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"Je remercie les 'gilets jaunes' de nous réunir ce soir" : on a assisté à la première consultation du grand débat national

A Saint-Germain-au-Mont-d'Or, dans le Rhône, une centaine d'habitants se sont retrouvés mercredi, à l'initiative du maire LREM, pour échanger librement.

Article rédigé par Robin Prudent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Un débat à Saint-Germain-au-Mont-d'Or (Rhône), le 16 janvier 2019. (ROBIN PRUDENT / FRANCEINFO)

Une salle de sport, des chaises en plastique, des stylos et un buffet avec biscuits apéritifs et des boissons sans alcool. Voilà tout ce qu'il fallait à la mairie de Saint-Germain-au-Mont-d'Or pour organiser une première consultation citoyenne. Mercredi 16 janvier, Renaud George, le maire LREM de cette petite ville située à 20 km au nord de Lyon, était l'un des premiers élus, en France, à se lancer dans le grand débat national voulu par Emmanuel Macron pour répondre à la crise des "gilets jaunes". "Je ne fixe aucun axe, je veux que les gens s'expriment librement", a-t-il expliqué en introduction, devant la centaine d'habitants présents.

Dans la salle, un seul "gilet jaune" est visible. Un homme a décidé de le porter, "pour exprimer sa colère", justifie-t-il. Mais la foule ressemble plutôt à celle que l'on peut apercevoir les soirs de grands conseils municipaux, avec des habitants engagés dans la vie de la commune et de nombreux retraités. Le maire a pourtant, la semaine précédente, fait le tour des ronds-points de Genay et Villefranche-sur-Saône. Il a même revu son organisation pour les convaincre. "J'avais mis en place un système d'inscription, mais plusieurs 'gilets jaunes' m'ont dit que s'il fallait mettre son nom et son prénom, ils ne viendraient pas, alors j'ai tout arrêté", justifie l'élu à franceinfo.


Avec quelques minutes de retard sur l'horaire prévu, le débat commence. Le maire explique les règles du jeu au centre de cette assemblée réunie en cercle. "Chacun pourra prendre la parole à son tour, mais je devrais limiter les interventions à une ou deux minutes pour que tout le monde puisse parler", explique l'élu, au micro. Pas de grand thème prédéfini ce soir-là, comme annoncé dans la lettre d'Emmanuel Macron. Et le maire a souhaité ne pas se limiter aux quatre grandes thématiques annoncées par l'exécutif – transition écologique, fiscalité et dépenses publiques, démocratie et citoyenneté, organisation des services publics – parce qu'il "manque le pouvoir d'achat".

"Vous perdez votre temps !"

La parole est donc libre. Le micro passe de main en main entre les habitants qui exposent, chacun à leur tour, la problématique qui leur tient le plus à cœur : dérive du néo-libéralisme, avantages des députés et des sénateurs, salaire de Chantal Jouanno, la présidente de la Commission nationale du débat public, aides sociales... Plusieurs intervenants saluent "la qualité des débats". L'assemblée prend parfois des airs de Nuit debout (mais assise), avec envolées politiques ou économiques.

Après quelques dizaines de minutes de débat policé, lors duquel plusieurs participants vantent les qualités du "système français" par rapport aux autres pays, un homme finit par se lever, remettre son bonnet et partir. "On s'en fout des autres. Je m'en vais. Vous perdez votre temps !" lance-t-il, passablement énervé par la tournure des débats. Un autre intervenant exprime aussi son embarras, un peu plus tard la soirée. "Le malaise que j'ai ce soir, c'est que j'ai l'impression que le 'gilet jaune' qui est vraiment sur le rond-point et qui gagne 700 euros par mois, il n'est pas là", explique cet habitant.

La transition écologique au cœur du débat

Mais dans l'ensemble, l'ambiance est studieuse et sereine : le reste de l'assemblée reste concentrée, sur les débats de fond, avec une thématique qui s'installe : la transition écologique. Alors que le mouvement des "gilets jaunes" est né en réaction à la hausse des taxes sur le carburant pour la financer, la problématique environnementale se retrouve en effet au cœur des débats, lors de cette première consultation. "Il faut penser le changement, plutôt que changer le pansement, comme ce qui est fait avec les taxes actuellement", lance un jeune homme. D'autres participants expliquent leurs doutes faces à certaines avancées technologiques, comme la voiture électrique et vantent les initiatives locales en terme d'écologie. La transition écologique et l'impact sur les "générations futures" valent plusieurs fois des salves d'applaudissements aux orateurs. 

Plusieurs participants saluent le dialogue initié. "Les 'gilets jaunes', je ne suis pas d'accord avec la plupart de vos idées. Mais je crois que c'est une extraordinaire opportunité de débat, lance ainsi un jeune militant de La République en marche, après avoir expliqué les raisons de son engagement récent en politique. Je pense qu'il faut aussi que vous vous organisiez en force politique pour continuer le débat." Après cette intervention, timidement applaudie, un "gilet jaune" tient à répondre au militant. "La chance qu'on a, c'est qu'on est apolitique, rétorque le jeune homme. Créer un parti politique, ce ne serait pas une bonne idée parce que cela voudrait dire que l'on accepte ce système."

"La seule initiative de Macron que je soutiens"

Après près de deux heures de débats dans le calme, une élue locale prend la parole : "Je remercie les 'gilets jaunes' de nous réunir ce soir. Ce qu'aucun parti n'avait réussi à faire avant." Visiblement émue par les échanges entre les habitants, cette élue sans étiquette est longuement applaudie.

Vers 22h30, chacun des participants a pu voter pour choisir les thématiques qu'il ou elle jugeait prioritaire et c'est la transition écologique qui l'a emportée. De quoi surprendre jusqu'à l'organisateur du débat, le maire de Saint-Germain-au-Mont-d'Or, qui imaginait plutôt le pouvoir d'achat arriver en tête des préoccupations des habitants. "Je suis ravi d'être dans un pays où l'on peut encore discuter", se félicite aussi un jeune homme dans l'assistance. Et d'ajouter : "Ce débat, c'est la seule initiative d'Emmanuel Macron que je soutiens encore."

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