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"Gilets jaunes" : "Il y a un immense ras le bol dans ce pays et c'est en train de déborder", estime Éric Coquerel

Le député de la France insoumise de Seine-Saint-Denis a réagi à la manifestation parisienne des "gilets jaunes" sur franceinfo. Il appelle le gouvernement à "revenir sur ces taxes et sur la question de l'ISF". 

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Les "gilets jaunes" manifestent à Paris le 1er décembre 2018. (LUCAS BARIOULET / AFP)

"Il y a un immense ras le bol dans ce pays et c'est ça qui est en train de déborder", a réagi samedi1er décembre sur franceinfo Éric Coquerel, député Seine-Saint-Denis de la France insoumise, alors que des manifestations de "gilets jaunes" ont lieu un peu partout en France. À Paris, la place de l'Etoile, en haut des Champs-Elysées, a été le théâtre d'affrontements entre perturbateurs et forces de l'ordre. 122 personnes ont été interpellées et 23 blessées, dont 6 parmi les forces de l'ordre. "Si j'avais un conseil à donner au gouvernement, ça serait d'arrêter, de ne pas essayer de lâcher quelques bribes en espérant que ça se calme, ça ne va pas se calmer", a-t-il affirmé. Selon lui, il faut "revenir sur ces taxes, revenir sur la question de l'ISF, et pourquoi pas d'ouvrir un grand débat budgétaire, y compris en recevant des 'gilets jaunes', à l'Assemblée".

franceinfo : Quel regard portez vous sur ce qui se passe aujourd'hui ?

Éric Coquerel : Je porte un regard de l'intérieur parce que je suis actuellement au Louvre parmi les manifestants. Il y a des milliers de manifestants dans Paris qui entendent en réalité envoyer un message fort à Emmanuel Macron. Ce sont vers les lieux de pouvoir que tout le monde converge pour dire que les gens ne veulent plus de cette politique des taxes injustes, des privilèges, c'est quelque chose qui sent l'ancien régime. Ce n'est pas très étonnant que l'on ait un mouvement populaire de cette ampleur. Je crois qu'Emmanuel Macron ne devrait pas compter ni sur son essoufflement ni sur les caricatures qui sont faites dans tous les médias en ce moment, depuis ce matin, où on a l'impression d'un mouvement qui est uniquement vue à travers les images des Champs-Elysées. C'est une des facettes de ce mouvement, mais l'autre, c'est beaucoup de monde partout dans les régions qui occupent les ronds-points, qui dénoncent l'évasion fiscale. Il y a un immense ras le bol dans ce pays et c'est ça qui est en train de déborder.


Est-ce que le point de friction des Champs-Elysées n'est pas en train de déposséder un peu les "gilets jaunes" de leur force revendicative ?

Je suis en ce moment parmi les manifestants donc les gens ont quelque chose à dire. Je ne crois pas que ça soit différent. Après, inévitablement, dans ce genre d'événements, vous avez toujours quelques débordements de ce type. Tout à l'heure, j'étais avec une personne âgée de 60 ans qui m'a dit "Je ne suis pas du tout de votre bord, je suis très calme, pacifique, mais tout à l'heure je n'ai vraiment pas apprécié la façon dont on a été traités parce qu'on voulait manifester". Des gens qui jusqu'à présent ne manifestaient pas font aussi l'expérience de ce qui se passe dans ce pays depuis des mois et des mois, c'est-à-dire qu'on essaye de faire en sorte que chaque mouvement social soit réprimé, soit étouffé, et là ça ne marche plus. Ce qui m'intéresse le plus, c'est l'effet massif. La colère est telle dans le pays, c'est ça qu'Emmanuel Macron et le gouvernement devraient comprendre, qu'ils n'ont pas d'autre choix que d'écouter les revendications principales. Sinon à un moment ce sont eux qui devraient être remis en question.


Comment s'en sort-on maintenant puisque le gouvernement a effectivement fait des propositions, sur le chèque énergie etc... Est ce que cela suffit ? Qu'est-ce que vous prônez pour aller plus loin ?

Vous voyez bien que non, ça ne suffit pas. Le pouvoir d'achat des Français baisse depuis dix ans, et en plus avec ce gouvernement, depuis deux ans, ils [les Français] voient que les 1% les plus riches s'en sortent mieux. C'est insupportable. Par contre, les propositions qui ressortent un peu partout, c'est le fait d'arrêter ces taxes et l'augmentation des taxes, de rétablir l'ISF, et puis après s'attaquer au CICE : quatre milliards d'euros qui ne servent à rien. Cet argent devrait aller vers la transition énergétique et en plus ça, alimenterait les entreprises. Le fait que, par contre, on taxe les particuliers mais pas le kérosène des avions, c'est encore trois milliards d'euros de loupés. Globalement, ce qui se passe dans ce pays, c'est que les gens ne supportent plus l'injustice fiscale et les privilèges. Le gouvernement a espéré qu'avec cette politique, il allait en plus apporter un essor économique. On voit que ce n'est même pas vrai. Non seulement c'est inefficace, mais en plus de ça, c'est injuste. Si j'avais un conseil à donner au gouvernement, ça serait d'arrêter, de ne pas essayer de lâcher quelques bribes en espérant que ça se calme, ça ne va pas se calmer. Au moins de revenir sur ces taxes, de revenir sur la question de l'ISF, et pourquoi pas d'ouvrir un grand débat budgétaire, y compris en recevant des "gilets jaunes", à l'Assemblée. Sinon, à un moment donné, ça sera la légitimité du gouvernement qui va être mise en question. Raisons pour lesquelles on dépose une motion de censure avec le groupe communiste.


L'une des difficultés c'est que les "gilets jaunes" ne veulent pas de représentants politiques ou syndicaux, ils veulent se mettre en marge d'organisations structurelles. Est-ce que ça ne complique pas les choses ?

Non, je ne crois pas qu'ils veulent se mettre en marge, ce qu'ils veulent c'est que les gens qui comme nous souhaitons les soutenir, parce que beaucoup d'entre nous, beaucoup d'Insoumis connaissent les mêmes problèmes, les syndicalistes, nous respections leur auto-organisation et je trouve ça très bien. J'entends dire qu'il y a des assemblées citoyennes qui sont en train d'être mises en place dans le pays. C'est parfait, qu'elles fassent remonter leurs revendications parce que le trésor de ce mouvement c'est son auto-organisation. Personne ne vient me demander ce que je fais là, mais par contre je le fais à condition de respecter l'auto-organisation du mouvement. Je pense que l'une des recettes pour que ça fonctionne, pour que ça réussisse, c'est justement que les gens continuent comme ça, à s'auto-organiser. Que des assemblées citoyennes naissent, que des cahiers de doléances naissent, et que des représentations, telles qu'ils auront voulu, se fassent entendre pour porter leurs revendications. Moi je ne souhaite que ça. Je pense que c'est ça une révolution citoyenne pacifique, par les urnes, par des assemblées citoyennes, c'est ce qui est en train de se passer, en tout cas c'est un processus.

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