Elections européennes : pourquoi la majorité présidentielle a choisi Valérie Hayer, si peu connue du grand public, comme tête de liste

Le nom de la présidente du groupe Renew du Parlement européen s'est imposé après des semaines d'hésitation. Un choix par défaut pour certains, tandis que d'autres louent le sérieux de la future candidate de la majorité.
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
L'eurodéputée Renaissance Valérie Hayer, le 6 février 2024 au Parlement européen de Strasbourg (Bas-Rhin). (RONALD WITTEK / EPA / MAXPPP)

Un "très bon choix" ou une décision "par défaut" ? La majorité présidentielle désigne officiellement, jeudi 29 février, sa tête de liste pour mener la campagne des élections européennes, prévues en France le 9 juin. Alors que la plupart des autres formations ont désigné leur tête de liste depuis plusieurs semaines, le camp présidentiel a finalement choisi l'eurodéputée Valérie Hayer, selon les informations de franceinfo. Elle aura fort à faire pour rattraper le retard de Renaissance, distancé de 5 à 10 points par le Rassemblement national selon les sondages.

Avant de choisir Valérie Hayer, l'Elysée a envisagé plusieurs profils plus connus, comme l'ancien ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian ou l'ancien ministre de l'Agriculture Julien Denormandie. Tous deux ont décliné. Stéphane Séjourné, à la tête du groupe Renew au Parlement européen, un temps pressenti, a été mis hors-jeu à sa nomination au ministère des Affaires étrangères début janvier. C'est finalement l'eurodéputée de 37 ans, douzième de la liste macroniste en 2019, qui s'est imposée. Un choix "par défaut" souffle un conseiller ministériel, qui s'inquiète que la majorité "nomme quelqu'un juste pour se prendre une tôle".

Un profil de "bosseuse" appréciée au Parlement européen

Valérie Hayer a pourtant des atouts, avancent ses soutiens. "C'est une femme, elle est dynamique et jeune", détaille le député Renaissance de la Moselle Ludovic Mendes. Décrite comme "une bosseuse", "qui sait dialoguer avec tout le monde", elle est aussi fille et petite-fille d'agriculteurs, une ascendance jugée utile en pleine crise agricole. Ancienne élue dans la Mayenne, "elle est ancrée dans son territoire, mais dispose aussi d'un gros réseau européen", avance le député Renaissance de la Haute-Savoie Antoine Armand.   

Si son nom ne dira pas grand-chose à la plupart des Français, mais il est bien connu de ses collègues du Parlement européen. Elle a ainsi pris la tête du groupe Renew en janvier, quand Stéphane Séjourné a été nommé au ministère des Affaires étrangères. "Elle connaît très bien ses dossiers, mais aussi ses adversaires, ce qui est très important dans le cadre de la campagne", relève l'eurodéputée Renaissance Laurence Farreng. "C'est tout sauf un choix par défaut. Elle a travaillé pendant cinq ans, c'est ce qui fait la différence avec d'autres candidats", abonde l'eurodéputée Nathalie Loiseau, qui avait mené la campagne en 2019.

Un risque d'affaiblissement "dès le départ"

Certains membres de la majorité s'inquiètent cependant du manque de notoriété de la future candidate. "Être fille d'agriculteurs, c'est un peu court comme argument en sa faveur… C'est son nom qui sera écrit sur les bulletins et elle qui représentera la majorité lors des débats", s'inquiète un conseiller ministériel. "Outre [le candidat du RN] Jordan Bardella, connait-on les noms des autres candidats aux européennes en dehors de notre microcosme ?", s'interroge Ludovic Mendes. "Elle fait très bourge macroniste", lance un autre conseiller de l'exécutif, peu convaincu de la capacité de la tête de liste à aller chercher des voix au-delà des électeurs traditionnels d'Emmanuel Macron. La majorité avait-elle un autre choix ? "Valérie Hayer, c'est le meilleur du pire, elle incarne au moins le fait d'être une députée européenne", cingle, remonté, le conseiller ministériel.

Au-delà de la notoriété de l'eurodéputée, certains macronistes s'inquiètent de ce départ tardif en campagne. "C'est une fille bien sympa qui connaît les sujets, mais tout cela a mis beaucoup trop de temps à accoucher", s'alarme un stratège de la majorité.

"Il y a un risque qu’elle soit affaiblie dès le départ, en mode : 'Ce n'était pas le premier choix'."

Un stratège de la majorité

à franceinfo

Valérie Hayer a encore trois mois pour imprimer sa marque de fabrique. "Elle n'est pas connue du grand public, mais elle va l'être", temporise Nathalie Loiseau qui rappelle qu'elle avait, elle, "été désignée en mars" en 2019.

Elle ne défendra de toute façon pas les couleurs de la majorité seule. Le chef de l'Etat et le Premier ministre Gabriel Attal comptent s'impliquer dans la campagne, promettent les membres de la majorité. "Le Président a déjà commencé à s'impliquer activement, directement, personnellement dans la campagne, souligne ainsi un député Renaissance. Les enjeux – sécurité européenne, cohésion des États membres, protection de nos concitoyens et de nos intérêts agricoles, industriels – sont trop importants."

La future tête de liste a d'ailleurs accompagné Emmanuel Macron au Salon de l'agriculture samedi 24 février. On l'a aperçue, derrière le chef de l'Etat, alors qu'il répondait aux interpellations des agriculteurs. De là à y voir un aperçu de la future organisation de campagne ? "Il y a clairement une forme de sexisme, qui voudrait que lorsqu'une femme est en responsabilité, il y ait forcément quelqu'un derrière elle", répond Nathalie Loiseau, qui rappelle que "les poids lourds de la majorité seront forcément présents lors de la campagne".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.