Présidentielle 2022 : quatre questions sur le vote par correspondance, présenté par certains comme une solution à la montée de l'abstention
La proposition de loi est de nouveau sur la table des députés en Commission des lois à l'Assemblée nationale mercredi.
Souvenez-vous : dimanche 20 juin 2021, date du premier tour des élections régionales et départementales, les urnes sont boudées par 66,6% des Françaises et des Français, jusqu’à 87 % d'abstention chez les 18-24 ans, selon le ministère de l'Intérieur. Un record : jamais on n'avait connu une telle abstention dans le pays. À l'époque, des voix s'élèvent pour remettre la piste du vote par correspondance sur la table. Selon un sondage Odoxa-Backbone consulting pour Le Figaro et franceinfo diffusé quatre jours après le premier tour, la mise en place du vote par Internet est approuvée par 78% des Français interrogés et par 80 % des personnes qui se sont abstenues dimanche 20 juin.
Aujourd'hui, le vote par correspondance se retrouve une nouvelle fois au centre des discussions, mercredi 26 janvier. La proposition de loi visant à rétablir le vote par correspondance, défendue par le député MoDem de la Savoie Patrick Mignola, et le député des Yvelines Jean-Noël Barrot, est renvoyée en Commission des lois. franceinfo fait le point.
1Où en est-on sur la question ?
Supprimé en 1975 en France, la proposition de loi du MoDem vise à rétablir cette possibilité de vote par correspondance. "Indispensable", assure le rapporteur de la proposition de loi Jean-Noël Barrot "alors que le pays traverse une crise sanitaire sans précédent dont personne n'est capable, aujourd'hui, d'en déterminer la durée." La proposition de loi prévoit de permettre aux électeurs de voter "soit sous pli fermé, soit par voie électronique au moyen de matériels et de logiciels permettant de respecter le secret du vote et la sincérité du scrutin." Le vote par correspondance est "un outil démocratique efficace pour combattre l'abstention", assurent ses défenseurs. Pas moins de 45 députés co-signent la proposition de loi. Actuellement, seuls les Français résidants à l'étranger peuvent voter par internet aux élections législatives et pour les conseillers des Français de l'étranger.
Le 18 février 2021, le gouvernement souhaitait moderniser le scrutin, déposant un amendement sur le vote par anticipation pour l'élection présidentielle par le biais de machines à voter. Un dispositif "très innovant" défendu par la ministre déléguée chargée de la Citoyenneté Marlène Schiappa dans l'hémicycle, qui permet avant tout de lutter contre l'abstention grandissante. "L'électeur pourra voter dans une commune de son choix, jusqu'à une semaine avant le scrutin" avançait-elle, avec "une machine par département". Les machines à voter seront ensuite "verrouillées, mises sous clef, avec un 'dépouillement' le dimanche". Mais cet amendement a été largement rejeté par le Sénat par 321 voix contre 23.
Et le vote par correspondance ne semble pas être une piste explorée par le gouvernement pour l'élection présidentielle. Le 11 janvier, Jean Castex a lancé une instance de dialogue avec les partis politiques et les candidats. Dans ce cadre, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a sollicité dans le même temps le Conseil constitutionnel. Ce dernier précise : "Non, il n'est pas possible de voter pour l'élection du président de la République par internet. En effet, aucune disposition législative ne prévoit ce mode de vote pour l'élection présidentielle", sur son site internet Présidentielle 2022 en ligne depuis le mardi 25 janvier.
2Qui défend le texte ?
Dans la foulée des élections régionales et départementales, Richard Ferrand, président de l'Assemblée nationale, avait lancé une mission d'information, dirigée par le député LREM Stéphane Travert et le député LR Xavier Breton, pour lutter contre la faible participation des Français aux élections. Parmi les 28 préconisations de la mission, dévoilées le 8 décembre dernier, figure l'expérimentation du vote par correspondance et du vote par internet "lors de prochaines élections locales ou de référendums d'initiative locale, dans les communes volontaires." La mission suggère d'"expérimenter de manière territorialisée le vote par anticipation". Enfin, les députés veulent "poursuivre le développement des systèmes permettant, à terme, d'envisager le vote en ligne pour des élections nationales, ainsi que des capacités de cyberdéfense."
