Au procès des viols de Mazan, la diffusion des premières vidéos d'un accusé plonge la salle d'audience dans un grand malaise

Dix photos et trois vidéos ont été projetées jeudi après-midi, à la demande de l'avocat général, face aux dénégations de Jacques C., 72 ans, qui ne reconnaît pas de viols sur Gisèle Pelicot, mais des "atteintes sexuelles".
Article rédigé par Juliette Campion
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Des accusés entrent dans la salle d'audience, au tribunal judiciaire d'Avignon (Vaucluse), le 12 septembre 2024. (ANNA MARGUERITAT / HANS LUCAS / AFP)

On savait que ce moment allait arriver. Que les images finiraient par être montrées. Aussi insoutenables soient-elles. Jeudi 19 septembre, la cour criminelle du Vaucluse a assisté, pour la première fois, à la diffusion de photos et vidéos de viols infligés par Dominique Pelicot sur son épouse, en compagnie d'un autre accusé : Jacques C. L'homme de 72 ans était entendu cet après-midi dans le cadre de son interrogatoire.

"Vous m'avez indiqué que vous ne reconnaissez pas le viol, mais des atteintes sexuelles", déclare le président Roger Arata, en préambule. L'accusé, qui habitait à Mazan au moment des faits, le même village que le couple Pelicot, acquiesce : "Je garde exactement les mêmes termes sur les choses que j'ai pu faire." Le président rappelle qu'il est pourtant poursuivi pour "viol aggravé" sur Gisèle Pelicot, pour des faits remontant à la soirée du 24 février 2020. Jacques C. assure avoir "pratiqué un cunnilingus, mais sans la langue", et conteste avoir "introduit un doigt" dans le vagin de la victime, contrairement à ce que soutiennent les enquêteurs qui ont visionné les vidéos.

Le président insiste et rappelle que dans le cadre d'un cunnilingus, "il peut y avoir une pénétration", précisant que "le sexe d'une femme commence au niveau des petites lèvres". Le septuagénaire affirme que "c'étaient plutôt des bisous sur le pubis". Face à ces dénégations, l'avocat général demande que les photos et vidéos dans lesquelles figurent Jacques C. soit diffusées. Comme la veille, lorsque 27 photos intimes d'elle ont été montrées à la cour, Gisèle Pelicot accepte que les journalistes restent. Mais souhaite que le public sorte de la salle de retransmission. 

Des vidéos abjectes 

Ces images ne sont qu'une infime partie des près de 4 000 photos et vidéos retrouvées sur divers ordinateurs, clés USB ou disques durs de Dominique Pelicot, qui les nommait et stockait méticuleusement. Dans une salle totalement silencieuse, le président annonce ouvrir le dossier "ABUS". Il lance dix photos de la soirée du 24 février 2020, puis trois vidéos.

Sur la première vidéo, nommée "Cunni et pipe Jacques", la victime apparaît en sous-vêtements affriolants. Elle ronfle bruyamment, assommée par les anxiolytiques administrés contre son gré par son mari. Les deux hommes chuchotent. Jacques C. est nu, il s'approche d'elle, lui caresse les seins, le corps, et pratique plusieurs cunnilingus. Il fait ensuite une fellation à Dominique Pelicot. "On passe au deuxième enregistrement intitulé : 'Jacques doigtage'", dit le président. Il ne dure que quelques secondes. Enfin, la dernière vidéo, abjecte : "Pipe moi". On voit Dominique Pelicot infliger une fellation à son épouse inconsciente. Elle est filmée en gros plan et semble au bord de l'étouffement pendant quelques instants. 

Assis dans son box, ce dernier regarde fixement les images tournées à son domicile, dans la chambre conjugale. Certains accusés font de même. D'autres, nombreux, baissent la tête. Gisèle Pelicot détourne le regard. Elle boit ensuite un grand verre d'eau. Consciente, peut-être, qu'une nouvelle étape infiniment douloureuse de ce procès est en train de s'ouvrir : il faudra sans doute, pour tous les accusés ne reconnaissant pas les faits reprochés, passer par ce visionnage humiliant. Ils sont 35 accusés, sur 51 au total, à contester les faits de viol. 

Silence glacial 

La vidéo se termine. Silence total. Le président laisse passer quelques secondes, qui semblent infinies. "Alors, qui reprend la parole ?", demande-t-il. Son malaise est palpable. Antoine Camus, l'avocat de Gisèle Pelicot et de sa famille, se penche vers son micro et demande à l'accusé : "Est-ce que vous estimez toujours que, tout au long de votre vie, vous avez grandement respecté les femmes ?", en référence à une phrase prononcée par Jacques C. quelques minutes avant.

Dominique Pelicot est ensuite invité à s'exprimer. "Il y a eu un cunnilingus avec une langue pénétrante, je le sais, puisque j'étais aux premières loges", expose-t-il sans ciller. "Ainsi que des pénétrations digitales", ajoute-t-il. Il assure par ailleurs que c'est bien Jacques C. qui a filmé la fellation qu'il a pratiquée sur son épouse. Ce que l'intéressé dément. D'une traite, Dominique Pelicot a démoli la défense de son coaccusé.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.