Le "Made in France" est-il toujours à la mode chez les politiques ?
Les candidats à l'élection présidentielle défilent aux Assises du Produire en France, à Reims, et ce thème phare de la campagne de 2012 est bien parti pour revenir en 2017.
Alain Juppé, Jean-Luc Mélenchon, Arnaud Montebourg, Marine Le Pen mais aussi Bruno Le Maire, Nicolas Dupont-Aignan, Cécile Duflot, Bastien Faudot ou encore Jacques Cheminade... Tous vont monter à la tribune des Assises du Produire en France, un événement parrainé par le centriste Yves Jégo et le socialiste Arnaud Montebourg, organisé jeudi 8 et vendredi 9 septembre à Reims (Marne).
L'occasion pour ces candidats de clamer leur attachement au "Made in France", à huit mois du premier tour de la présidentielle. Et pour s'assurer que leur message est bien passé, ils pourront enfoncer le clou au MIF Expo, le salon des produits 'Made in France', du 18 au 20 novembre à Paris. L'antienne de la campagne de 2012 commence à résonner à nouveau à l'approche de 2017. Cinq ans après, la donne a-t-elle changé ?
Quel bilan pour le quinquennat Hollande ?
C'était en octobre 2012, Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, s'affichait en chantre du "Made in France" sur fond de drapeau tricolore à la une du Parisien Magazine, arborant une panoplie composée d'une marinière Armor Lux, d'une montre Michel Herbelin et d'un mixeur Moulinex. La photo est restée dans les mémoires.
François Hollande avait fait de son ancien rival de la primaire socialiste, héraut de la "démondialisation", son ministre chargé de mener la bataille de cette grande "cause nationale". Cela a duré deux ans, jusqu'en 2014. Arnaud Montebourg a guerroyé "avec panache et conviction, certes, mais sans résultats tangibles sur la relocalisation d’activités et d’emplois", pointe Le Monde. Son action a permis de sauver "plus de 200 000 emplois" sur "240 000 menacés", revendique pour sa part l'intéressé, désormais candidat. Reste qu'en 2015, la France a encore perdu 44 usines, selon le cabinet Trendeo, et 41 000 emplois ont été détruits dans le secteur industriel, selon l’Insee, souligne La Croix.
Il y a bien eu des incitations économiques, comme le crédit d’impôt compétitivité-emploi, le crédit d’impôt recherche, les baisses de charges ou le suramortissement des investissements industriels, liste Le Monde. Il faut encore y ajouter des mesures sectorielles, comme les 34 plans de la "nouvelle France industrielle" pour soutenir les secteurs d’avenir ou le suivi des entreprises en difficulté par des "commissaires au redressement productif". Mais le contexte international a joué, avec la baisse des taux d’intérêt, des prix du pétrole et du cours de l’euro. Ainsi, observe le quotidien, "il est difficile d’évaluer les résultats d’une telle politique et de faire la part des choses".
Le premier gouvernement Ayrault avait également tenté de créer une "marque France" qui aurait consacré la "French touch" et ses produits innovants ou représentatifs du savoir-faire national. Mais le projet de "marque ombrelle" est resté à l'état de chantier. Et ce sont finalement les régions qui ont développé leur propre marque, la Bretagne par exemple, observe Le Monde.
Quel intérêt pour les candidats ?
En 2012, Marine Le Pen arborait un béret au Salon des produits Made in France de Paris, Nicolas Sarkozy allait chez le fabricant de skis Rossignol qui venait de rapatrier une partie de sa production de Taïwan en Haute-Savoie, et François Hollande vantait les mérites d'Alstom Transport au Creusot (Saône-et-Loire). Fin mai, François Fillon, en campagne pour la primaire à droite, s'est rendu chez Michel et Augustin, l'entreprise française de produits laitiers et de biscuits, à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Et en juillet, le candidat souverainiste, Nicolas Dupont-Aignan, a visité l'usine normande du fabricant de chaussures Marco. Et lorsqu'Arnaud Montebourg s'est lancé dans la campagne présidentielle depuis Frangy-en-Bresse (Saône-et-Loire), les rayures de sa fameuse marinière étaient omniprésentes.
