: Reportage "Pourquoi on est là en fait ?" : au QG de campagne du camp présidentiel, la soirée des législatives 2024 n'a jamais eu lieu
La vieille dame s'est penchée à sa fenêtre, l'air intrigué. "Attendez, la soirée est déjà finie ?" demande-t-elle aux journalistes en train de remballer leurs câbles et ranger leurs caméras. En vérité, la soirée n'a jamais vraiment commencé au QG de campagne de Renaissance, situé rue du Rocher, dans le 8e arrondissement de Paris. Gabriel Attal, qui devait s'y rendre dès l'annonce des résultats du premier tour des élections législatives, dimanche 30 juin, a finalement pris la parole "chez lui", à Matignon, à 22 heures.
"On sait, soirée compliquée..." soupirait-on au sein de l'équipe de communication du parti présidentiel, au moment de prévenir de ce nouveau changement de programme. Auparavant, c'est l'ouverture des portes qui avait dû être décalée. Pas avant 19 heures, mais peut-être plus tard encore, "horaire indéterminé pour le moment". Finalement, personne n'a franchi l'entrée coulissante. La seule visite fut celle d'un livreur venu ravitailler les troupes du parti en bouteilles d'eau et en gâteaux.
Après la claque reçue dans les urnes, le parti présidentiel aura, c'est vrai, bien besoin de forces. C'est lui le grand perdant de la soirée, relégué en troisième position (20,04%), loin derrière le Rassemblement national et le Nouveau Front populaire, selon les résultats communiqués par le ministère de l'Intérieur dans la nuit du dimanche 30 juin au lundi 1er juillet. Le choc est violent pour le camp d'Emmanuel Macron, qui subit une nouvelle sanction, deux semaines après le revers des européennes.
Le second tour, dimanche 7 juillet, s'annonce très compliqué pour la coalition composée de Renaissance, du MoDem et de Horizons : elle ne pourrait se qualifier que dans 290 à 330 circonscriptions et être contrainte de se désister dans beaucoup d'entre elles pour faire barrage à l'extrême droite.
"Dans quinze jours, c'est un musée"
Devant le siège du parti, tout le monde improvise. "En fait, je n'ai rien à shooter", souffle un photographe. "Pourquoi on est là, en fait ?" provoque un reporter. Devant les barrières, des policiers attendent les ordres de leur hiérarchie : "Les gars, je pense qu'on va être reversés ailleurs", leur signale l'un d'eux. Les membres de l'ONG Avaaz sont eux aussi au chômage technique. Ils avaient fait imprimer 500 exemplaires de leur gazette pour exiger une "union anti-RN". "Il m'en reste plein", constate l'un d'eux.
"Je m'attendais vraiment à voir plus de monde. Quelqu'un sait où sont les militants ?"
Un membre de l'ONG Avaazà franceinfo
Pas ici en tout cas. Enfin pas cette fois. Aucune invitation n'a par exemple été lancée par les Jeunes avec Macron. "Les militants sont auprès des candidats dans les circonscriptions, c'est plus simple comme cela", nous a expliqué plus tôt dans la journée son président Ambroise Méjean.
Un temps, il s'est dit que Stéphane Séjourné, le patron du parti Renaissance, allait "peut-être" passer une tête au siège. Le ministre des Affaires étrangères, qui a annoncé sur X être arrivé en tête dans sa circonscription Hauts-de-Seine, n'est finalement pas venu. Sylvain Maillard, candidat dans la 1re circonscription de Paris, devait "peut-être" passer en voisin.
"On peut les comprendre : vu le contexte, j'aurais pas envie d'aller au contact des gens", imagine un membre de l'ONG Avaaz, son paquet de feuilles toujours sous le bras. Un passant, polo vert sur le dos, s'arrête net devant le numéro 68 de la rue de Rocher. "Aujourd'hui, c'est un parti. Dans quinze jours, c'est un musée", lâche-t-il, sèchement. Quelques gouttes tombent du ciel. "Allons bon, il ne manquait plus que ça."
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