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Infographies Macron dans les métropoles, Mélenchon dans les quartiers populaires, Le Pen dans les campagnes… Visualisez la France du premier tour de la présidentielle

L'analyse géographique des résultats du scrutin du 10 avril dessine une France hexagonale divisée entre la gauche radicale, le centre libéral et l'extrême droite.

Article rédigé par Mathieu Lehot-Couette, Noé Bauduin
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7 min
Franceinfo a analysé les scores des candidats au 1er tour de la présidentielle, en 2017 et en 2022, en fonction du type de territoire. (PIERRE-ALBERT JOSSERAND / FRANCEINFO)

La France a donc trois couleurs. Les résultats du premier tour de l'élection présidentielle ont confirmé la recomposition débutée en 2017. A l'hégémonie des partis de droite et de gauche de gouvernement succède désormais un paysage politique découpé en trois : gauche radicale, centre libéral et extrême droite. Trois blocs dont les implantations géographiques sont très différentes, comme le montre l'analyse des résultats du scrutin du 10 avril en fonction du type de territoire, réalisée par franceinfo (voir méthodologie en fin d'article).

D'un côté, Marine Le Pen confirme sa mainmise sur les zones rurales et périurbaines plutôt populaires. Emmanuel Macron, quant à lui, reste plus fort dans les grandes métropoles que dans les zones rurales, mais il progresse peu dans les grandes villes et recule même légèrement dans les banlieues populaires. Il améliore au contraire son score dans les banlieues plus aisées, les zones périurbaines et les territoires ruraux, en récupérant une partie de l'électorat des Républicains de 2017. Quant à Jean-Luc Mélenchon, il s'installe comme le candidat des banlieues populaires et termine de rassembler derrière lui l'électorat de gauche des métropoles et des villes moyennes.

En Ile-de-France : les banlieues riches votent Macron, les banlieues pauvres, Mélenchon

Dans la capitale, Emmanuel Macron arrive en tête avec 35% des suffrages, suivi de Jean-Luc Mélenchon, qui progresse de 10 points par rapport à l'élection présidentielle de 2017 pour totaliser 30% des voix. En observant la carte ci-dessous, on constate que la banlieue est fracturée entre, à l'ouest, le département plutôt aisé des Hauts-de-Seine, où Emmanuel Macron est nettement en tête avec 37% des suffrages, et, au nord-est, la Seine-Saint-Denis, département le plus pauvre de l'Hexagone, où Jean-Luc Mélenchon frôle les 50% dès le premier tour. Le leader des Insoumis voit son score bondir de 15 points comparé à 2017.

Pour le géographe Jean Rivière, coauteur du livre L'Illusion du vote bobo (Presses universitaires de Rennes), ce phénomène s'explique en grande partie par le discours et le programme du candidat, qui ont trouvé un fort écho dans les banlieues populaires. "Un candidat qui évoque les violences policières, les discriminations raciales et l'augmentation du smic, on peut penser que cela parle aux électeurs de ces territoires", analyse-t-il. Dans le périurbain lointain, en revanche, c'est Marine Le Pen qui arrive en tête dans la majorité des communes de l'est de la Seine-et-Marne, totalisant par exemple 43% des suffrages à Chenoise-Cucharmoy.

Dans le Nord : Mélenchon en tête à Lille, Le Pen dans les petites communes populaires

Le Nord, département le plus peuplé de France, est un fief historique de la gauche qui a vu s'implanter le RN depuis de nombreuses années. Lille est une des grandes villes françaises où Jean-Luc Mélenchon a obtenu ses meilleurs scores, avec 40% des suffrages. Mais son résultat est encore plus élevé à Roubaix, banlieue pauvre au nord-est de Lille, où le leader LFI rassemble 53% des suffrages. Emmanuel Macron est de son côté au plus haut dans les communes de banlieue plus aisées : à Lambersart, où le revenu médian est presque deux fois plus important qu'à Roubaix, le président sortant dépasse les 40%.

Les communes qui se sont tournées vers Marine Le Pen se trouvent quant à elles dans les zones périurbaines ou rurales, comme à Escaudain, où le Rassemblement national atteint 46%. "Marine Le Pen réussit là où les électeurs sont préoccupés à la fois par les questions de pouvoir d'achat et d'immigration. Ce phénomène ressort particulièrement dans les petites villes du Nord avec de forts taux de chômage et une grande part de la population en situation de précarité", analyse le sociologue Hugo Touzet, coauteur de l'ouvrage Votes populaires ! Les bases sociales de la polarisation électorale dans la présidentielle de 2017 (Editions du Croquant).

