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Le député LR Marc Le Fur a-t-il bénéficié d'un traitement de faveur de la SNCF pour quitter un train accidenté avant les passagers ?

Le député Marc Le Fur se trouvait à bord d'un TGV arrêté en pleine voie après avoir percuté une voiture à un passage à niveau, dans les Côtes-d'Armor. L'élu a pu descendre du train, alors que les autres passagers ont dû rester dans les voitures.

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Un TGV arrêté en pleine voie, après une collision mortelle avec une voiture à un passage à niveau près de Noyal (Côtes-d'Armor), le 25 octobre 2019. (MAXPPP)

Vendredi 25 octobre, autour de 14h50, un TGV reliant Brest à Paris percute une voiture à un passage à niveau, près de Lamballe, dans les Côtes-d'Armor. La violence du choc est telle que le véhicule s'encastre sous la motrice, qui s'immobilise une centaine de mètres plus loin. La collision provoque la mort de l'automobiliste, un septuagénaire. À bord du train, personne n'est blessé. Les quelque 500 passagers doivent seulement patienter dans la rame, arrêtée en pleine voie. Plus de trois heures après l'accident, le train est autorisé à repartir, à vitesse réduite, pour Rennes. Les voyageurs à destination de Paris sont transférés dans un autre TGV, comme le relate France 3 Bretagne.

Un des occupants a toutefois pu quitter le TGV arrêté en pleine voie, selon les informations du quotidien Ouest-France, dont franceinfo a obtenu confirmation. Il s'agit du député Les Républicains et vice-président de l'Assemblée nationale, Marc Le Fur. La SNCF réserve-t-elle un traitement de faveur aux personnalités en cas d'incident ? Le parlementaire, les syndicats et l'entreprise ne fournissent pas la même version des faits.

Un député sorti par la porte de la locomotive

Marc Le Fur explique à Ouest-France avoir demandé aux agents s'il pouvait quitter le TGV. Il précise que, ces derniers n'ayant reçu aucune consigne en ce sens, il a pris l'initiative de descendre du train par ses propres moyens. Vice-président de l'Assemblée nationale, il fait valoir qu'il était attendu à Paris pour présider la séance dans l'hémicycle.

J’ai demandé à sortir du train, car j’avais une obligation. Je devais présider l’Assemblée. J'ai questionné des agents pour savoir si une sortie était organisée. Ils attendaient des instructions. La porte de la locomotive avant était ouverte, je suis descendu. Il y avait plein de monde qui entrait par là : des contrôleurs, des agents, des pompiers…

Marc Le Fur, député LR des Côtes-d'Armor

à "Ouest-France"

"Ce n'était pas une exigence de député, c'était un vice-président de l'Assemblée nationale, conscient de ses responsabilités, argumente l'entourage du député, joint par franceinfo. Il devait être au perchoir à 17h30. Il se posait la question de savoir si l'Assemblée n'allait pas s'arrêter s'il n'était pas présent à temps. Il a pu être exfiltré pour cette raison."

L'entourage de Marc Le Fur insiste sur un dernier point : "Il n'est pas sorti tout seul du train. Il a prévenu les autorités, qui sont venues le chercher." Le député a finalement gagné Paris en voiture, mais il n'est arrivé à l'Assemblée que pour la fin de la séance, à 21h30. C'est un autre vice-président qui a occupé le perchoir, le député LREM de Paris, Hugues Renson, comme on peut le voir sur les vidéos de la séance de ce jour-là.

La SNCF et les gendarmes ne sont pas intervenus

Interrogée par Ouest-France, la SNCF argue que le député, compte tenu de son statut de "personnalité", a pu bénéficier d'"une procédure spécifique interne". La compagnie précise à franceinfo que cette disposition "peut s'appliquer à certaines personnes ayant des contraintes liées à leurs métiers". Sans autre précision.