De l'extrême gauche à l'extrême droite, la défense du "Fabriqué en France" transcende les clivages politiques : les uns prônent le "protectionnisme", les autres le "patriotisme économique", voire la "préférence nationale". Car "le discours est relativement consensuel" et fédérateur, explique Le Figaro. Dans un contexte de crise économique, de chômage de masse et de destruction d'emplois industriels, il permet à la fois de critiquer la mondialisation, accusée de tous les maux, de s'adresser aux classes populaires, en défendant l'emploi ouvrier menacé, et de faire jouer la corde sensible des dirigeants et des entrepreneurs, en vantant les talents et les mérites de la création nationale.
Mais à trop invoquer le "Made in France", l'usure guette. Pour se démarquer, Emmanuel Macron avait d'ailleurs préféré prôner le "Made in globalement". "Le 'Made in France' complet n'est pas toujours la bonne option", affirmait en avril aux Echos celui qui était encore ministre de l'Economie, arguant : "Quand on fait tout en France, on n'est pas forcément gagnant. Cela dépend du paysage compétitif."
Les politiques courent aussi le risque d'être pris à leur propre piège, relève Le Figaro. La Fédération indépendante du "Made in France" (Fimif) a enquêté sur la provenance des produits dérivés vendus par les partis politiques. Les T-shirts, badges, drapeaux ou casquettes sont rarement fabriqués dans l'Hexagone. Si le Front national et le MoDem sont vertueux, Les Républicains et l'UDI sont de très mauvais élèves et le PS fait à peine mieux.
#MadeinFrance État des lieux de la provenance des produits dérivés des partis > http://t.co/aX5HFlJLVi via @Fimif_fr pic.twitter.com/EG5DpQi0dL
— Arthur Berdah (@arthurberdah) 21 juillet 2015
Quel est le poids économique du "Made in France" ?
Combien d'entreprises et d'emplois représente le "Made in France" ? Et quel chiffre d'affaires génère-t-il ? Impossible de trouver des données précises. Les labels sont nombreux et leurs critères varient. Certains consacrent la fabrication hexagonale, mais ignorent la provenance des matières premières, quand d'autres sont plus exigeants quant au savoir-faire artisanal et à l'origine des matériaux. Il faut toutefois se contenter de déclarations vagues.
"Côté entreprises, il y a un vrai mouvement et notamment dans le secteur textile, le nombre de marques et de produits vendus s'est envolé", affirme le porte-parole de la Fédération indépendante du Made in France, interrogé par Le Figaro. "Il y a une nette augmentation du nombre d'enseignes qui proposent des produits fabriqués en France depuis six à sept ans", confirme dans le même article la porte-parole de l'un de ces labels, France Terre Textile. "Entre 2011 et 2015, le nombre de produits que nous avons labellisés a été multiplié par quatre, nous en dénombrons aujourd'hui 15 millions." Le label Entreprise du patrimoine vivant calcule, quant à lui, que le nombre d'entreprises certifiées a presque doublé en cinq ans, passant de 800 sociétés en 2010 à environ 1 300 en 2015.
Les comportements des consommateurs sont aussi en train de changer, à en croire leurs déclarations. En 2015, 70 % des Français se disaient prêts à payer entre 5% et 10 % plus cher pour acquérir des produits fabriqués dans l'Hexagone, selon l'Ifop, citée par Les Echos. Un an plus tôt, seul un Français sur deux déclarait privilégier les produits fabriqués en France lors de ses achats et ils n'étaient que 39% en 1997, rappelle le Crédoc.
L'enjeu est de taille. Le nombre d'emplois est multiplié par trois lorsqu'un consommateur choisit de consommer français, selon une étude de la Fédération indépendante du Made in France et Le Bottin du Made in France. Ainsi, ce sont entre 55 000 et 160 000 emplois qui seraient créés en France "si nous choisissions le 'Made in France' une fois sur deux pour nos chaussures et une fois sur trois pour nos vêtements", ajoute l'étude, relayée par Le Figaro
"Le 'Made in France' ne va pas redevenir majoritaire. Mais c’est une niche qui progresse, comme le bio", relativise dans La Croix Charles Huet, auteur d’un guide pratique Made in emplois (éd. du Puits fleuri, 2013) et porte-parole de la Fédération indépendante du Made in France (Fimif). "Inciter les Français à consommer français ne permettra pas d’enrayer la désindustrialisation. Mais c’est une solution complémentaire que chacun peut s’approprier, à travers ses actes d’achats, pour maintenir l’emploi et les savoir-faire en France."
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