En Gironde : l'illustration des fractures géographiques de la présidentielle

"La Gironde est emblématique de la nouvelle organisation du territoire", constate le sondeur Jérôme Fourquet, interrogé par le quotidien britannique Financial Times (article payant et en anglais). La ville plutôt aisée de Bordeaux a placé Macron en tête avec plus d'un tiers des voix dès le premier tour. En revanche, toutes les banlieues populaires du Sud et de l'Est, c'est-à-dire comptant plus de 28% de HLM, ont placé Mélenchon en tête. C'est le cas de Cenon, où le député des Bouches-du-Rhône a obtenu 39% des suffrages exprimés.

Jean-Luc Mélenchon réalise en revanche des scores plus faibles lorsqu'on s'éloigne de la ville pour aller dans des territoires périurbains voire ruraux. C'est Marine Le Pen qui arrive alors le plus souvent en tête. Ainsi à Belin-Béliet, commune très touchée par la hausse du prix des carburants, dans laquelle les actifs doivent parcourir de longues distances en voiture pour se rendre à leur travail (80 km aller-retour par jour pour la moitié de la population) : Le Pen y recueille 31% des suffrages et devance de 9 points Emmanuel Macron.

En Loire-Atlantique : Emmanuel Macron, nouveau candidat de la droite

La Loire-Atlantique, à l'image de la majorité de la côte atlantique, est un département où le RN peine à s'implanter. Jean-Luc Mélenchon arrive en tête à Nantes, avec 33% des suffrages, ainsi que dans quelques communes des alentours. Dans la préfecture de la Loire-Atlantique, il améliore son score de 7 points et prend la place d'Emmanuel Macron, qui était arrivé en première position en 2017.

En revanche, dans le reste du département, le président sortant est en tête dans la majorité des communes. Dans une banlieue plutôt aisée, comme Pornichet, il obtient ainsi 38% des suffrages, en hausse de 7 points par rapport à il y a cinq ans. Il est également en tête dans des communes plus rurales, comme à Avessac, où il obtient 30% des voix, gagnant 10 points par rapport à 2017. A l'époque, il était arrivé en quatrième position, avec 20,79% des suffrages, tandis que le candidat LR, François Fillon, était en tête avec 21,59%. "Le vote Macron en 2022 n'est pas positionné comme en 2017. Aujourd'hui, il est le principal candidat de la droite", constate le géographe Jean Rivière.

Dans l'Indre : Le Pen en tête dans les campagnes, Macron dans les villes

L'Indre est un département plutôt rural qui a mis Marine Le Pen en tête avec 29% des suffrages. Ici s'opposent les villes petites et moyennes, qui ont placé Emmanuel Macron 5 points devant Marine Le Pen, et les communes rurales, où la présidente du RN sort en première position avec le même écart. Ainsi, la commune rurale de Saint-Genou est gagnée par Marine Le Pen avec 42% des voix, même si Emmanuel Macron (26%) y améliore son score de 9 points par rapport à il y a cinq ans.

A l'inverse, le président sortant arrive en tête avec 29% des suffrages dans la ville de Châteauroux, devant Jean-Luc Mélenchon (24%), et Marine Le Pen (21%) qui n'est que troisième. "Dans les villes de taille moyenne, il peut y avoir eu un effet d'âge. La part des plus de 65 ans y est plus forte que dans les grandes villes universitaires, plus jeunes. Or Emmanuel Macron réalise ses meilleurs scores dans la part la plus âgée de l'électorat. D'après ce qu'il ressort des enquêtes par sondage, si les plus de 65 ans n'avaient pas voté, le candidat LREM ne serait pas au second tour", observe Jean Rivière.


Méthodologie :

Pour répartir les communes de la France métropolitaine en six catégories de territoires, nous nous sommes appuyés sur trois bases de données de l'Insee : les aires d'attraction des villes, le niveau de densité par commune et la part de HLM.

Grâce à la base des aires d'attraction des villes de l'Insee, nous avons pu identifier les grandes métropoles dont l'aire urbaine dépasse 200 000 habitants, qui sont au nombre de 50. Cette base de données permet également d'identifier la commune-centre, que nous avons appelée grande ville. Les autres communes de ces pôles correspondent aux banlieues. Le périurbain est constitué des communes de la couronne qui entoure ces centres urbains. Parmi les villes de banlieue sont distinguées les communes populaires, qui comptent plus de 28% de logements sociaux.

Les territoires éloignés des grandes métropoles ont également été répartis en deux catégories : d'un côté, les communes qualifiées par l'Insee de "densément peuplées" ou de "densité intermédiaire" que nous avons regroupées sous l'appellation de villes éloignées des grandes métropoles, et, de l'autre, les communes "peu denses" ou "très peu denses", qui constituent les zones rurales.

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