La préfecture des Côtes-d'Armor déclare à franceinfo avoir connaissance d'"une procédure habituelle à la SNCF, en cas d'incident". "Un agent passe dans les wagons pour répertorier les cas particuliers nécessitant une réponse spécifique", explique-t-elle. Elle ajoute toutefois que le confinement des voyageurs dans le train a été décidé par la SNCF, qu'elle n'a "pas été mise dans la boucle" et qu'elle "n'est pas intervenue" en faveur du député. Quant au groupement de gendarmerie des Côtes-d'Armor, il indique à franceinfo que si des gendarmes étaient bien présents en nombre sur le lieu de la collision, ils ne sont pas intervenus non plus pour escorter le parlementaire.

Des mesures de sécurité standardisées

Les représentants syndicaux interrogés par franceinfo ne confirme l'existence de cette "procédure" pour "personnalités" et que les mesures de sécurité sont au contraire standardisées. "Il n'existe aucune procédure d'évacuation de personnes VIP", assure Alain Cherbit, secrétaire régional d'Unsa Ferroviaire en Bretagne. "Les contrôleurs sont formés au transbordement, une procédure qui concerne tous les voyageurs et non un seul", détaille-t-il.

Les agents "le mettent en œuvre si le train connaît un arrêt prolongé et quand ils ont en reçu l'ordre du DRO [directeur des opérations]. Il s'agit de mettre les gens en sécurité, soit sur un quai si on a pu remorquer les rames, soit en faisant venir un autre TGV", explique encore Alain Cherbit. "Ça arrive de temps en temps, ce sont les aléas des transports." Le transbordement peut aussi concerner un seul voyageur, une femme enceinte ou un passager faisant un malaise, par exemple, expliquent les syndicalistes.

Il n'y a pas de traitement spécifique pour les VIP, ça n'existe pas dans le règlement. La procédure de sécurité est la même pour tout le monde.

Maryse Thaëron, CGT Cheminots Bretagne

à franceinfo

"Quand vous procédez au transbordement d'usagers, il y a des règles à respecter", poursuit Maryse Thaëron, membre du secrétariat de secteur de la CGT Cheminots en Bretagne. "Cela se fait avec l'accord du conducteur et du contrôleur, qui doit demander l'autorisation au centre opérationnel. Le personnel à bord du train ne peut rien faire de son propre chef."

Le député aurait "mis la pression"

La syndicaliste renchérit : "Vous ne pouvez pas descendre n'importe comment d'un train arrêté en pleine voie. Cela peut être dangereux : d'autres trains peuvent circuler sur l'autre voie et le ballast est à plus d'un mètre sous les marche-pieds." Elle insiste : "On ne profite pas de l'ouverture de la cabine de conduite pour descendre."

Le passage à niveau auquel un TGV a percuté une voiture près de Noyal (Côtes-d'Armor), le 25 octobre 2019. (MAXPPP)

"Il faut être sûr que toute circulation est arrêtée et les voyageurs doivent être accompagnés par un agent, avec un équipement de protection individuel", abonde Fabrice Cloastre, représentant Sud-Rail en Bretagne. Or, poursuit-il, "cela ne s'est pas du tout passé comme ça". Et le syndicaliste d'accuser : "Le député est passé par la cabine, sans le dire au contrôleur et sans protection. Le conducteur l'a vu descendre sans demander d'autorisation, sans respecter les mesures de sécurité."

"J'ai pu parler au contrôleur qui était sur place, relate Alain Cherbit. Marc Le Fur a mis la pression, il a fait jouer son rôle de député, a expliqué qu'il était vice-président de l'Assemblée nationale et qu'il devait la présider le soir-même. Mais je pense que parmi les 500 personnes qui étaient dans le train, beaucoup avaient aussi des obligations professionnelles." L'entourage de Marc Le Fur dément toute pression, mais concède que la situation "a pu générer un stress" chez le parlementaire. Les représentants bretons de la CGT et de Sud-Rail indiquent que l'incident avec l'élu a fait l'objet de rapports internes des agents impliqués.

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