Législatives 2024 : on vous explique ce que deviennent les bulletins nuls après une élection

Au lendemain du second tour des élections législatives, le 7 juillet dernier, on a vu fleurir sur les réseaux sociaux de nombreuses publications répertoriant "les meilleurs bulletins nuls" glissés dans les urnes. Ils étaient près de 400 000 pour ce seul scrutin, d'après le ministère de l'Intérieur.

Dessins, photomontages, candidats fantaisistes, messages irrités et même un authentique bulletin de vote de 1958 pour Charles De Gaulle, les citoyens ont comme toujours rivalisé d'inventivité pour exprimer leur choix de... ne pas choisir, justement. Mais après une élection, où vont tous ces bulletins considérés comme "nuls", c'est-à-dire qu'ils ne peuvent pas être pris en compte pour le scrutin ? Franceinfo vous explique. 

Du bureau de vote à la préfecture, de la préfecture aux archives départementales

Le voyage des bulletins nuls commence dans le bureau de vote. Une fois qu'il est fermé aux électeurs, on procède au dépouillement, c'est-à-dire l'ouverture des enveloppes qui contiennent les bulletins et le comptage des voix. C'est à ce moment-là que les bulletins valides, ceux qui peuvent être pris en compte pour le scrutin, sont séparés des bulletins nuls et bulletins blancs.

Les bulletins valides sont envoyés à la mairie où ils seront conservés 15 jours, au cas où il faudrait un recomptage, puis détruits. De leur côté, les bulletins nuls et blancs au contraire sont envoyés le soir-même à la préfecture du département, agrafés à ce qu'on appelle "le procès-verbal" du bureau de vote. C'est un formulaire en plusieurs pages, au format A3, dans lequel le président du bureau consigne toutes les opérations qui ont été réalisées pendant le dépouillement.

Une fois à la préfecture, les bulletins nuls vont être envoyés, avec les procès-verbaux, aux archives départementales. Mais tous ne seront pas conservés, il n'y aurait tout simplement pas la place ! Les bulletins nuls vont donc passer une sorte d'examen, pour évaluer s'ils ont ou non une valeur patrimoniale. Ce sont les archivistes départementaux qui doivent décider, en prenant aussi en compte les moyens humains, financiers et la place à disposition pour les conserver. "L'objectif est de restituer une image fidèle de ce qu'a pu être le scrutin, expliquent les archives départementales du Val-d'Oise. Nous avons une obligation de neutralité. Quand les révolutionnaires ont créé les archives départementales, ils voulaient s'assurer de la transparence de la vie politique vis-à-vis des citoyens. C'est notre objectif."

Les bulletins sont conservés dans des boîtes "chimiquement neutres"

Une fois versés aux archives départementales, les bulletins vont être, comme les autres documents, soigneusement conditionnés. "Pour éviter qu'ils s'abîment, nous conservons les bulletins dans ce qu'on appelle des 'boîtes d'archivages', détaillent les archives départementales du Val-d'Oise. Ces boîtes doivent être chimiquement neutres, c'est-à-dire qu'elles doivent avoir un pH de 7. Si leur pH est trop acide, le papier va s'abîmer. Nous retirons tout ce qui est agrafes ou trombones pour éviter la rouille qui attaque le papier, mais aussi le plastique (élastiques, colles, bandes adhésives) pour éviter toute réaction chimique avec le temps."

Les boîtes d'archives sont elles-mêmes conservées dans des magasins d'archives, des pièces dont la température et l'humidité sont soigneusement contrôlées. Aux archives départementales du Val-d'Oise par exemple, les plus anciens bulletins nuls conservés datent du référendum initié en 1969 par le Général De Gaulle. Et le service conserve même les procès-verbaux d'élection depuis 1945. Un véritable trésor pour les historiens, sociologues et simples citoyens, conservé dans 26 kilomètres linéaires de locaux.

Des bulletins consultables en salle de lecture

Les bulletins sont désormais disponible pour être consultés. Pour cela, il faut se rendre dans la salle de lecture des archives de son département. Mais attention : on n'y accède pas n'importe comment, car les documents sont fragiles et risquent d'être abîmés ! "On ne peut pas entrer dans notre salle de lecture avec un stylo, mais seulement avec un crayon, détaille les archives départementales du Val-d'Oise. Les paires de ciseaux sont interdites tout comme, évidemment, la nourriture ou les boissons." 

La consultation des documents se fait aussi sous surveillance des archivistes, chargés de conseiller et orienter les visiteurs, mais aussi de s'assurer qu'ils n'endommagent pas les documents. Le chercheur Jérémie Moualek, maître de conférences en sociologie à l'université d'Évry Paris-Saclay, a ainsi pu accéder aux bulletins nuls des archives départementales du Val-d'Oise. En 2022, il avait publié les meilleurs sur son compte Twitter, illustrant ainsi l'inventivité et la diversité d'opinions exprimées dans ces bulletins.