"La SNCF nous a trahis" : Mohamed Lainouni est un des "Chibanis" discriminés par la compagnie ferroviaire
Embauchés par la SNCF dans les années 1970, les cheminots maghrébins poursuivaient la compagnie ferroviaire pour discrimination depuis une dizaine d’années. Ils ont finalement obtenu gain de cause. Mohamed Lainouni était l’un d’entre eux. Il raconte.
Après douze ans de procédure, les 848 "Chibanis" ont obtenu gain de cause. Le 31 janvier dernier, la Société nationale des chemins de fer (SNCF) a été condamnée par la cour d’appel de Paris pour discrimination envers ces cheminots, des travailleurs maghrébins venus en France pendant les Trente Glorieuses. Embauchés comme contractuels par la compagnie ferroviaire française entre 1970 et 1983, ils n’ont pas bénéficié du même statut ni de la même retraite que les cheminots de nationalité française. Mohamed Lainouni, 67 ans, est un de ces Chibanis (cheveux blancs en arabe).
Mêmes responsabilités, avantages différents
Né au Maroc, il est arrivé en France a 22 ans. "La SNCF avait besoin de monde, de main d’œuvre. Ils sont venus nous chercher. On a été réunis par l’Office de l’Immigration pour faire les visites médicales donc on était aptes. On est venus en groupe, je crois qu’on était 90 personnes." se remémore-t-il. Installés à Trappes, "certains sont partis en voie, il y en a qui sont partis au triage, ils ont choisi les services." explique-t-il.
Il se rappelle avoir signé un contrat avec la SNCF qui stipulait qu’ils avaient "les mêmes avantages, comme c’est indiqué sur la rémunération du contrat, travail égal et avantages et les responsabilités, c’est égal, comme pour un Français." Mais dans les faits, les Chibanis ont constaté un traitement différent. Pour Mohamed Lainouni, qui a travaillé pendant 43 ans à la SNCF, c’est de la trahison : "On s’est rendus compte qu’on avait été discriminés, ça veut dire que la SNCF nous a trahis. Nous, on fait le même travail, la même fonction, on a les mêmes responsabilités et à la fin, du point de vue des avantages, de l’avancement, du déroulement de carrière, des retraites… on est différents par rapport aux cadres permanents."
On ne l’a pas volée la SNCF, c’est notre argent.
Mohamed Lainouni
La compagnie ferroviaire française doit désormais verser à ces cheminots des indemnisations allant de 100 000 à 400 000€ par personne. Pour Mohamed Lainouni, ce n’est que justice : "On ne l’a pas volée la SNCF, c’est notre argent. En plus, moi, je trouve que ce n’est pas beaucoup. Il y a eu de la justice en France quand même. Ils ont bien vu qu’on avait été discriminés, ils ont bien étudié le dossier."
Un dernier recours est possible pour la compagnie ferroviaire française : le pourvoi en cassation. Ce qui ne fait toutefois pas peur au retraité : "On attend, s’ils veulent y aller on est prêts, il n’y a pas de problème. Mais c’est eux qui choisissent."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.