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Régionales : à Senlis, les partisans de Xavier Bertrand cherchent la clé du second tour

Le candidat de la droite en Nord-Pas-de-Calais-Picardie a tenu, mardi, une réunion publique dans cette ville de l'Oise. Sur le terrain, militants et candidats tentent de remotiver leurs sympathisants et de convaincre les électeurs FN.

Article rédigé par Louis Boy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Xavier Bertrand, lors d'une réunion publique à Senlis (Oise), le 8 décembre 2015.  (LOUIS BOY / FRANCETV INFO)

"Bon courage, ça va être juste !" Sur le marché de Senlis (Oise), mardi 8 décembre, une passante interpelle Claude du Granrut. A 86 ans, l'ancienne vice-présidente du conseil régional de Picardie a repris du service dans la dernière ligne droite des élections régionales. A 10h30 du matin, avec une quinzaine d'autres militants et candidats, elle encourage les Senlisiens à "bien voter", et distribue des tracts pour annoncer la venue, le soir même, de la tête de liste Xavier Bertrand.

"Certains n'ont pas pris la mesure du risque"

La droite est ici en terrain conquis. En 2014, trois listes UMP ou divers droite étaient au second tour des municipales. Mais, dimanche, Xavier Bertrand n'a devancé Marine Le Pen que d'un peu plus de 7 points (39,5% contre 32,1%) dans la commune. Dans la future région, c'est un retard de 15 points qu'il doit rattraper en une semaine. Si un sondage publié mercredi lui est favorable, chaque voix comptera. Claude du Granrut n'en revient pas de croiser "des gens qui n’ont pas voté dimanche. Certains n'ont pas pris la mesure du risque."

Pour mobiliser, tous les arguments sont bons. "Quand je croise une femme, je lui explique que Marine Le Pen dit qu’elle va régler le problème de l'emploi en renvoyant les femmes à la maison", explique-t-elle en rigolant à un militant. "Oui oui, elle l'a dit, une fois", assure-t-elle, l’air peu convaincu.

Deux militants Les Républicains tractent sur le marché de Senlis (Oise), le 8 décembre 2015, à quatre jours de la fin de la campagne pour les élections régionales. (LOUIS BOY / FRANCETV INFO)

La campagne des Républicains dans l’Oise n’a pas commencé dimanche, mais les résultats ont secoué les partisans de Xavier Bertrand. "Les sondages le disaient depuis longtemps. On avait beau ne pas vouloir y croire, on le gardait au fond de la tête", confie une militante. Alors beaucoup de gens ont proposé de donner un coup de main entre les deux tours. Lundi, une quinzaine de volontaires se sont retrouvés sur le marché de Senlis, et une trentaine ont déposé des tracts dans les boîtes aux lettres alentour, selon un responsable de la campagne. Conseiller municipal UDI près de Compiègne, Julien Léonard a laissé son fils à la crèche, pris sa journée, et est venu tracter, comme la veille. "On va essayer de faire ce qu’on peut cette semaine, même si c’est compliqué. Je ne veux pas regarder en arrière et me dire que j’aurais pu faire plus."

Un vote Bertrand "à contrecœur" pour les socialistes

Parmi les offres de soutien, il y avait même "énormément de gens de gauche", assure Manoëlle Martin, quatrième sur la liste Les Républicains dans l’Oise. "On les prend comme ils sont. S’ils ne veulent pas s’afficher publiquement, ils n’ont pas à le faire" : à Senlis, l’un d’eux distribuait des tracts mardi matin, mais seulement dans les boîtes aux lettres, à l’écart du marché, pour éviter d'être vu.

Malgré le score modeste de la liste PS de Pierre de Saintignon – 12% à Senlis et 16% dans la région –, les électeurs de gauche seront une des clés du second tour. Voter Xavier Bertrand pour un socialiste, "ça n’est pas un reniement", leur a promis ce dernier, mardi soir. A Senlis, les électeurs de gauche rencontrés mardi se sont tous dits prêts à voter Bertrand, "à contrecœur" parfois, mais sans grande hésitation. "Les gens à qui j’ai parlé depuis dimanche sont atterrés que 40% des gens qu’on connaît, plus ou moins, puissent voter FN", confie un commerçant. Lui votera à droite pour la deuxième fois de sa vie après 2002, "parce que Bertrand n'est pas un mec désagréable, et me semble capable d’être président de région. Marine Le Pen n’est en aucun cas capable de diriger quoi que ce soit."

