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Gauche et droite peuvent-elles vraiment travailler ensemble en France ?

Selon un sondage du "Parisien", les Français se montrent très favorable à un gouvernement d'union nationale. Mais serait-ce seulement possible ? Eléments de réponse.

Article rédigé par franceinfo - Pierre d'Almeida
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Manuel Valls, à l'Assemblée nationale, le mardi 15 décembre 2015. (YANN KORBI / CITIZENSIDE / AFP)

Gauche et droite travaillant main dans la main à l'Assemblée nationale ? Des ministres de gauche dans un gouvernement de droite et vice-versa ? D'après un sondage Odoxa pour Le Parisien publié mardi 15 décembre, les Français n'y verraient pas d'inconvénient. Une large majorité d'entre eux (68%) se prononce même en faveur d'un rapprochement politique entre la gauche, le centre et la droite.

Ce résultat fait écho aux appels du Parti socialiste à voter pour les candidats des Républicains afin de faire barrage au Front national au second tour des régionales. Il renvoie également aux déclarations politiques qui ont suivi les résultats électoraux : invité du 20 heures de France 2, lundi 14 décembre, le Premier ministre Manuel Valls a appelé "les reponsables politiques de tous bords à construire ensemble quand c'est nécessaire". Notamment dans la lutte contre le chômage.

Mercredi, le sénateur des Républicains et ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a fait part de son intention, sur Europe 1, de se joindre à un "pacte républicain pour l'emploi". Une initiative dont Manuel Valls s'est rapidement félicité sur Twitter. Le même jour, il ajoutait dans les colonnes du Monde que "l'opposition devrait soutenir le gouvernement sur un projet ambitieux"Mais l'union nationale est-elle possible ? Droite et gauche peuvent-elles véritablement travailler ensemble en France ?

Oui, il y a une vraie demande

Au Parlement, Didier Guillaume, sénateur PS de la Drôme, croit en la possibilité d'une alliance. Interrogé par Public Sénat, le président du groupe socialiste au palais Bourbon estime qu'il y a "des possibilités d'avoir des accords entre la droite et la gauche, si on enlève les postures politiciennes, si on enlève le fait que les uns et les autres préparent l'élection présidentielle, sur beaucoup de sujets il y a des possibilités de voter ensemble".

Même son de cloche à droite : interrogé par Le Figaro, Frédéric Lefebvre estime que "les clivages doivent voler en éclats, car le logiciel droite-gauche est mort depuis longtemps". D'après lui, "les coalitions droite-gauche fonctionnent dans 18 des 28 pays de l'Union européenne. Pourquoi pas en France ?"

Pour Fabienne Keller, sénatrice des Républicains dans le Bas-Rhin, l'emploi et l'écologie font partie des quelques sujets qui nécessitent la mobilisation de plusieurs forces politiques pour obtenir un changement substantiel. Contactée par francetv info, elle affirme que "sur des sujets comme l'emploi, il faut des axes stratégiques qui vont au-delà d'une alternance. Il faut construire des consensus plus larges comme le font les Allemands".

Oui, en pratique, ça se fait déjà

Fabienne Keller préfère parler de "convergence" des actions plutôt que d'une vraie coalition. Autrement dit, elle ne se refusera pas à soutenir l'action gouvernementale si besoin. La sénatrice ajoute qu'au niveau local, "il est déjà fréquent qu'il y ait des accords : pour un TGV, pour le développement d'une université, pour des projets économiques... Au niveau national, on est tendus vers l'objectif de la présidentielle. Ce sera le moment d'un grand débat, qui n'aura pas lieu que sur les idées, mais aussi sur la capacité à agir".  

D'après François Grosdidier, sénateur des Républicains en Moselle, la formation d'une "coalition", formelle ou non, ne ferait par ailleurs que normaliser une pratique déjà courante au Sénat : au-delà des amendements, "les sénateurs n'ont pas l'habitude de voter contre [les propositions du gouvernement]".

Non, à cause d'un problème institutionnel 

Une "vraie" coalition serait toutefois difficile à mettre en place. D'après Jean Chiche, ingénieur de recherches CNRS au Cevipof, la France est un pays qui valorise l'autorité politique. La fragmentation à droite comme à gauche des partis politiques en plusieurs blocs explique selon lui le besoin d'unité que traduisent les résultats du sondage du Parisien.

Néanmoins, gauche et droite "ne peuvent pas s'entendre tant qu'elles ne changent pas les institutions. Pour qu'il puisse y avoir des coalitions en France, il faut que le mode de scrutin change aux élections législatives", et devienne proportionnel, afin de donner plus de pouvoir au Parlement. "Mais les Français ne sont pas prêts à changer les institutions pour accorder moins de droits au président de la République, ce qui est pourtant la condition sine qua non pour se rapprocher [du fonctionnement] des autres démocraties européennes", remarque-t-il.

Non, parce que le frein politique reste trop fort

D'après le sénateur François Grosdidier, au-delà d'être impossible, l'idée d'une coalition n'a cependant pas beaucoup de sens : "Les Français comprendront mieux les accord ponctuels qu'une coalition faite dans la panique." Pour lui, l'idée est avant tout d'éviter un combat PS-FN au second tour des prochaines élections présidentielles. "La volonté d'aller plus loin économiquement, en combattant le taux de chômage et le sentiment d'abandon [avec le gouvernement], c'est la bonne façon de combattre le Front national", fait-il valoir.

Et si Frédéric Lefebvre avance "une centaine de parlementaires à droite" prêts à franchir le pas, le mouvement reste minoritaire. Malgré les quelques moments d'union nationale – la loi sur le renseignement après les attentats de janvier, le vote de l'état d'urgence –, François Grosdidier ne se fait pas trop d'illusions : "Nous sommes prêts à aller avec le gouvernement jusque-là où il veut aller, quand ça va dans le sens de la sécurité et de la compétitivité. Mais on sait que le gouvernement n'ira pas assez loin dans ces domaines, et ça n'interdit pas de préparer l'alternance."

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