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Périphérique à 50 km/h à Paris : trois questions sur cette mesure voulue par la maire Anne Hidalgo mais rejetée par le gouvernement

Le ministre des Transports a indiqué jeudi sur franceinfo qu’il ne validerait pas la décision de la maire de Paris.
Article rédigé par Camille Laurent
Radio France
Publié
Temps de lecture : 8min
La vitesse sur le périphérique parisien est actuellement limitée à 70 km/h. (THOMAS SAMSON / AFP)

Le bras de fer est lancé entre l’État et la mairie de Paris sur la réduction, ou non, de la vitesse maximale sur le périphérique parisien. "Nous ne validerons pas la décision du périphérique à 50 km/h à la fin de l'année 2024", a déclaré jeudi 7 décembre sur franceinfo Clément Beaune, le ministre des Transports. La maire de Paris, Anne Hidalgo, souhaite elle abaisser la limite de vitesse avec un triple objectif : réduire les nuisances sonores, diminuer la pollution pour les riverains ainsi que baisser le nombre d’accidents. Franceinfo revient sur cet enjeu de la vitesse maximale sur cet axe de 35 km, emprunté par plus d’un million de véhicules chaque jour.

1Pourquoi la ville de Paris veut baisser la vitesse maximale sur le périphérique parisien ?

Dans le cadre de son nouveau Plan climat, Anne Hidalgo souhaite réduire la limite de vitesse de 70 à 50 km/h sur le périphérique parisien, après les JO de Paris, le 14 septembre 2024. "Cet abaissement de la vitesse est recommandé pour des motifs de sécurité. Cela permettra de limiter le bruit pour les 500 000 riverains du périphérique et induira une baisse de la pollution atmosphérique", détaille la mairie. "Comment accepter que des gamins qui vivent à proximité des autoroutes urbaines que sont les périphériques suffoquent à coups de crise d'asthme, en particulier dans les quartiers populaires dans Paris ?", argumente Dan Lert, adjoint à la mairie de Paris en charge de la transition écologique.

De son côté, Clément Beaune indique que "ce n'est pas une bonne idée à court terme". Le ministre des Transport se dit tout de même "ouvert" à une voie réservée sur le périphérique, comme le propose également la maire de Paris dans son Plan climat. L'idée est de pérenniser la voie réservée au covoiturage et aux transports collectifs qui doit être instaurée pendant les Jeux olympiques et paralympiques. Selon Clément Beaune, "si vous faites en même temps la voie réservée et le périphérique à 50 km/h, vous allez rendre les gens fous". Le Plan climat 2024-2030 doit encore être présenté au Conseil de Paris en décembre 2023, puis soumis au vote des élus courant 2024. 

2Entre la ville et l’État, qui décide, qui valide ?

Le périphérique parisien a un statut particulier. L’axe est une voie communale, dont la gestion, l’entretien et l’exploitation sont du ressort de la capitale. Ce qui fait dire à David Belliard, adjoint aux mobilités : "Notre analyse est que la Ville peut juridiquement prendre cette décision" réglementant la vitesse sur une voie communale. Une prérogative contestée notamment par Valérie Pécresse, présidente (LR) de l'Ile-de-France. Lors de la campagne des régionales, en 2021, elle demandait que la région récupère la gestion du périphérique.

Mais le périphérique est aussi un "axe essentiel à la sécurité" de la capitale. D’après l’article L.2512-14 du Code général des collectivités territoriales, le préfet de police doit être obligatoirement consulté avant toute transformation. L’arbitrage final revient donc à l’État. Lors de la précédente baisse de la limite de vitesse sur le périphérique de 80 à 70 km/h en 2014, à la demande du maire PS de l'époque, Bertrand Delanoë, c’est le Premier ministre Manuel Valls, lui aussi au PS à l'époque, qui avait tranché. La mairie de Paris est consciente que le mot de la fin revient à l’État. Elle écrit même sur son site qu’elle souhaite mettre en place ses mesures, "sous réserve d’un accord avec l’État".

Clément Beaune s’y oppose, donc, mais la municipalité ne compte pas lâcher. "Je vous confirme que nous baisserons la vitesse", persiste le premier adjoint Emmanuel Grégoire lors d'une conférence de presse, jeudi. Il souligne qu'un maire "peut, dans le cadre de ses pouvoirs de police, diminuer la vitesse au motif de la sécurité ou de l'environnement". "Notre analyse, c'est que l'on peut baisser la vitesse pour des enjeux environnementaux comme on le souhaite", ajoute l'adjoint d'Anne Hidalgo. "Le seul segment" du périphérique sur lequel le gouvernement "peut décider de la vitesse, précise-t-il, c'est autour de Balard", où se trouve le ministère de la Défense, par nature sensible.

Pour la mairie de Paris, la position de Clément Beaune est une "posture politicienne". Car même si le gouvernement met son veto, "qu'il nous précise comment il compte le faire", dit encore Emmanuel Grégoire. La mairie de Paris indique être prête à aller devant la justice administrative pour défendre que le périphérique est une voie communale où il est donc normal de rouler à 50 km/heure.

Mais nul ne sait, à ce stade, qui de la mairie de Paris ou de l'exécutif sortirait vainqueur de ce bras de fer juridique. Le ministre des Transports a en tout cas appelé à la concertation. "Le périphérique est géré par la ville de Paris mais est utilisé aux trois quarts par les Franciliens, les banlieusards. La moindre des choses, c'est de décider avec la région, avec les départements", a souligné Clément Beaune.

3Les baisses de vitesse améliorent-elles les choses ?

En 50 ans d’existence du périphérique, la vitesse maximale est passée de 90 km/h en 1973, à 80 km/h en 1993 et à 70 km/h actuellement. On circule en moyenne à 38,9 km/h sur le périphérique et le parcours moyen d'un véhicule y est de 7,5 kilomètres, d’après la Mairie de Paris. Elle indique aussi que, depuis l'abaissement de la vitesse à 70 km/h en 2014, il était constaté dès l'année suivante une baisse du nombre d'accidents de 13,2% et une légère baisse du bruit routier (-0,6 db en moyenne et -1,2 db la nuit).

Selon Bruitparif, l’observatoire du bruit en Île-de-France, la limitation à 50km/h permettrait de réduire le bruit de 2 à 3 décibels pendant la nuit, au moment où les voitures roulent le plus vite. La journée, en revanche, l’impact serait seulement de 0,5 à 1 décibel.

Concernant la pollution, le passage de 80 à 70 km/h sur le périphérique en 2014, combiné à l’arrivée des voitures électriques sur le marché, avait permis d’améliorer la qualité de l’air. “En 10 ans, le dioxyde d’azote a été réduit de 40% et la pollution aux particules fines a baissé de 20% dans la capitale”, explique Antoine Trouche, ingénieur chez Airparif, organisme en chargé d’évaluer la qualité de l’air en Île-de-France.

Mais limiter la vitesse sur l’anneau routier ne réduit pas forcément la pollution environnementale, souligne Airparif. "Pour qu’il y ait un impact, il faudrait que cette limitation permette, d’une part, de réduire les embouteillages, et d’autre part qu’elle incite les automobilistes à réduire leurs déplacements”, ajoute Antoine Trouche. Près de 40 000 Franciliens vivent dans une zone dépassant les seuils de dangerosité, rappelle Airparif.

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