dĂ©passe de sa robe d'avocat. Il marque un petit temps d'arrĂȘt et poursuit sa plaidoirie en s'attaquant au traitement mĂ©diatique de l'affaire.

Richard Malka brandit la une d'une édition du quotidien Le Monde, datant des débuts de ce qui est devenu l'affaire du Carlton. 

Jamais nous n'avons été aussi loin dans la violation du secret de l'instruction. La présomption d'innocence n'existe plus.

Richard Malka, avocat de DSK

Plaidoirie au tribunal de Lille

"Une bulle médiatique se crée. Arrivés au tribunal, la bulle éclate", commente l'avocat.

Richard Malka revient sur l'ensemble du parcours politique de DSK, et vante son action au Fonds monétaire international. "Il a eu un rÎle déterminant pour que la crise des subprimes ne devienne pas une crise de 1929", résume-t-il. "Voilà cet homme qu'il faut juger, forcément coupable parce qu'il est puissant", souligne-t-il. Richard Malka cherche à remettre les choses à leur juste valeur : DSK n'est qu'un homme parmi les autres. "Tous autant que nous sommes, nous sommes tous des petits tas de secrets misérables, déclame-t-il en fin de plaidoirie. Il reste un procÚs ordinaire, et vous jugerez de maniÚre ordinaire."

"Le droit, le droit, le droit, rien que le droit !"

C'est à Henri Leclerc, avocat respecté ùgé de 80 ans, dont prÚs de soixante passés à plaider, que revient le dernier mot. Il y en a un que ce fervent défenseur des droits de l'homme répÚte à maintes reprises : "Le droit, le droit, le droit, rien que le droit ! On a le droit de faire tout ce qui n'est pas interdit. Pour le reste, les hommes sont libres, les femmes sont libres."

Henri Leclerc a disposé ses feuilles sur la table devant lui. Par moments, il se penche trÚs prÚs pour les lire. "Cette décision de relaxe est importante pour Dominique Strauss-Kahn, mais elle est importante pour notre justice. (...) C'est un jugement qui est aussi sur la justice", martÚle-t-il. C'est à la justice, encore, à qui il réserve son dernier mot :

Je vous demande de relaxer [Dominique Strauss-Kahn] et je dirais ce que j'ai appris il y a 60 ans : relaxez-le et ce sera justice.

Henri Leclerc, avocat de DSK

Plaidoirie au tribunal de Lille

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