Une sympathisante prend un selfie avec Marine Le Pen sur le marché de Senlis (Oise), le 23 octobre 2015. (MAXPPP)

Des électeurs FN qui se font discrets

A Senlis, tout le monde n'est bien sûr pas de cet avis. "J'étais très dérangé quand Marine Le Pen est venue sur le marché", en octobre, confie ce même commerçant. "Il y a quand même des gens qui ont pris des selfies." Le Parisien parle d'un accueil de star. Mardi, toujours sur le marché, les électeurs de la candidate frontiste sont presque invisibles, ce qui ne facilite pas la tâche des Républicains. "Les gens sont discrets. Il ne faut pas perdre de vue qu'ils viennent de la droite", analyse un militant. "A Senlis, ils te diront tous qu'ils ont voté Bertrand, tranchent deux jeunes à la terrasse d'un café. Vu les résultats, j'ai l'impression que c'est beaucoup de faux-culs."

Il faut insister un peu pour que Dominique, plongé dans son journal au comptoir du PMU, nous chuchote : "Vous savez pour qui j'ai voté ? J'ai voté Front national." Il montre fièrement une photo du Courrier picard où il apparaît en arrière-plan de Marine Le Pen. Et évoque la fabrique de bobines de cuivre qu'il a quittée l'an dernier, "qui est en train de se casser la gueule". "L'Etat ne veut pas les aider." Daniel, lui aussi, demande du changement : "J'ai toujours voté RPR" – il travaillait à la mairie – "mais j'en ai ras le bol. Pour savoir ce qu'une personne vaut, il faut l'essayer." Un troisième électeur, Didier, refuse de révéler son vote, mais, pour lui, le résultat de dimanche "parle de lui-même".

Daniel, retraité de 60 ans, rencontré le 8 décembre 2015, sur le marché de Senlis (Oise), assume d'avoir voté pour le Front national. (LOUIS BOY / FRANCETV INFO)

"Tu sais bien mes opinions sur la dégradation de ce pays", lance-t-il à un responsable local des Républicains, qui ne tente même pas de le convaincre, et soupire : "Quand on l'écoute, c'est Marine, Marine, Marine…" Est-il possible de faire changer d'avis les électeurs FN ? Les militants sont partagés. "Ceux qui me disent 'j'ai une photo avec Marine Le Pen, je suis fan', ils sont braqués, c'est pas la peine d'essayer", regrette Samir. Mais tous veulent croire à ces électeurs qui ont voté FN "par colère", mais reviendraient vers la droite au second tour. Manoëlle Martin en a croisé plusieurs mardi matin : "Ce sont plutôt des jeunes, qui entrent dans la vie active et ont du mal à boucler leurs fins de mois."

Motiver les abstentionnistes de droite

Pour s'assurer de leur soutien, Manoëlle Martin ne leur parle pas de sécurité ou d'immigration mais leur vend "un programme sérieux à destination des entreprises et de l'emploi". "Beaucoup de gens sont persuadés que c'est une mini-présidentielle", raconte Nathalie Lebas. "Quand on leur explique qu'on ne vote pas pour ça, ils nous répondent 'mais alors comment faire ? Attendre 2017 ?' Alors on leur parle de concret. Ils sont contents de savoir qu'on pourra faire quelque chose pour le lycée de leurs enfants." 

Même Xavier Bertrand, qui a multiplié, dans les médias nationaux, les déclarations sur la sécurité après les attentats de Paris, passe très vite sur le sujet à Senlis. Il parle d'avantage des retraités pauvres, de l'accès aux soins, ou de problèmes de sécurité locaux comme la drogue dans les campagnes.

Mais s'il ne visait que les voix des électeurs du FN et du PS, Xavier Bertrand ne se serait peut-être pas rendu, pour ses réunions d'entre-deux-tours, dans cinq villes qui l'ont déjà placé en tête dimanche. Lui assure que le choix a été fait avant les résultats. Mais son discours vise aussi les abstentionnistes, près de 50% des Senlisiens. La clé du second tour est peut-être "ces gens qui ne sont pas allés voter parce que 'des régionales, en décembre, est-ce vraiment si important ?'", explique Xavier Bertrand. 

"Les électeurs de droite peuvent être un peu fainéants", ose Julien Léonard, le conseiller municipal UDI. "Je pense que Bertrand a l'impression de ne pas avoir fait le plein de voix à droite, et je pense qu'il a raison." Après le premier tour, "on regarde les zones où on a l'habitude de faire des mauvais scores, et on oublie, explique Manoëlle Martin, pour mobiliser dans des secteurs plus favorables" comme Senlis. La réunion de mardi, "c'est pour les militants, qu'ils repartent boostés" et passent le mot autour d'eux. "Du réseau, du réseau, du réseau", c'est sa stratégie pour cette dernière ligne droite, jusqu'à la fin de la campagne, vendredi. Mardi soir, en introduction de Xavier Bertrand, c'est le député de l'Oise Edouard Courtial qui coachait les militants : "Vous avez quatre jours pour prendre l'annuaire. Et quatre jours pour gagner."

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