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Quel rôle va jouer "la convention citoyenne sur l'écologie" annoncée par Emmanuel Macron dans la transition énergétique ?

Un "Conseil de la participation citoyenne" constitué de 150 Français tirés au sort va être créé. Sa première mission sera de se pencher sur la transition énergétique sur laquelle travaillent déjà une soixantaine de comités d'experts.

Article rédigé par Marion Bothorel
France Télévisions
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Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse, jeudi 25 avril 2019.  (LUDOVIC MARIN / AFP)

Le comité de l'environnement polaire, la commission des téléphériques ou le Conseil national de l'air... En France, une soixantaine de comités sont actuellement chargés par le gouvernement de travailler sur la transition énergétique. Et il devrait y en avoir bientôt un nouveau. Lors de sa réponse à la crise des "gilets jaunes", jeudi 25 avril, Emmanuel Macron a évoqué la création d'un "Conseil de la participation citoyenne" dont la première mission sera... la transition écologique. 

Cette convention de 150 citoyens tirés au sort sera chargée, "dès le mois de juin", de "redessiner toutes les mesures concrètes d'aide aux citoyens sur la transition climatique dans le domaine des transports, de la rénovation des logements", a détaillé le président. Mais avec "le Conseil de défense écologique", également annoncé par le chef d'Etat, cette "convention citoyenne" est une nouvelle couche qui vient s'ajouter à un millefeuille institutionnel déjà bien complexe à saisir. 

"On se perd un peu" entre toutes ces instances

"C'est intéressant, mais on ne sait pas où ça va se situer par rapport à d'autres comités qui existent déjà et qui ont des missions préétablies", résume Pascale Braconnot, l'une des membres du comité d'experts de la transition énergétique, créé en 2015. Un comité composé de huit experts, mais qui ne se réunit plus... Il doit être remplacé prochainement par un Haut Conseil pour le climat, comme annoncé en novembre. Ce dernier sera composé de onze experts, choisis pour leurs compétences sur l'écologie.

S'il reconnaît que l'on "se perd un peu" entre toutes ces instances, l'économiste Patrick Criqui, membre du comité d'experts sur la transition écologique, pointe surtout de "gros problème de moyens" qui limite leur travail. Le directeur de recherche au CNRS siège également au Conseil économique pour le développement durable. Depuis 2007, cette instance a pour ambition de proposer des "éléments d'analyse pour améliorer les politiques publiques", résume Patrick Criqui. 

"Tester le niveau d'acceptabilité d'une réforme"

Alors, le Conseil de la participation citoyenne servira-t-il vraiment à quelque chose ? Aux yeux de certains chercheurs, mobiliser les citoyens sur la transition écologique constitue une piste intéressante. "C'est important de ressentir le pouls des citoyens, de voir dans quel contexte nos recommandations seront annoncées, expose Corinne Le Quéré, présidente du Haut Conseil pour le climat. Il est très important que les citoyens soient impliqués dans les réponses au changement climatique."  D'autant que la fiscalité écologique a alimenté une bonne part des contributions au grand débat national, en réponse à la mobilisation des "gilets jaunes". 

Selon Patrick Criqui, l'instauration de cette "convention citoyenne" pourrait donc apporter une réponse à ce mécontentement. "C'est un schéma de démocratie délibérative qui permet de tester, auprès d'un panel de citoyens, le niveau d'acceptabilité d'une réforme, estime-t-il. Est-ce qu'on abandonne totalement l'augmentation de la taxe carbone ? Ou est-ce qu'on la réintroduit ? Et sous quelle forme ?" Voilà autant de questions sur lesquelles les citoyens choisis pourraient être amenés à répondre, selon lui. 

Pour Pascale Braconnot, du comité d'experts de la transition écologique, cette nouvelle convention risque toutefois de retarder la réaction de la France face à l'urgence climatique. "On prend des mesures, mais on ne va pas assez loin et pas assez vite. On va encore prendre du retard sur la mise en application de solutions concrètes pour le réchauffement climatique", souligne la spécialiste de la modélisation du climat et de la paléoclimatologie. La faute au temps de mise en place, mais aussi au fait que ce nouveau comité ne donnera que des avis consultatifs. 

La réforme du CESE comme solution ?

Se pose aussi la question des moyens qui y seront alloués. Pour réduire le coût, Emmanuel macron envisage de s'appuyer sur une institution déjà en place : le Conseil économique, social et environnemental (CESE). Cette assemblée consultative conseille le gouvernement et le Parlement sur la préparation des lois et les orientations des politiques publiques. La réforme de cette instance, qui comprend 233 membres permanents désignés par la société civile, était déjà lancée avant l'annonce d'Emmanuel Macron. Ses moyens devraient être renforcés et ses ambitions étendues. Le CESE peut "être l'endroit où on rationalise ces comités, où ils peuvent nous alimenter dans notre réflexion et porter une parole qui soit ainsi plus unique", projette son président, Patrick Bernasconi, contacté par franceinfo.

En plus des avis proposés par cette assemblée citoyenne, le gouvernement pourra s'appuyer sur ceux du Haut Conseil pour le climat afin d'arbitrer des décisions relatives à l'écologie. Enfin, le Conseil de défense écologique – qui devrait réunir le Premier ministre et les grands opérateurs de l'Etat – permettra de trancher ces grandes orientations stratégiques. Une multiplicité des avis qui satisfait Corinne Le Quéré : "Il faut que ça engage tout le monde et que ça remonte au plus haut niveau. Il y a plein de blocages et de choses qui ne fonctionnent pas, alors qu'on est dans une stagnation du niveau des émissions [de gaz à effet de serre]", synthétise la présidente du Haut Conseil pour le climat. Il faut essayer d'enclencher des instruments nouveaux. Là, au moins on fait quelque chose."

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