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Municipales : le FN peut-il l'emporter dans le fief de Cahuzac ?

Grisé par ses bons scores à la législative partielle de l'été 2013, le parti de Marine Le Pen veut transformer l'essai à Villeneuve-sur-Lot.

Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le candidat du Front national, Etienne Bousquet-Cassagne, le 17 février 2014 à Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne). (THOMAS BAIETTO / FRANCETV INFO)

Etienne Bousquet-Cassagne le reconnaît volontiers. "C'est plus long et plus fastidieux que l'an dernier", explique le jeune candidat FN, entre deux chips et quelques bouffées de cigarette. Finaliste en 2013 de l'élection législative partielle provoquée par la démission de Jérôme Cahuzac, il a remporté 48,26% des voix à Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne), deux points de plus que sur l'ensemble de la circonscription. Cette année, ce commercial de 24 ans se lance à l'assaut de la mairie du fief de l'ancien ministre.

Alors qu'il était cornaqué il y a quelques mois par l'expérimenté Michel Guiniot, membre du bureau politique du FN, Etienne Bousquet-Cassagne doit maintenant se débrouiller tout seul. Ce lundi 17 février, il présente à la presse ses colistiers dans l'appartement qui lui sert de permanence, un T3 situé au-dessus d'une compagnie d'assurances, où trônent quelques fauteuils et un bureau vide.

Ils sont 35 en tout, mais nous n'en verrons que 18. "Donner son nom, c'est déjà beaucoup", justifie la tête de liste. Manifestement, s'afficher sur une liste FN pose encore problème chez certains. Dans trois communes de la circonscription, le parti ne présentera finalement pas de liste, faute de candidats, comme l'explique La Dépêche.

La première liste FN dans la ville depuis vingt-cinq ans

Alignés en rang d'oignons pendant que leur "capitaine" énumère leurs noms, les présents n'en mènent pas large, visiblement intimidés. A l'exception de quelques anciens militants et d'un transfuge de l'UMP, la plupart n'ont pas d'expérience politique. Et pour cause : la dernière fois que le FN a présenté une liste dans la bastide, c'était en 1989. Etienne Bousquet-Cassagne n'était même pas né.

Le candidat UMP Renaud Leygue, le 18 février 2014 à Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne). (THOMAS BAIETTO / FRANCETV INFO)

Le discours n'est pas encore bien rodé. Un ancien militaire explique qu'"on politise trop les élections municipales, cela doit rester dans un cadre local". ll n'a peut-être pas remarqué le poster de Marine Le Pen qui se trouve juste au-dessus de sa tête. Etienne Bousquet-Cassagne, qui s'affiche aux côtés de la dirigeante frontiste sur ses tracts de campagne, le coupe, pour glisser que les Villeneuvois en colère contre "ce gouvernement d'incompétents" peuvent quand même voter pour sa liste.

"Ce n'est plus mon FN à moi"

Ils ne maîtrisent pas non plus la langue de bois. Lorsqu'on évoque Catherine Martin, candidate investie puis évincée au profit du jeune premier, les colistiers ne peuvent retenir un murmure réprobateur. "Elle a refusé de venir", répond, sibyllin, le candidat. Ce divorce illustre le changement de cap du Front national. Avec Catherine Martin, une commerçante gouailleuse nostalgique de l'Algérie française qui "ne peut plus entendre un youyou", c'est le FN de Jean-Marie Le Pen qui disparaît.

Etienne Bousquet-Cassagne, qui ne sort jamais sans son costume et un discours hyper calibré, offre un visage lisse et présentable, dans la droite ligne de la politique de dédiabolisation voulue par Marine Le Pen. Mais la manœuvre a laissé des traces. "Au marché, des gens m'ont appelée à voix haute, 'Madame Martin, vous avez vu, votre parti, il est comme les autres", raconte la quinquagénaire, touchée par l'épisode. "Ce n'est plus mon FN à moi", lâche-t-elle.

"Le Gascon est râleur mais raisonnable"

Suffisant pour gagner ? Les autres candidats estiment que le FN ne rééditera pas son score de l'an dernier dans cette élection où il faut choisir le chef de la ville, pas l'un des 577 députés du pays. "Il n'y a aucune chance que le FN l'emporte, assure Renaud Leygue, candidat UMP. Il a fait de jolis scores ici, mais c'était après l'accident Cahuzac. Le Gascon est râleur mais raisonnable." "Je connais des gens de droite qui pourraient voter FN mais qui n'imaginent pas un maire de Villeneuve de 24 ans", ajoute le maire sortant, Patrick Cassany (PS).

Le maire sortant, Patrick Cassany, le 19 février 2014 à Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne). (THOMAS BAIETTO / FRANCETV INFO)

Candidat sur la liste socialiste, le conseiller municipal Benoît Dupuy calcule que "si l'on atteint un taux de participation de 60-65% [contre 45,88% et 52,47% en 2013], ce qui est le cas en général, vous verrez que le FN ne pèsera que 14-15%"."Je vais discuter avec mes salariés au café, poursuit ce garagiste de profession. En septembre, il y avait vraiment une volonté de retourner la table et de voter FN pour dire 'on en a plein le cul'. Là, j'ai l'impression que le soufflé est en train de retomber."

Villeneuve-sur-vote

Heureusement pour le FN, les autres partis ne vont pas mieux. Droite et gauche ont relancé cette année la machine à perdre. Cinq, voire six listes sont attendues au premier tour à "Villeneuve-sur-vote", le surnom de la ville où une élection cantonale a vu se présenter 89 candidats en 1995. Une dispersion qui peut profiter au candidat frontiste. Le PS, l'UMP, le Parti de gauche et le FN seront accompagnés de deux listes dissidentes, à gauche et à droite. 

Dans ce qui ressemble fort au match retour des prétendants à la succession de Jérôme Cahuzac, le maire devra affronter la liste sans étiquette de Jean-Paul Caubet et Alain Soubiran, ses anciens colistiers de 2008. "C'est une liste règlements de comptes", dénonce l'édile, qui accuse les deux hommes de vouloir "donner les clés de la mairie au FN", dans La Dépêche"Si revanche il y a, ce sont les Villeneuvois qui la prendront", réplique Jean-Paul Caubet, qui dément toute idée de revanche.

"Tout peut arriver"

A droite aussi, on rejoue un classique du marigot politique local. L'an dernier, l'UMP du Lot-et-Garonne avait voulu se débarrasser de Jean-Louis Costes lors de la législative partielle. Vainqueur de l'élection, ce dernier s'est rasé la moustache depuis, mais il n'a pas oublié. Il soutient aujourd'hui la liste dissidente d'Anne-Marie Davelu-Chavin, ancienne conseillère municipale d'opposition, contre celle de Renaud Leygue, officiellement investi par l'UMP et le MoDem. Chaque camp se renvoie la responsabilité de l'échec des négociations et, en off, les insultes fusent.

Dans ce contexte, difficile de faire un pronostic. Les choses ne seront pas beaucoup plus claires au second tour, puisque trois, voire quatre listes devraient se maintenir. Il suffit en effet de réunir 10% des suffrages exprimés. A gauche comme à droite, les éventuelles alliances de second tour paraissent déjà compromises. Personne non plus n'envisage de s'allier au FN. "Villeneuve sera toujours Villeneuve, philosophe Anne-Marie Davelu-Chavin.Tout peut arriver."

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