Cet article date de plus de sept ans.

Dans l'espace, en Antarctique, sur une île... Pour eux, voter à la présidentielle est une "expédition"

Un village reculé de La Réunion, une île isolée en Polynésie, des chercheurs en expédition en Antarctique... Franceinfo a interrogé ces courageux électeurs.

Article rédigé par franceinfo - Raphaël Godet
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Le dépouillement dans un bureau de vote de la commune du Port (La Réunion), lors du premier tour de la présidentielle, le 23 avril 2017. (RICHARD BOUHET / AFP)

Loin de tout. A des heures de vol, de bateau ou de train du moindre bureau de vote. Dans certains endroits de France, participer à la présidentielle relève parfois de l'expédition. Et glisser son bulletin dans l'urne demande beaucoup d'efforts. A neuf jours du second tour, tour d'horizon en quatre histoires.

>> Suivez notre direct sur l'entre-deux-tours de la présidentielle

A La Réunion, "quatre heures de marche" pour rejoindre le bureau de vote

Vincent Hoareau s'estime chanceux. Au soir du premier tour, dimanche 23 avril, il a été épargné par les courbatures. "C'est une petite performance vu l'expédition que représente pour nous le fait d'aller voter", explique à franceinfo cet habitant de Marla, un hameau en plein cœur du cirque de Mafate, l'endroit le plus enclavé de l'Ile de La Réunion. Une cinquantaine d'habitants, une école, et quelques gîtes pour loger les touristes, dont le sien, à 1 620 mètres d'altitude.

Aucune route ne dessert la commune. Les seuls moyens de s'y rendre sont l'hélicoptère et les sentiers de randonnée. Les jours de scrutin, les électeurs comme Vincent Hoareau n'ont donc pas d'autre choix que de "marcher, marcher, longtemps, très longtemps" pour aller jusqu'au bureau de vote, situé à plus d'une dizaine de kilomètres de là.

Ici, c'est à la force des mollets qu'on élit le président de la République.

Vincent Hoareau

franceinfo

Quatre heures à l'aller, cinq au retour, neuf au total. Avant de partir, "on vérifie deux fois que tout est bien là, raconte Vincent Hoareau. La bouteille d'eau, la casquette et la carte d'électeur. Je me vois mal faire demi-tour." Pour passer le temps, "on y va en famille ou entre amis, on parle de tout, de foot, de politique." Mais Vincent Hoareau n'est pas du genre à se plaindre. Il rappelle que "c'était bien pire avant" : "Jusqu'en 2014, c'était beaucoup plus loin, il fallait marcher une journée entière pour aller voter."

En Polynésie, des bulletins de vote largués par avion

C'est noté noir sur blanc dans l'agenda de Tuaneinei Narii. Jeudi 4 mai, le maire de Rapa aura de la visite, chose qui n'arrive pas tous les jours sur l'île la plus isolée de Polynésie française. Ce jour-là, un Falcon 200 de la Marine nationale viendra larguer des cartons entiers de bulletins de vote et d'affiches électorales en vue du second tour de la présidentielle, auquel participent ses 426 "courageux électeurs".

"C'est notre seule solution, explique l'élu à franceinfo. On ne dispose d'aucune piste d'aéroport. Il y a bien un bateau, mais il ne passe qu'une fois par mois. Si on le rate, c'est fichu." Une fois la réception faite, le maire devra tout recompter, "feuille par feuille".

S'il manque un colis, c'est le bazar. L'île habitée la plus proche se situe à 500 kilomètres de chez nous. Soit 30 heures de bateau.

Tuaneinei Narii

franceinfo

Pour que tout se passe sans couac, le Haut-Commissariat de la République en Polynésie française incite une partie des habitants à voter par procuration. "Depuis deux mois, les gendarmes font du porte-à-porte pour récupérer les documents", explique à franceinfo Fabrice Bonicel, le directeur de la réglementation et des affaires juridiques.

Dans l'espace, Thomas Pesquet "a fait une procuration"

S'il y en a un qui a décidé de prendre de la hauteur pendant la campagne présidentielle, c'est bien Thomas Pesquet. Mais même à 400 kilomètres au-dessus de la Terre, l'astronaute français n'a pas oublié de faire son devoir de citoyen. "Il avait pensé à tout, précise son frère Baptiste, joint par franceinfo. Avant de monter à bord de la Station spatiale internationale, il avait établi une procuration à Cologne, en Allemagne, où il est domicilié. Il savait qu'il ne serait pas rentré à temps."

Quelques jours avant de décoller, en novembre dernier, Thomas Pesquet avait expliqué en conférence de presse qu'il était "important" pour lui de voter. "Je pense qu'on a la chance d'avoir la possibilité de donner notre opinion (...). Il ne faut pas s'en priver." Les deux frères se sont parlé avant et après le premier tour. "Il a évidemment été question de l'élection. Mais vous ne saurez rien, c'est secret."

En Antarctique, les chercheurs auront les résultats "si internet fonctionne"

Déjà cinq mois qu'ils vivent la tête en bas des cartes. Depuis décembre, 23 Français participent à une expédition en Antarctique. Ils sont logisticiens, scientifiques ou météorologues. Même au bout du monde, le vote reste dans les esprits. "Personne n'a pensé à faire l'aller-retour pour voter dans sa commune d'origine, plaisante Serge Fuster, le chef de district de la base antarctique Dumont d'Urville, joint par franceinfo. Vu la distance et les problèmes de transport, on a été sages, et on a opté pour la procuration."

Niveau ambiance, n'imaginez pas de soirée électorale entre collègues. "On en est très loin, explique Serge Fuster. D'abord, parce qu'il n'y a pas de télé pour suivre les débats, ensuite parce qu'il y a du travail à faire." Sans compter que le décalage horaire ne joue pas en faveur des chercheurs français. "Il y a neuf heures de plus avec Paris. Alors, le dimanche 7 mai sera un jour comme un autre pour nous. On se mettra au lit à 22 heures, et on regardera les résultats le lendemain matin. Si internet fonctionne."

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.