Le débat avait déjà été bien entamé lors des élections municipales de 2020. À l'époque, Rachida Dati, alors candidate Les Républicains à la mairie de Paris, plaidait pour "le rétablissement du vote par correspondance".
Quelques mois plus tard, François Bayrou poussait, en novembre 2020, à mettre en place le vote par correspondance en place pour les élections départementales et régionales. "Ce qui est certain, c'est que le débat doit avoir lieu", convenait de son côté, mercredi 10 novembre 2020 sur franceinfo, Olivier Becht, le président du groupe Agir à l'Assemblée. Aussi, une autre proposition de loi a été déposée en ce sens en septembre dernier par la députée PS de Saône-et-Loire Cécile Untermaier.
3Qui retoque la proposition ?
Si le gouvernement semble sceptique, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin lui se dit "opposé" à cette proposition. D'autres élus fustigent, également, le vote par correspondance. Principale raison invoquée : les fraudes que ce système permettrait. Florian Philippot, actuel dirigeant des Patriotes et candidat à l'élection présidentielle, est vent debout contre la proposition et défend des "opérations de vote totalement normales, sans Pass, sans vote par correspondance". Le sénateur RN des Bouches-du-Rhône Stéphane Ravier se prononçait lui aussi pour l'interdiction du vote par correspondance, le 16 janvier dernier, lors d'une intervention au Sénat.
Nous sommes inquiets pour le bon déroulement des élections. Il faut donc garantir l'accès de chacun aux bureaux de vote en y excluant l'exercice du #PassVaccinal et interdire le vote par correspondance. pic.twitter.com/8eKTPm5DKp
— Stéphane Ravier (@Stephane_Ravier) January 16, 2022
De son côté, Maud Bregeon, porte-parole de La République en Marche, estimait, le 10 janvier dernier, que "se déplacer, aller dans un isoloir, permet de voter en pleine conscience sans subir de pression de ses proches ou de sa communauté (...) Je considère qu'on n'élit pas un président de la République comme on vote pour Miss France."
Vote par correspondance : « Le vote est d'abord quelque chose de solennel (..) Et se déplacer, aller dans un isoloir, permet de voter en pleine conscience sans subir de pression de ses proches ou de sa communauté » estime @MaudBregeon, porte-parole #LREM #SensPublic @mediathom pic.twitter.com/SWVmDFZBjF
— Public Sénat (@publicsenat) January 10, 2022
4Est-ce que des dispositifs existent ailleurs ?
"L'exemple américain nous incite à nous retrousser les manches", déclarait Jean-Noël Barrot à l'Assemblée nationale en novembre dernier. Selon le rapporteur de la proposition de loi, la présidentielle de 2020 aux États-Unis est un exemple à suivre. Au total, plus de 100 millions d'électeurs américains ont voté par anticipation, un record. Mais le vote par correspondance a été pendant des mois la cible des attaques de Donald Trump, qualifié de "système corrompu" par l'ex-président. il avait relayé sur Twitter des informations infondées selon lesquelles un système électoral, appelé Dominion, avait "effacé" 2,7 millions de votes en sa faveur à travers le pays et en avait réattribué des centaines de milliers à son rival démocrate Joe Biden en Pennsylvanie et dans d'autres États. "L'élection du 3 novembre a été la plus sûre de l'histoire des États-Unis", ont répondu les autorités locales et nationales en charge de la sécurité du scrutin.
En Allemagne, le vote postal existe depuis 1957, "où il a été instauré afin de faciliter le vote des personnes âgées ou handicapées", argumentent les rapporteurs de la loi. Lors des élections fédérales de 2017, 28,6 % des votes ont été exprimés par voie postale.
En Suisse, chaque électeur est libre de se rendre aux urnes ou de voter par correspondance. Dix cantons proposaient même le vote électronique, mais il n'est plus possible de le faire depuis l'été 2019. De son côté, l'Estonie l'a instauré en 2005. La Norvège l'a expérimenté , avant d'y renoncer en 2014 car des électeurs ont pu voter deux fois.
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