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"Elle était très protectrice avec les enfants" : après l'accident de Millas, le désarroi de ceux qui côtoyaient la conductrice du bus

La conductrice du car scolaire percuté par un TER, jeudi 14 décembre à Millas (Pyrénées-Orientales), a été mise en examen pour "homicides et blessures involontaires", mercredi. L'accident a fait six morts et 17 blessés. 

Article rédigé par Valentine Pasquesoone
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Le car scolaire entré en collision avec un TER sur un passage à niveau à Millas (Pyrénées-Orientales), au lendemain de l'accident mortel, le 15 décembre 2017.  (RAYMOND ROIG / AFP)

Depuis son domicile de Saint-Féliu-d'Avall (Pyrénées-Orientales), Annick Casteleyn se remémore le bus qu'elle voyait au quotidien. Elle évoque surtout sa conductrice, une femme "qui disait bonjour" et à qui "on faisait signe tous les jours". Celle-ci est désormais mise en examen pour "homicides et blessures involontaires" après que le bus qu'elle conduisait a percuté un TER sur un passage un niveau, jeudi 14 décembre à Millas (Pyrénées-Orientales). 

Annick Casteleyn décrit aujourd'hui "un village qui souffre beaucoup, en silence", alors que six collégiens originaires de la commune sont morts dans l'accident, et que la conductrice du car vit, elle aussi, dans la petite ville. La retraitée, et d'autres habitants de Saint-Féliu-d'Avall, témoignent de leur incompréhension face au drame. 

"Sa passion, c'est conduire un bus"

"Ici, les gens sont catastrophés", renchérit Rachel Delpech, gérante de la boulangerie La Boulange, dont la conductrice était une cliente. "On parle d'elle simplement comme la conductrice du bus, mais on ne dit rien du choc physique, du choc moral qu'elle a subi." Rachel Delpech ne conçoit pas que cette femme de 47 ans, "passionnée par son travail" et "bonne vivante", ait pu traverser le passage à niveau avec les barrières fermées. Selon le procureur de Marseille, une majorité de témoignages recueillis après le drame semblent pourtant, à ce stade de l'enquête, accréditer cette version des faits.  

Elle me disait souvent : 'je me dépêche, je prends mon bus, je dois récupérer mes petits !', en évoquant les enfants qu'elle transportait.

Rachel Delpech, boulangère à Saint-Féliu-d'Avall

à franceinfo

Jean Codognès, l'avocat de la conductrice, parle d'une personne "qui a beaucoup travaillé dans sa vie" pour faire ce métier. Après une carrière en milieu hospitalier, cette mère célibataire d'une fille de 17 ans, originaire de Marseille, a commencé sa formation "il y a plusieurs années", rapporte-t-il. Sa cliente travaille depuis 2016 au sein de l'entreprise toulousaine de transports A. Faur. "Sa passion, c'est conduire un bus, assure l'avocat. Elle vient d'un milieu modeste qui, par le travail, connaît une ascension sociale. Pour elle, conduire un bus était cette ascension sociale." 

Dans la région de Millas et de Saint-Féliu-d'Avall, plusieurs de ses confrères ont pris part à un mouvement de soutien à la conductrice, sur Facebook. Parmi eux, Jacques*. "C'est inconcevable, réagit-il, très ému par l'accident. Quelqu'un qui la connaît un tout petit peu ne peut pas l'imaginer." Il dépeint une collègue sympathique, "qui rit tout le temps, toujours en train de plaisanter". Mais aussi une femme "très protectrice avec les enfants". 

C'est quelqu'un de très consciencieux dans son travail. Elle prend sa voiture personnelle pour repérer les trajets à l'avance. Elle ne conçoit pas d'arriver en retard. Elle nous disait souvent : 'ils sont gentils ces petits'.

Jacques*, collègue de la conductrice du car accidenté de Millas

à franceinfo

Une "détresse d'une intensité inouïe"

Plus d'une semaine après cette collision mortelle, la conductrice du bus, blessée lors de l'accident, continue d'affirmer que les barrières du passage à niveau étaient levées. Elle reste hospitalisée, "car son état nécessite des soins importants". "Cette femme a le sternum cassé, plusieurs cicatrices autour des yeux", détaille Jean Codognès. Elle est couverte d'hématomes." Au delà des blessures physiques, il évoque sa "détresse d'une intensité inouïe" et son "stress total" au cours de son interrogatoire. "Elle ne se souvient de rien après l'impact", ajoute-t-il. 

Elle se demande pourquoi elle survit alors qu'il y a autant d'enfants morts.

Jean Codognès, avocat de la conductrice

à franceinfo

L'avocat précise que sa cliente a été admise dans un établissement psychiatrique, du fait d'un état de dépression consécutif à l'accident. Jean Codognès affirme que la conductrice n'a aucun antécédent dépressif, psychiatrique ou suicidaire. "Elle avait une vie consacrée à l'éducation de sa fille, ajoute-t-il. Ses amis, c'était les enfants." Selon l'avocat, la conductrice souhaitait même décorer son bus pour les fêtes de Noël. "Elle comptait y consacrer son week-end."

* Le prénom a été modifié

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