"Gilets jaunes" : "Il y a très peu de violences, mais des destructions, le vocabulaire n'est pas adapté", affirme le sociologue Sébastien Roché
Directeur de recherche au CNRS, Sébastien Roché pointe "les destructions extrêmement spectaculaires" en marge de la mobilisation des "gilets jaunes", samedi à Paris. Il estime que c'est là "le résultat du choix de l'épreuve de force".
Après le saccage des Champs-Élysées samedi, en marge de la mobilisation des "gilets jaunes", le directeur de recherche au CNRS et auteur de De la police en démocratie (Grasset) Sébastien Roché estime lundi 18 mars sur franceinfo que "le vocabulaire" n'est pas adapté pour décrire ces incidents. S'il y a "beaucoup de saccages et de destructions", il y a "très peu de violences", assure-t-il : "C'est peut-être un miracle, mais il n'y a aucune personne qui a été tuée à Paris samedi, ni la semaine d'avant".
franceinfo : Édouard Philippe a reconnu des "dysfonctionnements" du côté des forces de l'ordre samedi. Quels sont-ils, selon vous ?
Sébastien Roché : Il y a des problèmes, évidemment, mais on n'est pas du tout dans la description qui en est faite. On entend parler parfois des "gilets jaunes" comme de terroristes, on dit que la République est en danger, qu'il y a des factieux qui sont là pour tuer... Ce n'est pas du tout la situation qu'on a en France. C'est peut-être un miracle, mais il n'y a aucune personne qui a été tuée à Paris samedi, ni la semaine d'avant. Il n'y a pas de blessés graves en masse. Il y a eu de la part de la police un certain nombre de violences, mais on n'est pas dans la situation explosive qui ressemble, même de loin, à celle des révolutions. Mais il y a des problèmes qui sont de l'ordre des choix politiques et tactiques [...] Il y a un équilibre difficile à trouver entre la protection des symboles (l'arc de Triomphe, l'Elysée), la protection des commerces et la protection de la liberté de manifester, et aussi de l'intégrité des manifestants qu'on ne peut pas continuer à éborgner comme on l'a fait. Aujourd'hui, l'équilibre n'est pas parfait mais il y a un opportunisme politique dans les critiques qui sont faites du maintien de l'ordre qui va au-delà de ce qui est raisonnable.
Ces violences ne sont pas le symptôme de problèmes ?
Il y a très peu de violences, il y a beaucoup de saccages et de destructions. Le vocabulaire n'est pas adapté. On a de l'agressivité, qui n'est pas la même chose que de la violence, quand les gens sont blessés avec des blessures irréversibles voire des décès, et après, il y a des destructions. Et ce que l'on a, ce sont des destructions extrêmement spectaculaires [...] et politiquement le gouvernement est obligé de réagir. On est entraîné dans une sorte d'épreuve de force. Est-ce que la police aurait pu mieux faire ? Probablement. Mais on n'est pas dans une situation où Paris brûlerait partout sans qu'il n'y ait plus aucune forme de gouvernement. Donc, de ce point de vue-là, la préfecture a efficacement protégé ce qui est le plus précieux : la vie.
Le gouvernement a-t-il suffisamment analysé le mouvement des "gilets jaunes"?
Le choix du gouvernement a été l'épreuve de force. A partir de début décembre, sentant qu'il pouvait être débordé, ç'a été la sortie des blindés, des hélicoptères, des chiens, des BAC [brigade anti-criminalité], des CRS et des gendarmes mobiles partout en France, parfois même plus de policiers et de gendarmes que de manifestants. Et dans cette épreuve de force, il y a une dramatisation par le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner, et beaucoup de blessures. Tout cela créé une colère et aujourd'hui, on est dans le résultat du choix de l'épreuve de force. Le gouvernement dit : "plus de force légale", et de l'autre côté [du côté des "gilets jaunes"] on a aussi plus de force. Donc on a une confrontation extrêmement périlleuse, et c'est encore une fois un miracle qu'on n'ait pas plus de personnes mortes que cela.
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